Opinion Amériques Latines
02H27 - jeudi 9 février 2023

Mario Vargas Llosa à l’Académie Française ou la France-monde existe toujours ! L’édito de Michel Taube avec Guillaume Asskari

 

Source : Flickr

Un géant sud-américain qui n’écrit pas en français reçu sous la Coupole des Immortels, c’est une forme de renaissance de la France-monde !

Les Sud-Américains sont très francophiles et les Français ne le savent pas. Manifestement l’Académie française, elle, ne s’est pas montrée ingrate ! Le 9 janvier 2023, l’écrivain péruvien naturalisé espagnol, Mario Vargas Llosa entre solennellement sous la célèbre voûte du quai Conti.  Par ce geste, notre auguste institution combien les liens entre l’Amérique latine et la France sont inscrits dans nos consciences.

Cet événement majeur (l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos, qui en 2011 lui avait conféré le titre de marquis, sera à Paris) est comme une invitation lancée à la France : « tournez-vous plus vers les Amériques latines ».

Pourtant, Mario Vargas Llosa n’a jamais écrit en français. Il parle notre langue couramment pour avoir vécu à Paris plusieurs années durant sa jeunesse, pendant les années 1960. Il y a développé des amitiés et des influences : après Jean -Paul Sartre, viendra Raymond Aron ou Jean-François Revel. Il a été élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur en 1985, Commandeur des arts et des lettres en 1993. Mario Vargas Llosa avait déjà été le premier écrivain étranger à entrer de son vivant dans la prestigieuse collection de La Pléiade en 2016.

Dernier géant de la littérature sud-américaine, comme nous l’explique le spécialiste et amoureux des Amériques latines, Pascal Drouhaud dans une interview pour Opinion Internationale, Mario Vargas Llosa, est l’auteur de chefs d’œuvre comme « La ville et les chiens » ou « La fête au bouc ». Distingué à de nombreuses reprises, prix Cervantes en 1994, prix Carlos Fuentes en 2012, il a aussi écrit plus d’une vingtaine de romans et de nouvelles dont aussi « La tante Julia » et « Le Scribouillard » (Gallimard), prix du Meilleur livre étranger 1980, « La ville et les chiens » (Gallimard, 1981) ou encore « Temps sauvages » (Gallimard), prix Rive gauche en 2021…

 

Reporter puis écrivain, de Lima à Paris…

L’écrivain péruvien originaire d’Arequipa fait ses premiers pas dans l’écriture en s’initiant, en tant que jeune reporter, comme chroniqueur dans divers journaux de Lima et Piura. Persuadé que son monde ne peut être que celui des mots, il s’inscrit en 1953 à l’université de San Marcos pour y étudier les lettres et le droit. À cette époque, il écrivait déjà des contes « avec doutes et efforts », comme il l’expliquera à plusieurs occasions, et commença à les publier dans différents périodiques.

Mario Vargas Llosa arrive en Espagne en 1958, une bourse d’études en poche. Cependant, son but n’est autre que Paris et c’est là qu’il s’installe au bout d’un an. Il y passe presque huit années et, déjà séparé de sa première femme, se marie avec sa cousine, Patricia Llosa, à Lima en 1965. Il a ensuite partagé son temps entre New York, Londres, Madrid, Lima et Paris. 

Vargas Llosa, est un des représentants d’une génération dorée de la littérature latino-américaine, avec le colombien Gabriel Garcia Marquez, le mexicain, Carlos Fuentes, le guatémaltèque Miguel Angel Asturiasle chilien José Donosio, l’argentin Julio Cortazar. 

 

Il y a l’homme, il y a l’œuvre

Mais ce n’est pas qu’un immense écrivain qui devient Immortel ! Mario Vargas Llosa est aussi un homme d’engagements et de convictions. candidat à la présidence du Pérou en 1990 contre Alberto Fujimori. Déçu par les utopies de gauche, il est devenu un conservateur assumé et resté un homme à la parole libre parfois décriée.

En 2022, il déclare sa préférence pour Bolsonaro face à Lula. Reflet d’un parcours intellectuel contesté mais entier. Plus récemment, il a qualifié les nouveaux dirigeants du Pérou de « terroristes ». A Lima, aujourd’hui en proie à une insurrection sociale permanente, il n’est pas sûr que l’événement de Paris soit si apprécié.

Malgré ces encornures dont ni l’écrivain ni les Académiciens ne s’émoustilleront, Mario Vargas Llosa, en entrant à l’Académie française, réussit à redonner quelques couleurs à la France-monde, cette France patrie universelle dans les yeux de citoyens du monde entier.

Il ne reste plus aux Immortels que d’accueillir en leur sein le romancier français le plus lu dans le monde, Michel Houellebecq (tiens, encore un conservateur !) pour réconcilier la France avec son universel rayonnement.

Mario Vargas Llosa, l’ancien journaliste devenu immense romancier occupera le fauteuil 18 laissé vacant en 2019 avec le décès de Michel Serres.

 

Michel Taube et Guillaume Asskari, chroniqueur « Opinion Amériques latines »

 

Directeur de la publication
Journaliste, Chroniqueur « Amériques latines »