Edito
06H26 - vendredi 8 juillet 2022

L’IVG n’est pas près d’entrer dans la Constitution ! L’édito de Michel Taube avec Louis Ferbus

 

Elle n’en a donc pas parlé. La Première Ministre n’a même pas évoqué dans son long, trop long discours de politique générale la proposition de constitutionnalisation de l’IVG pourtant portée par le groupe Renaissance dont est issue Elisabeth Borne. La nouvelle présidente du groupe, Aurore Bergé, a dû apprécier…

La décision de la Cour Suprême des Etats-Unis du 24 Juin avait rouvert la voie à l’interdiction de l’IVG dans les Etats américains qui le souhaitent. En quinze jours, le Missouri, l’Arkansas, l’Idaho, le Kentucky, la Louisiane, le Mississipi, le Dakota du Nord et du Sud, l’Oklahoma, le Tennessee, le Texas, l’Utah et le Wyoming ont déjà légiféré en ce sens et une dizaine d’autres s’apprêtent à le faire tels que la Floride, l’Ohio, la Géorgie ou la Caroline du Sud). C’en est fini de la jurisprudence inaugurée par la décision Roe v. Wade rendue en 1973. Cette dernière avait précédé l’adoption en 1975 en France de la fameuse loi Veil autorisant l’Interruption Volontaire de Grossesse.

En 2022, est-il pour autant réellement nécessaire de constitutionnaliser aussi rapidement, comme l’ont souhaité des groupes politiques français de tous bords, un droit qui n’est pourtant pas remis en cause en France, et ceci en simple réaction à une décision outre-Atlantique ? 

Existe-t-il, à l’heure d’aujourd’hui, en France, un seul parti qui souhaite revenir sur le droit à l’avortement ? Personne parmi les leaders politiques ne remet en question la loi Veil. C’est un fait. La société américaine, elle,  a toujours été extrêmement divisée quant à cette question. Certaines communautés importantes refusent totalement la pratique de l’IVG tels que les Mormons. Une division de la société américaine probablement due à l’emprise de la religion sur la vie politique, qui est sans commune mesure avec la France, grâce peut-être à notre principe de laïcité.

Ceci dit, la montée de l’islam radical et, on n’en parle jamais, des évangélistes protestants dans les banlieues françaises menace la lberté de choix des femmes.

En France, aucune politique n’a jamais été mise en place dans l’optique de limiter le droit à l’IVG. Au contraire, une extension de ce droit a été votée le 23 février dernier à l’Assemblée Nationale, permettant de pratiquer l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse.

L’idée, à la base, de la Constitution, est d’organiser les pouvoirs publics. Le droit à l’IVG a-t-il quelque rapport avec les pouvoirs publics ? Ce droit se doit d’être protégé mais la communication est-elle encore la meilleure chose à faire pour qu’en réalité, pour les femmes ayant recours à l’IVG, rien ne change.

Communication politique quand tu nous tiens… Yaël Braun-Pivet, alors présidente de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, et le groupe LREM, lors de la précédente mandature, s’étaient opposés à l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution. « Les droits des femmes à l’égard de la contraception et de l’avortement sont aujourd’hui extrêmement bien assurés dans notre pays. Je ne crois pas que l’inscription de ces droits dans la Constitution, d’une part soit nécessaire, d’autre part soit utile. À mon sens, il n’est nul besoin de brandir des peurs relatives à ce qui se passe dans d’autres pays pour estimer que ces droits sont menacés dans le nôtre », avait-elle affirmé en 2018 face à la proposition de constitutionnalisation de l’IVG par la gauche.

Ne serait-il pas plutôt nécessaire d’assurer des soins dignes pour les femmes ? De mettre en place davantage de prévention, notamment auprès de nos jeunes ? D’assurer un suivi psychologique aux femmes souhaitant avoir recours à l’IVG ? De sensibiliser les jeunes femmes musulmanes aux risques que font courir certaines doctrines sur leur propre autonomie de choix.

L’IVG dans la Constitution ? Manifestement mercredi, par son silence devant les députés, Elisabeth Borne avait tranché la question*. 

 

Michel Taube avec Louis Ferbus

*: Les partisans de la constitutionalisation se consoleront à Strasbourg : dans une résolution adoptée hier par 324 voix pour, 155 contre et 38 abstentions, signe d’un consensus européen en la matière, les euro-députés ont demandé que le droit à l’avortement soit inscrit dans la Charte européenne des droits fondamentaux, par la modification de l’article 7 de la Charte et l’ajout des propos suivants : ‘‘toute personne a droit à un avortement sûr et légal’’. 

Directeur de la publication