Edito
06H01 - mercredi 7 septembre 2022

Refonder ? L’édito de Michel Taube

 

Emmanuel Macron, comme tout bon communiquant, a l’art d’abuser des mots : il promit la « révolution » en 2016 dans son livre de candidat à l’élection présidentielle. Voici qu’il lance demain le Conseil National de la Refondation, en se référant, rien de moins, au Conseil national de la Résistance.

Mais le président de la République le veut-il sincèrement ? Et le peut-il seulement ?

Certes, la CFDT, les Associations d’élus locaux et quelques acteurs, en bons légitimistes, participeront à l’inauguration. François Bayrou, Monsieur planification de tout ce qui ne sera pas anticipé, champion toutes catégories du cumul de fonctions institutionnelles, sera tout sourire demain aux côtés d’Emmanuel Macron.

Mais les leaders des oppositions et le numéro 2 de l’Etat, Gérard Larcher, président du Sénat, ont eu bien raison de censurer cette grand-messe dont on sait déjà qu’elle accouchera de quelques mesurettes.

Car, synthèse du one-man-show présidentiel que fut le Grand Débat national post-gilets jaunes et de l’esbrouffe participative que fut la Convention citoyenne sur le climat, le CNR est un jouet dans les mains d’un chef de l’État en cours de démonétisation.

Vu la perte d’autorité du président de la République (même des mesures simples et fortes comme les 30 mn de sport dans les écoles primaires tardent à se mettre en place), vu la colère qui gronde dans notre pays (les 89 députés RN et les élus de la Nupes en ont récolté les fruits), il eut été préférable que le chef de l’Etat, en arbitre des institutions, confiât à trois collèges forts le soin de lancer des États généraux d’une véritable refondation démocratique, sociale et institutionnelle dont notre pays a tant besoin.

D’un côté les deux présidents d’Assemblées, entourés des vice-présidents et des présidents des commissions permanentes, ainsi représentatifs de la diversité politique de notre pays, de l’autre le Bureau du Conseil Économique, Social et Environnemental, reflet de la société civile, enfin le regroupement de toutes les Associations d’élus locaux, représentant le poumon et le cœur de la France, auraient eu plus d’allure qu’un vague Conseil mâtiné de quelques citoyens tirés au sort qui ont comme seule légitimité le hasard.

Car nous baignons en plein paradoxe : le chef de l’Etat a raison de vouloir refonder la maison France mais il va encore une fois gâcher une belle idée. Pourtant, une profonde réforme de l’Etat recentré sur le régalien avec une grande vague de décentralisation, la refonte de la représentativité de tous les corps constitués, la refonte du droit électoral pour faire reprendre aux Français le chemin des urnes, il y aurait tout à refonder !

Le 4 décembre 2018, nous prêtions au chef de l’Etat, comme réponse à la crise des gilets jaunes, dans un discours fictif qui visait à combler le silence assourdissant qu’il observait depuis le déclenchement du mouvement protestataire, l’intention d’une refonte complète des institutions de la République et de la vie démocratique et sociale.

A Marcoussis, temple du rugby français, qui accueillera demain le lancement du pseudo Conseil de la pseudo refondation nationale, Emmanuel Macron aurait dû rester au-dessus de la mêlée.

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication