Top départ ! Le second quinquennat d’Emmanuel Macron a donc débuté samedi 14 mai à 0h00. Le premier s’est terminé un vendredi 13 (avis aux superstitieux de tous poils). Le second a commencé par une semaine estivale et déjà caniculaire dans de nombreuses régions de France.
Le chef de l’Etat a donc nommé Première Ministre Madame Elisabeth Borne. Le gouvernement, lui, se fait attendre. Mais peu importe, à la limite : la question clé n’est plus de savoir qui va être nommé ministre. A la question du « qui gouverne la France ? », nous avons déjà la réponse : « Emmanuel Macron ». Depuis que les élections législatives coïncident et suivent l’élection présidentielle, Emmanuel Macron put continuer, plus encore que ses prédécesseurs, à trahir, l’article 20 de la Constitution qui confie au gouvernement, et non à l’Elysée, le soin de « déterminer et conduire la politique de la nation ». Non, c’est bien l’Elysée qui détermine en tous points et fixe les grandes décisions de conduite de la politique de la nation.
Non, la question clé est vraiment de savoir comment va-t-on pouvoir éviter un quinquennat horribilis.
La mandature commence très mal si la lenteur avec laquelle aura été constitué le gouvernement Borne nous éclaire sur la nouvelle méthode promise par le candidat président élu. On a le sentiment de revivre les trois semaines qui ont suivi le déclenchement du mouvement des gilets jaunes le 17 novembre 2018. Trois semaines de silence du président, trois semaines où les problèmes s’aggravaient de jour en jour, trois semaines de perdues qui ont décuplé la violence politique entretenue par cette étrange absence. Emmanuel Macron aurait pu, aurait dû préparer son gouvernement dès sa réelection et le mettre au travail au plus tard au commencement de son second quinquennat.
Tout le monde le pressent : si Emmanuel Macron devrait avoir une majorité au Palais Bourbon en juin, – même si ces trois semaines perdues et l’aggravation de la crise économique peuvent provoquer des surprises -, la France est de moins en moins gouvernable avec la montée des extrêmes et cette colère française contre les élites incarnées par le chef de l’Etat.
Le premier quinquennat n’a réglé aucun défi majeur !
Pendant qu’Emmanuel Macron prend son temps pour constituer son gouvernement, des faits récents du quotidien nous annoncent la couleur d’un quinquennat chaud bouillant !
Lorsque les électeurs de droite se retrouveront fin juin avec à peine une cinquantaine de députés, et ceux d’extrême-gauche être loin d’avoir une majorité parlementaire, le choc des légitimités sera terrible pour la nouvelle macronie réunie sous la bannière « Ensemble ». La rentrée sociale de septembre risque de se faire dans la rue.
« Dis papa, la fin du monde, c’est pour la fin du mois ? », disait un enfant. Une sécheresse et un emballement climatique qui s’accentuent de façon vertigineuse rendent vains les objectifs pourtant prudents des Accords de Paris et mettent l’agriculture française sous pression. L’économie française, elle, entre dans une tempête avec l’hyper inflation (le thermomètre qui nous annonce 4,8% de hausse des prix sur un an doit être d’urgence révisé et réparé) et la hausse annoncée des taux d’intérêt qui va faire exploser les dettes.
Les Français adhèrent-ils encore au modèle français avec ces millions d’emplois que des concitoyens refusent désormais d’exercer : où va un pays qui n’arrive même plus à recruter des professeurs des écoles et des enseignants en maths, matière fondamentale dans un monde de plus en plus technicisé ?
Quant à l’Etat, il est une colonne vertébrale brisée d’une société trop jupitérienne et administo-dirigée, avec des services publics de plus en plus inefficaces et un Emmanuel Macron qui ne risque guère de s’attaquer à une profonde réforme dégrossissante de l’Etat et à un grand choc de décentralisation qui devraient forger la mère des réformes, bien plus que celle des retraites.
Pire, – et l’Etat donne un la qui sonne faux -, la déliquescence de l’autorité et du respect renforcent chaque jour un sentiment de toute-impuissance dans la tête d ces milliers, de ces centaines de milliers de sauvageons qui sévissent dans l’impunité totale dans les écoles, dans les quartiers (de Marseille à Créteil), dans les clubs sportifs, sur les routes (l’assassin du jeune chef Antoine Alleno n’aurait jamais croisé sa victime si l’Etat avait rempli sa mission régalienne de prévention et d’impunité zéro).
Avec un chef de l’Etat qui considère que le voile, signe pourtant de soumission d’une femme aux hommes, de rigorisme religieux et de prosélytisme, est une liberté pour une femme française, la France va mal et la saison II de nos années Macron s’annonce sanglante.
Aux Français de se retrousser les manches et de se dire peut-être, contre leur habitude et cette tradition française hyper jacobine : avançons sans l’Etat Macron car celui-ci risque fort de choisir l’immobilisme face à ces vrais défis de notre temps ! Il n’y a que des solutions mais elles sont dans les mains et les têtes des Français plus que de l’Etat ! Quant au régalien, espérons qu’il ne faudra pas de nouveaux drames, de nouvelles tragédies pour qu’Elisabeth Borne (dans son parcours exemplaire de grande commise de l’Etat, elle ne s’est guère occupée de questions sécuritaires) et Emmanuel Macron affrontent enfin ces réalités françaises.
Michel Taube