La chronique de Patrick Pilcer
05H31 - mardi 31 janvier 2023

Le prétexte de la folie, ou quand mal nommer les choses ajoute au malheur du monde. La chronique de Patrick Pilcer

 

Patrick Pilcer

Qu’ont en commun l’attaque au couteau dans un train en Allemagne le 25 janvier, attaque ayant fait 2 morts et 7 blessés, l’attaque à la machette en Espagne le 26 janvier, attaque au cours de laquelle un sacristain a été tué, le massacre du 27 janvier devant une synagogue à Jérusalem où 7 personnes furent tués, la fusillade du 28 janvier en Israël où un adolescent de 13 ans a gravement blessé un père et son fils avec une arme à feu et le twitt du Président Macron en hommage aux quatre victimes de l’attentat contre l’Hypercacher en 2015 ?

A chacune de ses occasions, et j’aurais bien pu évoquer aussi l’ignoble assassinat de Sarah Halimi, on évoque la folie. La théorie du « loup solitaire » bien sûr mais surtout la folie.

Ce n’est déjà pas très respectueux de la Nature et des Animaux, de l’Ecologie en général, que de faire cet amalgame entre un terroriste sanguinaire et un loup. Faut-il rappeler ici que les loups se respectent les uns les autres, c’est l’aîné qui dirige la meute et les plus jeunes le respectent ; les loups plus forts prennent soin des plus faibles. Jamais les loups, même fous, n’auraient inventé le terrorisme, jamais les loups n’auraient imaginé la Solution Finale.

Les loups ne sont jamais des hommes pour les loups.

Mais surtout pourquoi régulièrement atténuer la responsabilité des auteurs d’attentats en les qualifiant de fous ? Car enfin, ce n’est pas la folie qui tue mais bien des hommes mus par une idéologie mortifère. Qu’est-ce que la folie ? Si j’en crois le Robert, c’est un trouble mental, un égarement de l’esprit, un manque de jugement, une absence de raison. Ce n’est donc pas la folie qui tue, mais les hommes, les organisations, les idéologies qui utilisent le manque de jugement d’autres hommes, leur égarement, leurs troubles mentaux pour les amener à commettre ces crimes abjects.

Le Président Macron a bien sûr eu tort d’écrire « le 9 janvier 2015, au nom de la folie, un terroriste islamiste assassine Philippe, Yohan, Yoav et François-Michel ». Il y a malheureusement 5 mots de trop dans cette phrase et ces mots en trop empêchent de bien nommer les choses, ils ajoutent au malheur du monde comme disait Albert Camus. Camus ajoutait : nous devons tous nous efforcer à un « langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel » (l’Homme Révolté).

Ce que notre Président aurait dû, clairement, pointer, comme tous les journalistes et commentateurs après les actes terroristes listés, et malheureusement pas de manière exhaustive, plus haut, ce n’est pas la folie mais l’islamisme. C’est au nom de cet islamisme que ces gens ont tué. Ce n’est pas la folie qu’il faut combattre mais l’islamisme. Le fait-on véritablement ? ferme-t-on les lieux où cette idéologie se propage ? lutte-t-on efficacement contre l’entrisme de cette idéologie dans notre société ?

A force de mal nommer les choses, on ne peut que manquer notre cible.

Le récent sondage de l’Ifop sur les enseignants face à l’expression du fait religieux à l’école et aux atteintes à la Laïcité est glaçant sur l’état de notre société. Plutôt que de lutter avec force et vigueur, nous acceptons ici et là des « accommodements raisonnables », nous fermons les yeux, nous laissons faire. Ce sont nous, les fous, ce sont nous qui manquons de jugement, c’est notre esprit qui s’égare !

A un moment où le combat des femmes en Iran contre le voile et l’intégrisme devrait nous éclairer, nous préférons trop souvent faire l’autruche à Paris et en Europe. Terrible constat. Paris, qui, en 2024, va accueillir les Jeux Olympiques, va-t-elle accepter d’autres accommodements raisonnables et autoriser les tenues intégristes lors des compétitions, en violation de la Charte Olympique ? L’influence du Qatar et de la Turquie, des frères musulmans, aura-t-elle raison de la Laïcité ? Les musulmans du monde entier, les femmes surtout, ont besoin de notre aide pour cesser de subir cette dictature de la pensée. Ce n’est pas le moment de faire l’autruche. Fermer les yeux n’efface pas le danger, cela nous empêche simplement de faire mouche…

Va-t-on mettre en berne le drapeau de nos Valeurs Humanistes comme nous ne l’avons que trop fait au Qatar lors de la dernière coupe du monde de football en ne défendant pas haut et fort les droits des LGBT partout dans le monde, en terre d’islam aussi ? Va-t-on enfin frapper fort contre l’idéologie des frères musulmans, fermer les associations qui s’en réclament et déclarer ce mouvement comme organisation terroriste, tout comme le Hezbollah et les gardiens de la révolution iranienne ?

Il faut absolument lire le dernier livre de l’une des deux fondatrices du Café Laïque de Bruxelles, Florence Bergeaud Blackler, « le frérisme et ses réseaux », pour nous aider à ouvrir les yeux. Il n’est pas encore trop tard mais il est minuit moins dix, alors crions ensemble :

Voltaire, Victor Schoelcher, Victor Hugo, Emile Zola, Aristide Briand, Léon Bourgeois, Jean Jaures, Gorges Clemenceau, Charles de Gaulle, Pierre Mendes France, François Mitterrand, Jacques Chirac, réveillez-nous, nous sommes devenus fous !

 

Patrick PILCER, conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, chroniqueur Opinion Internationale

 

 

 

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