La guerre en Ukraine va-t-elle une second fois relancer la campagne électorale d’Emmanuel Macron ? C’est jouable, même en dernière minute, considérant la brièveté des délais de décision des électeurs. Mais quel dédain de la vie démocratique…
C’est donc en train spécial que le président de la République est arrivé ce matin à Kiev, capitale de l’Ukraine, avec ses homologues allemand et italien, pour apporter le soutien de l’Europe à l’Ukraine, à son président Volodymyr Zelensky, et à son peuple. Une façon pour Emmanuel Macron de retrouver la posture du chef de guerre qui l’avait fait décoller dans les sondages fin février lors du premier tour de l’élection présidentielle. Un choix de calendrier qui n’a rien d’anodin, une façon de provoquer un sursaut de dernière minute à quelques jours du second tour des élections législatives dans son électorat, déçu ou endormi ? Tous derrière le chef, la patrie en danger !
Il était temps qu’Emmanuel Macron sorte l’artillerie lourde ! Car depuis deux mois, depuis qu’il a été réélu président de la République, Emmanuel Macron est étrangement effacé. C’est à se demander s’il ne le fait pas exprès, si une partie de lui-même ne voudrait pas cohabiter pour laisser à ses opposants la gestion impossible du pays, et que lui, comme un monarque, se contenterait et se complairait dans un tourisme diplomatique pour grands de ce monde, mâtiné de quelques envolées littéraires épisodiques consenties à ses sujets, comme le 14 juillet ou le 31 décembre. Tourisme diplomatique ? En train pour commencer !
Avant-hier, le chef de l’État avait assuré le service minimum de la campagne électorale en 6 minutes (un record de concision pour Emmanuel Macron) de déclaration solennelle sur le tarmac d’Orly. Comme par une forme d’onction présidentielle, la voix de Dieu Jupiter a voulu convaincre les abstentionnistes et les républicains de faire barrage à la Nupes et au Rassemblement National dans les urnes dimanche prochain. Le sursaut républicain, c’est voter Ensemble ! Bref la République, c’est moi ! Du Mélenchon dans un bas de laine !
Sera-ce suffisant pour suppléer aux carences d’une Première Ministre dont les compétences cachent mal l’absence de punch politique pour diriger la majorité présidentielle.
Quelle cohabitation ?
Emmanuel Macron se préparerait-il déjà à vivre en cohabitation ? Oui, mais laquelle ? La mineure ou la majeure ? La mineure est plus probable : assurément, contrairement au premier quinquennat, Renaissance (ex-LREM) aura besoin du Modem, d’Agir et surtout d’Horizons pour disposer d’une majorité absolue au Palais Bourbon. Edouard Philippe pourra monnayer à dessein sa loyauté sans faille et se préparer à succéder à Emmanuel Macron à la tête de la macronie d’ici 2027. Les ministres issus de ces partis hier satellites seront certainement mieux représentés dans le gouvernement Borne II (s’(il y en a un). Cette cohabitation interne à la macronie suffira-t-elle à voter les lois ? Rien n’est moins sûr : une majorité relative nécessitera de tendre la main à LR, en quête de survie nationale, sur des projets de loi ponctuels.
Mais une cohabitation majeure menace aussi le pouvoir : la Nupes peut gagner dimanche ! Les sondages, dont les projections en sièges des résultats du premier tour, ont été bien présomptueux dès dimanche dernier, peuvent être démentis et ce ne serait pas la première fois. La dynamique créée par l’union des gauches, les ratés multiples de l’exécutif depuis deux mois, la tentation de l’abstention de nombreux démocrates déçus, notamment des électeurs de droite, la crise économique qui commence à frapper fort et pousse de nombreux Français à céder à la tentation du marché de Nupes que leur propose Mélenchon, tous ces éléments peuvent concourir à créer un séisme politique le 16 juin.
Quoi qu’il arrive, le Palais Bourbon sera pendant cinq ans un chaudron ardent. La chienlit à la tête d’un Etat et d’un régime au bord de l’implosion.
Michel Taube