Madame Annie Vidal, vous êtes députée de Seine-et-Maritime. Vous présidez mercredi 8 décembre le colloque « Bien grandir, bien vivre, bien vieillir, » organisé par l’Association Agence des Médecines Complémentaires Adaptées (A-MCA) et dont Opinion Internationale est partenaire presse. Sentez-vous une vraie impulsion de l’Etat, notamment dans le Conseil National de la Refondation, à passer d’un ministère des maladies et des soins à un ministère du care et du bien-être ? Ou la prévention n’est-elle pas qu’un mot sur le titre d’un ministre ?
Je ne le pense pas. Bien au contraire. La sémantique dit ce que nous voulons porter. Elle témoigne de notre volonté d’aller plus loin. Beaucoup de mesures relatives à la prévention ont été prises dans le passé, je pense à la lutte contre le tabagisme, où la systématisation des dépistages par exemple ; mais effectivement le système de santé reste davantage curatif que préventif. Il est essentiel que la prévention fasse aujourd’hui partie intégrante de nos politiques de santé publique.
Nous voulons, et de nombreuses dispositions du projet de loi de finances de la Sécurité sociale en témoignent, inviter nos concitoyens à la prévention tout au long de leur vie. Et c’est la raison pour laquelle nous proposons à partir de 2023 trois consultations de prévention à 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans.
A 20 ans, cet acte préventif cible les sujets de vaccinations, d’addictologie, d’adaptation à l’entrée dans la vie professionnelle et sensibilise les jeunes à la nécessité d’avoir un médecin traitant.
A 45 ans, une attention particulière sera portée au dépistage systématique des maladies les plus fréquentes, notamment les cancers, et la sensibilisation à la nécessité de garder une activité physique régulière ; les enjeux de santé mentale sont également prioritaires.
A 65 ans, la consultation portera essentiellement sur la prévention de la perte d’autonomie, et au-delà, de la détection des maladies chroniques.
Justement, vous co-présidez le groupe de travail « Longévité et autonomie » à l’Assemblée nationale. On attache souvent la prévention aux jeunes (sport, alimentation) mais a-t-on vraiment pris conscience des gains que la prévention pourrait apporter à la nouvelle branche dépendance ?
C’est tout au long de sa vie que l’on prépare le bien vieillir : faire du sport, bien manger, détecter le plus tôt possible d’éventuelles maladies, c’est la meilleure façon pour prévenir les risques de perte d’autonomie au moment de l’entrée dans l’âge mur.
Or en France, si la durée de vie s’allonge et est légèrement supérieure à nos voisins, la durée de vie sans incapacité est plus faible qu’ailleurs, d’où la nécessité de développer la prévention. A titre d’exemple, en matière de chutes, de nombreux systèmes permettent leur détection et leur prise en charge rapide. Je reviens des Assises du domicile où les solutions techniques foisonnent.
Plus largement, les conférences des financeurs doivent être confortées et améliorées avec des stratégies nationales et départementales plus fluides. Et par ailleurs l’adaptation des logements à travers « Ma Prim’Adapt » qui devrait concerner 500.000 foyers.
Les médecines complémentaires auront-elles une place dans cette grande politique de la prévention ? Lorsqu’elle était députée, la future ministre Agnès Firmin-Le Bodo avait par exemple déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à créer une agence gouvernementale d’évaluation des approches complémentaires adaptées et de contrôle des dérives thérapeutiques et des pratiques alternatives. Où en est-on et partagez-vous cet objectif ?
Dans ce domaine, il faut savoir précisément de quoi il est question. Nous disons oui à des techniques complémentaires adaptées et non à des médecines alternatives, oui à un certain nombre d’actes et de techniques non médicamenteuses s’ils sont encadrés et régulés.
Les médecines complémentaires peuvent contribuer au bien-être de nos concitoyens, le bien-être entrant dans la définition même que donne notamment l’Organisation mondiale de la Santé.
Ne trouvez-vous pas, Madame la députée, qu’on entend peu l’argument certes prosaïque mais décisif en ces temps difficiles selon lequel la prévention, cela génère des économies considérables à la Sécurité Sociale ?
Je dirais que la prévention évite d’engager des dépenses lourdes. La chute ou la dénutrition d’une personne âgée entraîne des hospitalisations parfois longues et très coûteuses. Les prévenir, c’est d’abord éviter les effets délétères sur la personne âgée, mais aussi éviter ces coûts. La difficulté c’est d’objectiver les moindres dépenses générées par une bonne prévention, car on ne peut compter quelque chose qui n’est pas advenu.