L’antisionisme est le virus mutant de l’antisémitisme. A s’attaquer à Israël systématiquement, on libère les énergies antisémites de certaines sauvageons (le mot est faible) comme on vient de le constater une fois de plus à Strasbourg où un juif orthodoxe a été agressé dimanche 4 septembre, la police ayant retenu le caractère antisémite.
Le 19 décembre 2019, le cimetière de Westhoffen était profané et les juifs, morts et vivants, attaqués par des êtres venus des bas-fonds de l’humanité. Ce jour-là, y a-t-il cause à effet ou circonstance amère, le député Sylvain Maillard (LREM) déposait à l’Assemblée nationale une résolution qui porte son nom visant à faire adopter la nouvelle définition de l’antisémitisme proposée par l’IHRA. L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) rassemble des gouvernements et des experts dans le but de renforcer et de promouvoir l’éducation, le travail de mémoire et la recherche sur l’Holocauste et de mettre en œuvre les engagements de la déclaration de Stockholm de 2000.
Rappelons que cette résolution qui donne une définition opérationnelle de l’antisémitisme, certes non contraignante, a été adoptée par les 31 États membres de l’IHRA le 26 mai 2016, mais aussi par des villes comme Paris d’Anne Hidalgo, Nice de Christian Estrosi, l’administration Jo Biden aux Etats-Unis, le Parlement Européen, les Nations unies et des dizaines de villes dans le monde. Il s’agit bien là d’un consensus international
Ce texte clair, concis, a le mérite de nommer le mal. « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte.»
Cette résolution postule clairement que l’antisionisme peut être assimilé à une nouvelle forme d’antisémitisme. En commémorant le 75e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv à Paris en 2017, Emmanuel Macron lui-même avait déclaré : « Nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est LA forme réinventée de l’antisémitisme ». Le chef de l’Etat a rappelé cette évidence à plusieurs reprises : l’hostilité à l’Israël est souvent devenue le cache-sexe des antisémites.
Cette résolution a été adoptée par les députés français non sans débats et polémiques, mais adoptée.
Tous les députés alsaciens avaient alors adopté cette résolution. Tous ? A l’époque oui, mais depuis que la composition de l’Assemblée nationale a changé avec les élections législatives de juin 2022, la donne a changé.
C ‘est certainement en réponse à cette résolution sans ambiguïté que 34 élus de la NUPES, dont Monsieur Emmanuel Fernandes, député de la deuxième circonscription du Bas-Rhin, ont présenté une résolution de 24 pages digne par sa longueur d’un discours de Staline ou de Castro. Est-ce pour occuper le terrain médiatique et politique, est-ce pour distiller dans les esprits, tel un poison, certaines idées incongrues et haineuses ?
L’art ou plutôt le supplice bien connu de la répétions dans ces 24 pages vient résonner en écho des colporteurs de haine des années sombres de notre histoire. Par le mensonge et la relecture de faits établis pourtant têtus, ils ne servent que leurs intérêts électoraux populistes et sûrement pas la paix au Moyen-Orient ni l’apaisement dans notre pays déjà soumis aux clivages, fractures sociales et communautaires.
Deux revendications basées sur le mensonge et la haine d’Israël tournent à nouveau en boucle depuis quelques semaines :
- reconnaître officiellement le BDS (boycott discrimination sanction), pourtant condamné en France, qui appelle à des sanctions contre l’État juif
- Condamner Israël pour crime d’apartheid.
Il faut rappeler que les appels au boycott d’Israël sont contraires à la loi en France et qu’une circulaire ministérielle du 20 octobre 2020 envoyée aux préfets par le ministère de la justice rappelle un point intéressant : « le caractère antisémite des appels au boycott pourra résulter directement des paroles, gestes et écrits du mis en cause. Il pourra également se déduire du contexte de ceux-ci. » En effet, le poids du contexte dans lequel des attaques antisionistes sont souvent proférées est en effet décisif en France : ce contexte, c’est ce fond d’antisémitisme qui travaille encore et toujours une partie de la société française.
Ce texte d’une partie de la gauche (heureusement des députés de gauche comme Jérôme Guedj se sont insurgés) est lui aussi sans ambiguïté : il feint d’oublier les les 20 % d’Israéliens musulmans, maronites, druzes ou chrétiens comme si seuls les juifs existaient en Israël. Il parle de colons sur des terres arabes déjà « Judenrein ou judenfrei », où la notion discriminatoire de dhimmis fait partie des grands principes de société.
Mais surtout ce texte nous parle d’apartheid dans l’Etat juif et démocratique, « foyer national du peuple juif qui réalise son aspiration à l’autodétermination conformément à son patrimoine culturel et historique (ONU 1947) » selon les lois fondamentales du pays.
En parlant d’apartheid, cette résolution empoisonnée suggère en creux qu’il y aurait comme une « race juive » en Israël et dans le monde qui oppresserait d’autres « races ». Or si Israël est un État juif, cela ne veut pas dire Etat de religion juive ou réservé aux juifs. Toutes les religions peuvent être pratiquées librement en Israël : le Muezzin appelle à la prière chaque jour, comme les cloches le dimanche pour les chrétiens, les jours fériés sont ceux des juifs comme en France, ceux des chrétiens et personne ne parle alors d’apartheid.
L ‘Assemblée nationale, temple de notre démocratie, devrait-elle pour la première fois débattre d’un prétendu apartheid israélien juif, encore une fois comme s’il y avait une « race Juive » en Israël. La « race » ? François Hollande avait proposé de retirer le mot de l’article 1 de la Constitution de 1958, tant le terme est désuet.
Notre démocratie ne peut se permettre d’accepter un tel débat au sein de nos institutions et, à ce titre, cette résolution ne peut pas être présentée. Le fait que les députés de la NUPES dans leur intégralité aient quitté l’hémicycle le 2 août dernier, le jour ou le garde des Sceaux a clairement accusé l’extrême-gauche et l’extrême-droite d’antisémitisme politique, signe une forme d’aveu : ils n’ont pu répondre que par la fuite et l’exclusion.
Non Israël n’est pas un État d’apartheid, non les juifs ne sont pas des oppresseurs, comme en Afrique du Sud et « la race afrikaner » oppressant les noirs, avant le retour au pouvoir de Nelson Mandela, ou certains États américains dans les années 50 et 60.
Les députés NUPES n’ont qu’un objectif : traîner Israël devant la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité. Voilà encore un parallèle insupportable.
La menace d’une telle résolution, dont on peut être certains qu’elle ne passera pas, est celle de la perte ne nos valeurs et de notre dignité républicaine, de la division nationale déjà éprouvée par le passé lors de l’affaire Dreyfus, de la collaboration et surtout une vraie menace sur les Français juifs.
A l’heure où les accords d’Abraham entre Israël et des pays arabes commencent à produire leurs effets, où le Maroc se rapproche toujours plus d’Israël, où même la Turquie d’Erdogan renoue ses relations diplomatiques avec l’Etat hébreu, des élus français gauchistes s’éloignent un peu plus du sens de l’histoire et réaffirment leur antisionisme, pardon, leur antisémitisme.
Dr. Thierry Roos, chirurgien-dentiste, ancien conseiller municipal de Strasbourg, membre du Consistoire israélite de France et du Bas-Rhin, Vice-président de la LICRA 67
Michel Taube, éditorialiste politique, fondateur d’Opinion Internationale, de l’Observatoire international de la laïcité, de la Journée mondiale contre la peine de mort qui a lieu le 10 octobre de chaque année