Edito
02H30 - jeudi 9 février 2023

La République plus forte que l’amour ! Au nom du vivre ensemble à la française, le mariage devait être annulé. Mais qu’en pensent les juges ? L’édito de Michel Taube

 

Ce n’est pas encore un « Antigone (voilée) contre Créon» à l’envers mais c’est bien sur des faits (pas du tout divers) comme ceux-là que se joue l’avenir de notre société…

Le 14 février, pour la Saint-Valentin,  le risque est grand qu’un tribunal de première instance casse la décision du maire d’Illkirch-Graffenstaden, Thibaud Phillipps, dans l’agglomération strasbourgeoise qui avait osé annuler le 22 octobre 2022 un mariage dont les familles avaient perturbé le centre-ville : le frère de la future mariée, depuis condamné à 500 euros d’amende et un stage de citoyenneté (peine très dissuasive !), avait tiré des balles à blanc dans les rues et devant la mairie. Des infractions au code de la route avaient aussi été constatées en marge de la célébration du mariage.

Les futurs mariés ont donc porté plainte contre le maire qui refuse de céder à ces intimidations contre sa personne et contre la République.

C’est que le droit est de plus en plus utilisé par les communautaristes et wokistes de tous poils qui arguent (en la dévoyant) de la liberté d’expression pour affaiblir nos valeurs de laïcité et d’ordre public.

Pourtant, le Maire Thibaud Phillipps a bien raison car la France, c’est la France ! Et ce n’est pas le bled ! En France, on ne fête pas le plus beau moment de sa vie en interrompant celle des autres. La civilité, l’ordre public sont parfaitement compatibles avec les plus endiablées des fêtes.

Au fait, l’Association des Maires de France, s’est-elle constituée partie civile pour soutenir le maire alsacien ?

Car toutes choses égales par ailleurs, on risque fort de se retrouver le 14 février dans la situation de l’affaire de l’iman Iquioussen dont l’avis d’expulsion pris par le ministre Gérald Darmanin avait été retoqué en première instance par un tribunal administratif. Résultat : six mois de perdus, une expulsion retardée, la popularité de cet ennemi de la République en hausse dans les banlieues, et une affaire toujours pas jugée au fond.

C’est le même chemin de croix qui pourrait attendre le maire d’Illkirch.

 

La Cour Européenne des droits de l’homme au secours des juges français…

Et pourtant… Pourtant, il y a déjà eu des décisions de la Cour Européenne des droits de l’homme qui, sur des affaires de laïcité, avaient autorisé l’interdiction du voile en Turquie, avant l’ère Erdogan, et même en France ! Le 14 juillet, les juges strasbourgeois pourraient s’inspirer de la mécanique juridique employée…

Ainsi, comme nous le rappelle le juriste et directeur de l’IDP-Institut de Droit Pratique, Raymond Taube, « la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) accepte la discrimination dès lors qu’elle est fondée : elle avait validé l’interdiction dans la Turquie d’avant Erdogan du voile islamique (et non des signes religieux) à l’université pour cause de prosélytisme. De même quand la France prohibe la dissimulation du visage dans l’espace public, sans mentionner le voile, la CEDH répond qu’un pays peut interdire le voile islamique intégral au nom du choix de société et du vivre ensemble. »

Et d’ajouter : « à la suite de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, une citoyenne française avait estimé que ce texte violait plusieurs dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Or dans son arrêt du 1er juillet 2014, la CEDH avait finalement donné gain de cause à l’Etat français au nom de la préservation du « vivre ensemble » en tant qu’élément de la « protection des droits et libertés d’autrui » considérant que « la question de l’acceptation ou non du port du voile intégral dans l’espace public constitue un choix de société. »

Un choix de société, le vivre ensemble à la française ? Même les juges européens de Strasbourg le reconnaissent ! Qu’en sera-t-il de leurs voisins du tribunal alsacien ?

 

Michel Taube

Directeur de la publication