Monsieur le président de la République française,
Votre Altesse Émir du Qatar,
Ce mercredi soir vous allez assister à la demi-finale de la Coupe du monde de football France – Maroc. Que le meilleur gagne ! Et espérons que la France soit la meilleure, même si nous saluons le parcours exceptionnel du Maroc. Espérons donc, Messieurs, que vous vous retrouverez une seconde fois à Doha dimanche pour la finale.
Les relations entre le Qatar et la France sont fortes et anciennes. Or l’interpellation et la mise sous écrou d’une vice-présidente du Parlement Européen jettent un certain discrédit sur cette relation de confiance. Nul doute, Monsieur le Président, que vous demanderez, au nom de la France et de l’Union Européenne, des éclaircissements à votre homologue qatarien.
Nous sommes convaincus que des hommes forts du pouvoir qatarien ont abusé de l’amitié avec les pays européens, trahissant votre confiance. Mais un homme en a pâti plus que les autres. Et il est Français. Il s’appelle Tayeb Benabderrahmane.
De janvier à novembre 2020, ce chef d’entreprise affirme avoir été séquestré et torturé au Qatar et sa femme victime d’intimidations et de pressions insupportables.
Selon toutes les sources croisées, il ressort que jamais Tayeb Benabderrahmane n’aurait pu être victime du chantage ni de cette forme de prise d’otage qu’il a subis sans l’intervention ou le laisser-faire de deux hommes forts de l’État qatarien qu’il connaissait personnellement.
Il s’agit de Messieurs Nasser al-Khelaifi, emblématique patron du PSG, qui accumule par ailleurs les déboires judiciaires, et du Dr Ali bin Smaikh Al Marri, ministre du travail du Qatar, celui-là même qui a reçu et rendu visite à Madame Eva Kaili, la vice-présidente du Parlement Européen aujourd’hui en prison, quelques semaines avant son arrestation. Or Monsieur Tayeb Benabderrahmane connaît très bien Dr Ali bin Smaikh Al Marri puisqu’il a été son conseiller spécial lorsqu’il présidait le NHRC qatarien, le National Human Rights Council.
Monsieur Tayeb Benabderrahmane se bat et multiplie les actions judiciaires contre Nasser al-Khelaifi et les autorités qataries car il compte bien obtenir justice. Il a intenté pas moins de huit actions judiciaires en France et aux Etats-Unis, notamment devant le CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements) à Washington. En France, une audience de médiation doit avoir lieu mi-janvier à la demande de la justice française.
Notons – et ce point est très important – que Tayeb Benabderrahmane a été détenu arbitrairement sans droit ni titre à Doha.
Votre Altesse, vous aviez déjà exercé votre magistère éclairé en limogeant Monsieur Ali bin Fetais al-Marri, procureur de l’État de 2002 à 2021, et qui fait l’objet de multiples plaintes internationales, notamment en France.
Considérant le système politique et judiciaire de l’émirat du Qatar, seule votre intervention conjointe, Monsieur le Président, Votre Altesse, permettra de rétablir la justice et la plénitude des droits de Monsieur Tayeb Benabderrahmane. C’est pourquoi nous nous permettons de vous écrire.
Lorsque la justice et la raison d’État peuvent s’accorder, qu’il plaise aux chefs d’État de convenir dans le secret de leurs entretiens d’exercer ce pouvoir suprême.
Michel Taube
Editorialiste, fondateur d’Opinion Internationale