La chronique de Patrick Pilcer
05H43 - jeudi 26 janvier 2023

Pour une TVA de justice sociale. La chronique de Patrick Pilcer

 

Finalement la réforme des retraites que propose le Gouvernement d’Elizabeth Borne aura eu un grand avantage, celui de redonner aux Français le goût du débat.

Et tant mieux car notre pays manque d’une circulation organisée de la Parole. Les Élections n’ont, faute à Poutine et à la guerre en Ukraine, pas été la traditionnelle occasion que ces grands moments démocratiques nous permettent de penser, d’échanger et de véritablement choisir un modèle de société, ou les évolutions nécessaires de notre Vivre ensemble. Nous n’avons pas encore pensé la France 2050, ensemble. Et nous devons absolument faire cet effort de pensée, individuellement puis collectivement, et à nos parlementaires de réunir cette pensée éparse et la traduire en textes.

Pas un diner, pas une réunion donc sans que le sujet des retraites ne soit abordé. Chacun y va de sa solution, ne rien faire, toucher à l’âge, au nombre d’annuités ou de trimestres, mieux prendre en compte de la pénibilité réelle, la carrière par nature différente des femmes ayant donné naissance, modifier le nombre d’heures travaillées dans la semaine et en finir avec l’absurdité des 35 heures, remettre en place une politique nataliste volontariste, etc…  

Cela ne se retrouve pas du tout dans nos médias, où le binaire domine, gouvernement contre grévistes, oui/non, le bien le mal, mais pas la diversité du champ des possibles. Certains responsables de grandes entreprises en viennent même, du coup, à sortir de leur devoir de réserve et de leur neutralité, faute de se retrouver dans le miroir cathodique.

Chacun a sa solution, sa vérité, en fait son propre vécu, sa propre vision de la vérité, et tous ont souvent un peu raison car chaque parcours est différent. Au bout du compte, il nous faudra, collectivement, par le choix de nos représentants au Parlement, trancher, choisir, ajuster le kaléidoscope des possibles. Le moment est bien sûr délicat pour le gouvernement car les Français souffrent de la baisse de leur pouvoir d’achat, et ils ont, à tort, le sentiment qu’au lieu de les aider, cette réforme leur maintiendrait encore plus la tête sous l’eau.

Je l’ai déjà dit et écrit, l’âge n’est pas l’Alpha et l’Omega du nécessaire équilibre de nos systèmes de retraites, d’autant que demain, et j’aurais aimé que ce soit dès avant-hier, il nous faudra prolonger l’exercice sur le retour à l’équilibre du Budget France, la baisse des dépenses publiques par la refondation de notre modèle de service public.

Mais en matière de retraite, directement ou indirectement, par l’âge légal ou par le nombre de trimestres, l’âge entre bien en ligne de compte.

Il faut absolument souligner que l’argument majeur de la nécessité de la réforme n’est pas, contrairement à ce qu’on entend, l’équilibre du système. Le système est sur 2021 et 2022 en léger excédent, après 2020 en déficit fort, mais dans les années qui viennent, les recettes matcheront les dépenses.

Par contre, le niveau de vie relatif des retraités va fortement se détériorer, et la réforme doit viser essentiellement à contrer cette érosion. Cette réforme est donc nécessaire, non pas pour un équilibre comptable, mais pour que les retraités, après tant d’années où ils ont travaillé et cotisé, puissent bénéficier de pensions dignes après-demain comme hier, que ces retraités soient femmes, hommes, ayant des carrières longues ou pénibles, ou non. C’est cela l’élément important de l’esprit de la réforme.

Je souhaitais vous proposer ici une autre idée, puisque tout n’est pas encore figé dans le marbre.

Plutôt que de toucher à l’âge légal, c’est-à-dire stigmatiser par l’âge, plutôt que de créer des barrières, plutôt que d’augmenter nos dettes, c’est-à-dire procrastiner, reporter sur les générations futures notre incapacité à choisir, je propose ici d’augmenter bien sûr le nombre d’annuités nécessaires (avec un mécanisme de surcotes et décotes qui marche déjà très bien et que l’on peut encore améliorer), mais surtout de diminuer les charges salariales et, en même temps, d’augmenter la TVA en y introduisant une certaine justice sociale, en faire non pas la TVA sociale mais la TVA de la justice sociale.

Nous pourrions augmenter la TVA de 20 à 23% par exemple (en fléchant directement ces 10 à 15 milliards d’euros de plus par an vers l’amélioration progressive du niveau des retraites), sans toucher à la TVA sur les produits de première nécessité, sans toucher à la TVA sur les métiers de bouche ou les travaux domestiques (restauration, boulangerie, plomberie, peinture…), parallèlement diminuer nettement les charges, côté employé et employeur, de tous mais surtout sur les salaires des plus de 57 ans.

Cette mesure aurait de nombreux bienfaits pour l’économie de notre pays. L’employabilité des seniors bien sûr en premier lieu, comme la hausse de leur pouvoir d’achat. L’amélioration du pouvoir d’achat de tous les travailleurs aussi. On taxerait ainsi les biens produits à l’étranger par la TVA tout en améliorant la compétitivité des biens produits en France par cette baisse des charges. Les touristes et tous les gens de passage paieraient aussi, directement, notre nouveau modèle social par leur consommation sur notre sol.

La solution aujourd’hui au problème des retraites, à l’équilibre du système mais surtout encore une fois à la préservation du pouvoir d’achat des retraités, à l’employabilité des Seniors, à la restauration de notre pouvoir d’achat, et demain à l’équilibre de nos comptes publics ne peut passer par un seul paramètre. Il nous faut agir sur plusieurs leviers, appuyer sur plusieurs boutons simultanément, les annuités, la TVA, les charges, mais aussi voire surtout relancer la croissance, booster encore plus l’emploi et diminuer le chômage, renforcer la technicité de nos salariés, améliorer l’employabilité des seniors, diminuer la pénibilité, mieux prendre en compte les carrières des femmes, restaurer notre système de santé ( ce qui compte après tout c’est bien notre espérance de vie sans incapacité), retrouver l’excellence de notre système éducatif, favoriser la natalité dans notre pays, améliorer la justice sociale, en somme renforcer drastiquement notre modèle de société.

Il nous faut aussi arrêter de penser que travailler, c’est mal, que « le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la préserver ». Il nous faut arrêter de dresser des louanges à l’oisiveté et au Ministère du Temps Libre mais glorifier à nouveau la Valeur Travail, véritable vecteur d’émancipation et donc de libération individuelle. Et ainsi, par l’effort, nous retrouverons la clé de voute de notre Société, la pierre d’angle de la Maison France à savoir les valeurs de la République, Liberté Egalité Fraternité Laicité !

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

 

 

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