Edito
10H25 - vendredi 1 juillet 2022

Chèque alimentaire : vive l’Etat Abbé Pierre ! L’édito de Michel Taube

 

C’est confirmé : il y aura bien un chèque alimentation de 100 € pour 9 millions de Français. Victoire de la commisération sur le politique, de l’argent magique sur l’État stratège, de l’aumône et de la compassion sur l’État providence. La politique est morte, vive l’État Emmaüs ! Le chef de l’État paré en Abbé Pierre se dit peut-être que lorsque les pauvres recevront un chèque, enfin un virement (pour ceux qui ont un compte bancaire), ils remercieront le ciel, pardon Jupiter, pour sa bonté infinie !

Ce chèque alimentaire, c’est l’Arlésienne qui a poursuivi tout le premier quinquennat Macron ! Certes, les 100 € seront accompagnés de dizaines de mesurettes de pouvoir d’achat qui devraient coûter des dizaines de milliards d’euros à la collectivité nationale et donner un petit ballon d’oxygène aux Français les plus fragiles.  

Cette loi rafistolage, cette loi rattrapage qui inaugure le second quinquennat Macron sera le premier test grandeur nature pour les 577 députés élus : sauront-ils trouver un compromis à la rhénane dans l’intérêt des Français ? Ou verra-t-elle des idéologues de tous bords s’entredéchirer en prenant à témoin les Français sur leur préoccupation numéro 1 : les fins de mois difficiles.

La réalité est que cette loi, c’est de l’argent magique distribué à tout va sans création de valeur à la clé ! Sauf si cette « monnaie hélicoptère », vous la réservez aux acteurs économiques productifs comme ce fut fait pendant la crise Covid dans de nombreux pays.

Bien sûr qu’il faut aider les plus démunis mais il faut surtout remettre les Français au travail, en ordre de bataille pour affronter la crise sociale qui s’annonce terrible, autrement que par des aides qui les rendront plus oisifs que créatifs !

 

Car ce n’est pas une loi sur le pouvoir d’achat, aussi généreuse soit-elle, qui va éteindre l’incendie social.

Pour une raison de fond : ce qui se passe actuellement sous nos yeux, au-delà de la crise économique, c’est l’explosion en plein vol du modèle social français.

Il y a la crise des fins de mois, la plus visible : ma zone de turbulences économiques, pardon de tempête sociale qui a commencé précisément le 17 novembre 2018 sur les ronds-points de France avec la crise des gilets jaunes, risque certes de redoubler d’intensité avec l’explosion des prix et des taux d’intérêts. Ces vents tourbillonnants pourront désormais aussi souffler (jusqu’à la tête de la commission des finances) à l’Assemblée Nationale avec la centaine de députés Insoumis qui veulent surfer sur la colère sociale.

Mais plus terrible est que cette colère des fins de mois impossibles se double d’une rupture entre les Français et leur nation là où même se faisait jusque-là la création de richesses dans notre pays : le salariat. Le modèle social français, c’était : « tout repose sur le salaire et plus particulièrement le CDI ». Ce modèle est mort depuis que la crise Covid a réveillé les loups !

On veut nous faire croire que la France s’approche du plein emploi. C’est exactement le contraire qui se passe : le désengagement professionnel, la fuite massive du salariat font que des millions de postes stratégiques, vitaux pour une nation ne trouvent plus preneur. Hôpitaux fermés la nuit, infirmiers qui démissionnent, instituteurs non remplacés… Beaucoup de Français ne veulent plus soit travailler tout court soit travailler dans les conditions de salariat si mal payé et mal encadré par des hiérarchies incompétentes en termes de ressources humaines.

Le modèle social explose avec l’impressionnante débandade des vocations dans les grandes administrations : instituteurs, professeurs, soignants quittent par milliers leur emploi. Avec aussi les métiers manuels, agricoles et de services qui ne trouvent plus de candidats, négligés, méprisés pendant des décennies et connaissent donc des pénuries terribles : dans le tourisme, alors que les réservations s’annoncent historiques pour l’été, la tension sur les recrutements est à son paroxysme.

 

Refondre notre modèle social pour le sauver

En fait, pendant la campagne présidentielle, nous formions le vœu avec quelques-uns que le quinquennat à venir soit l’occasion de refonder le modèle social français en ne faisant plus reposer les grandes protections sociales sur les cotisations d’un travail salarié qui se fait de plus en plus rare mais sur la consommation (et pour certains sur les produits financiers).

Par exemple, le Président de l’Ordre des experts-comptables se voulait audacieux pour la France : Lionel Canesi nous expliquait début avril quelques-unes des 100 mesures adressées par sa profession aux candidats à l’élection présidentielle. TVA sociale, transferts de la protection sociale des cotisations du travail vers les prélèvements fiscaux étaient proposés.

Oui, la crise que nous vivons doit être l’occasion d’une telle catharsis, d’une telle révolution. Pourquoi les Macroniens et les Républicains ne s’allieraient-ils pas, au Sénat et à l’Assemblée, pour voter une refonte complète des prélèvements sociaux et fiscaux qui acterait du sauvetage révolution de notre modèle social.

Sinon ce dernier s’effondrera et ce sont, ironie de l’histoire, les étatistes de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite qui en seront les artisans par leur démagogie et la colère sociale qu’ils attiseront par électoralisme dès l’été et la rentrée de septembre !

 

Michel Taube

Directeur de la publication