La chronique de Patrick Pilcer
05H52 - mardi 21 juin 2022

Législatives ou comment faire progresser « En Même Temps » l’extrême droite et l’extrême gauche. La chronique de Patrick Pilcer

 

Patrick Pilcer

Faites vos jeux. Rien ne va plus. Les jeux sont faits. Les urnes ont livré leur verdict.

Macron perd sa majorité absolue, Extrême droite et extrême gauche progressent partout en France, les Républicains, unis, oublient le score calamiteux de Valérie Pécresse, les Sociaux-Démocrates qui ont refusé l’étiquette Nupes sauvent les meubles et surtout l’honneur de la gauche de gouvernement.

Des résultats très peu attendus, et pourtant, est-ce si étonnant que la bille de la roulette électorale se soit arrêtée sur la case « France ingouvernable » ? Pour le coup, le hasard n’a rien à voir avec les scores des différentes formations politiques.

A tout seigneur tout honneur, le score de la majorité présidentielle est loin d’être une surprise. Beaucoup prétendaient pourtant que la France, après avoir élu un président, se devait de lui donner une majorité absolue. C’était oublier que le candidat Macron avait surtout bénéficié d’un vote utile massif : faire barrage à un second tour Mélenchon Le Pen. Macron rassembla ainsi une majorité très diverse avec des électeurs qui auraient préféré voter PS, écolo ou LR. Mais, en même temps, Macron suscitait une très forte hostilité dans toutes les composantes de la société. Il s’est révélé incapable de proposer un projet de société qui rassemble ce qui était épars. Il lui était ainsi très difficile de recréer les conditions d’une majorité absolue à l’Assemblée. D’autant qu’en plus du rejet de son mode de gouvernance s’est ajouté le rejet des députés élus il y a 5 ans, qui, pour beaucoup, n’ont pas justifié aux yeux de leurs électeurs la nécessité de revoter pour eux. Un dégagisme puissance deux.

En passant, pourquoi ne pas avoir gardé Castex premier ministre quelques semaines de plus, plutôt que de faire endosser une possible défaite électorale à Elizabeth Borne ? encore un mauvais coup porté, même involontairement, à la place des femmes en politique !

Le relativement bon score des LR n’est pas non plus une surprise. La Droite et le Centre ont su maintenir un fort ancrage local, territorial. LR a la majorité au Sénat, préside de nombreuses régions, départements et villes. Une fois le « vote utile » aux présidentielles passé, il était logique que LR retrouve un grand nombre de députés. LR reste, avec sa majorité sénatoriale, le premier parti de gouvernement d’opposition. Et pourtant, si peu de ses leaders ont « fait le boulot, mouillé le maillot », et ont été aider leurs candidats.

Le score de Nupes n’est pas une réelle surprise. L’alliance du PC, du PS, des Verts et des Insoumis a gagné ce que l’addition des forces laissait présager. Reste l’addition des faiblesses, les outrances de sa composante indigéniste et wokiste, l’arrogance des dogmatiques qui reprochent aux autres une supposée arrogance, l’incapacité à avoir un réel programme de gouvernement qui dépasse le « demain on rase gratis » et l’absence de réelles valeurs communes. Aucun point commun, par exemple, sur la Laïcité, entre un Fabien Roussel, la vraie révélation à gauche de ce moment politique, et Danièle Obono ou Aymeric Caron. Nous n’aurons donc pas Mélenchon, un homme ayant déjà dépassé les 70 ans, qui demande à travailler 5 ans de plus pour empêcher la réforme des retraites… Il va pouvoir retourner en pèlerinage en Amérique latine sur les traces de Che Guevara, Castro et Chavez ! trois fois ouf…

Le score du RN est, par contre, une réelle et mauvaise surprise. La percée de l’extrême droite doit en grande partie aux outrances d’Eric Zemmour, le meilleur ennemi de Marine, l’idiot utile de l’extrême droite. Avec ses propos, il a réussi à faire passer la leader du RN pour une douce républicaine, une partisante de la laicité et des valeurs de la République, quelqu’un pour qui une partie de la droite pouvait voter. Marine devrait le remercier. Sans lui, elle aurait plafonné à 8 ou 10 députés. Grâce à lui, grâce aux électeurs de l’extrême gauche, grâce à l’alliance des gilets jaunes et des complotistes antivax, grâce au vote « tout sauf Macron », elle obtient 89 députés. Impensable il y a deux ou trois mois…

Avant ce scrutin, les apparatchiks des différents partis se plaignaient du manque de représentativité de l’Assemblée, ils souhaitaient tous un vote à la proportionnelle. Et bien, ils l’ont eu, grandeur nature. L’Assemblée élue le 19 juin reflète parfaitement les différentes sensibilités politiques du pays. Qu’y gagne-t-on ? Un pays ingouvernable, où l’adoption des lois va dépendre de marchandages, de donnant donnant.

Cette supposée non-représentativité ne dépendait donc pas du mode de scrutin, mais de l’existence d’un débat clair projet contre projet, d’un affrontement républicain sur quelle France nous souhaitons collectivement pour les prochaines années, de joutes oratoires et républicaines entre leaders politiques, d’alliances claires entre partis avant les votes. Nous n’avons eu rien de tout cela. Une campagne électorale très pauvre, des choix reposant sur les étiquettes des uns et des autres, comme, en fait, pour un vote à la proportionnelle.

 

Si la France avait besoin d’un vaccin contre la proportionnelle, elle l’a trouvé sans recourir à Moderna ou Pfizer. Merci non pas l’ARN mais LaReM !

Et maintenant, où va-t-on ?

Il n’y a aucune raison objective pour que LR s’allie avec LaREM. Il faut arrêter cette attraction vers le trou noir qu’est devenu En Marche, l’anti-matière grise politique. A force de phagocyter les forces d’opposition républicaine, Macron les a fait disparaître et il ne reste alors plus que les extrêmes comme forces d’alternance. Stop au suicide collectif !

Mais, au fond, a-t-on un réel et si grand besoin de gouvernement, à part pour gérer les affaires courantes et le régalien ? Nos amis Belges nous ont brillamment démontré que sans gouvernement, leur pays avait tenu la route, peut-être même mieux qu’avec un gouvernement classique. A-t-on vraiment besoin de légiférer ? N’a-t-on pas déjà trop de lois ? N’est-il pas temps d’arrêter d’empiler des lois qui, même quand elles sont applicables et appliquées, n’améliorent bien trop souvent que si peu le quotidien des Français ?

Finalement la Chienlit peut avoir du bon !

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

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