Chronique parue le 21 octobre 2022
Il est extrêmement délicat d’évoquer, même en juriste, les responsabilités respectives dans l’assassinat de la jeune Lola, tant le sujet est politiquement inflammable. La distinction est pourtant claire : disserter de la responsabilité du gouvernement ou de la politique migratoire, c’est de la politique. Se pencher sur la responsabilité de l’État, c’est du droit.
Un fait ne devrait pas faire débat : si l’obligation de quitter le territoire (OQTF) était réellement une obligation, Lola ne serait pas morte. Ce crime atroce, celui-ci en particulier, est une conséquence tragique de la non-application du droit. Objecter que l’assassin aurait pu être un Français ou un étranger en situation régulière relève de l’esquive maladroite. Là n’est pas le sujet.
La principale suspecte était sous le coup d’une OQTF lui accordant un délai de 30 jours pour quitter le territoire, éventuellement avec une aide au retour, sans quoi elle pouvait être placée en centre de rétention ou assignée à résidence, en attendant son expulsion. Elle « pouvait », car cette obligation n’en est pas vraiment une, a fortiori si la décision ne lui a pas été notifiée, ou qu’elle a intenté un recours (suspensif) devant le juge administratif, deux points qui restent en suspens. On reste néanmoins perplexe quand on apprend qu’en août dernier, donc postérieurement à l’OQTF, la suspecte avait été contrôlée par la Police aux frontières (PAF) de l’aéroport d’Orly.
L’État est garant de l’exécution des décisions de justice, mais aussi de ses propres décisions. Ce drame fait écho au débat récurrent sur la non-exécution des peines, privant le droit pénal de sa vertu dissuasive et donc préventive. Le propos n’est pas de faire l’apologie de la répression, la prison sans accompagnement médico-social, ni aide à l’insertion professionnelle pouvant dégénérer en école du crime ou de la radicalisation. Mais il est contreproductif de voter des lois répressives et de prononcer des peines sévères sans qu’elles puissent être exécutées, faute de moyens. Là aussi, l’État est responsable. Hélas, ce décalage entre les lois et la pratique ne touche pas seulement le droit pénal : en matière de violences faites aux femmes, de protection de l’enfance, d’impayés de pension alimentaire, les résultats concrets ne sont pas à la mesure de la (sur)production législative. Des exemples parmi d’autres…