Le procès des attentats du 13 novembre entre dans sa dernière ligne droite. Comprendre le financement du terrorisme est donc primordial.
Depuis une vingtaine d’années et le début de la mise en place de la lutte contre le jihad financier lancé par l’ancien Président des Etats-Unis, Georges W. Bush Jr, l’apparition du terrorisme low-cost est une nouveauté. Commettre un attentat coûte de moins en moins chère. Le coût de l’opération du 11 septembre 2001 est estimé entre 200 000 et 500 000 dollars alors que celui de Nice en juillet 2016, est estimé à 2500 euros (l’équivalent d’environ 2600 dollars)[1].
La France s’est montrée exemplaire dans la lutte contre le financement du terrorisme et a pris de nombreuses initiatives. Elle a notamment accueilli à Paris, le 26 avril 2018, la conférence, No Money No Terror, réunissant près de 500 experts et 80 ministres de 72 pays. De plus, c’est à son initiative que le 28 mars 2019 le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 2462 sur la lutte contre le financement du terrorisme. Néanmoins, certains attentats n’ont pu être évités.
Les mouvements terroristes peuvent se financer par des fonds de source légale et illégale. Nous constatons que, souvent, ces derniers utilisent les mêmes circuits que ceux de la délinquance financière, à savoir : blanchiment d’argent, corruption, fraude fiscale, trafic de drogue ou d’êtres humains, trafic d’œuvres d’art, trafic d’armes. Il est sûr que des progrès spectaculaires ont été faits ces vingt dernières années en matière de lutte contre le financement du terrorisme, notamment par la lutte contre ces canaux « classiques » de criminalité. Cependant, l’opacité des centres financiers extraterritoriaux et l’utilisation dans ces derniers de prête-noms persistent.
Certaines nouvelles techniques sont utilisées comme les cryptomonnaies et notamment, les mixeurs de bitcoins comme Monero. A ce jour, le législateur a compris les failles et le secteur des cryptoactifs est assujetti à l’article 561-2 du Code Monétaire et Financier, via l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 qui a transposé en droit français la cinquième directive LCB-FT.
La sénatrice Nathalie Goulet, auteure d’un ouvrage remarqué, demande plus de contrôle sur les financements du terrorisme[2]. Elle pointe du doigt la Commission européenne qui peut décider de contributions en faveurs d’ONG, certaines peu recommandables et proches, par exemple, du mouvement ikhwaniste. En 2019, la Commission européenne a octroyé à Islamic Relief Germany 712 000 euros pour des projets dans le domaine des secours en cas de tremblement de terre et d’inondation. Islamic Relief Worldwide est classé comme une organisation terroriste en Israël, y compris ses principales branches, car elle ferait partie du système de financement du Hamas. Il est à préciser que l’IRW a été créée en 1984 avec deux étudiants de l’université de Birmingham et membres éminents du groupe égyptien des Frères Musulmans, Hany El-Banna et Ihsan Shbi.
Il semble également indispensable d’amplifier davantage la coopération internationale avec des pays comme les Emirats Arabes Unis, Israël, le Qatar ou l’Arabie Saoudite, dans l’échange d’informations et du partage des meilleures pratiques. Cela peut passer par des séminaires, des symposiums ou des formations entre les différents partenaires. Nous devons aussi prendre exemple sur la bonne coopération qui nous unit avec le royaume du Maroc, qui nous a permis d’éviter certains attentats.
Pour finir, il serait utopique de penser que la fin du terrorisme est pour bientôt. Cependant, les actes terroristes pourront diminuer si les autorités s’attaquent aux sources de la propagande des mouvements extrémistes (extrême droite, extrême gauche, mouvements extrémistes religieux) et au financement du terrorisme. Ce qui impose la surveillance des signaux faibles, sans intrusion exagérée pour respecter la RGPD, d’autant plus que certains moyens de transfert d’argent sont totalement légitimes. L’utilisation de l’intelligence artificielle pourrait permettre de repérer certaines opérations bancaires atypiques servant pour financer le terrorisme.
Yani HADAR
Expert en compliance
[1] Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 24 octobre 2017 sur la lutte contre le financement du terrorisme international
[2] Nathalie Goulet, « Abécédaire du financement du terrorisme », Le Cherche-Midi, 24 mars 2022