IRAN c'est une Révolution !
09H00 - samedi 11 février 2023

Le 11 février 1979 : cette autre date sombre dans l’histoire de l’Iran… et du monde entier ! La chronique d’Engareh Alirezaï

 

Il y a 44 ans, le 11 février 1979,  Khomeini a pris le pouvoir en Iran.

Il a proclamé la fin de l’empire et l’instauration de la république islamique, mais non sans heurts.

Très rapidement, les Iraniens, qui avaient majoritairement et massivement acclamé le retour de ce fanatique, ont regretté la tournure qu’a prise la révolution, détournée au profit de ce dictateur sanguinaire qui a coupé l’Iran du reste du monde et a œuvré à effacer toutes traces d’occidentalisation.

Il a surtout instauré un véritable retour en arrière sur la question des libertés individuelles et notamment des droits des femmes.

Encore un petit retour de 44 ans en arrière par Engareh ALIREZAÏ, chef de rubrique « Iran C’est une révolution » et co-fondatrice de la Campagne internationale “Ensemble POUR la révolution Femme Vie Liberté en Iran”.

 

A titre liminaire, et comme nous le détaillions dans un premier article sur le 1er février 1979, date de son départ de France, rappelons que Khomeini était farouchement opposé au Shah (tant le père que le fils – cf l’article du 1er février), qu’il considérait comme trop occidentalisé. Il faut aussi préciser que les religieux avaient acquis progressivement une influence tant politique que religieuse depuis la fin du 19e siècle.

A cet égard, le père du Shah, Reza Pahlavi, avait tenté de réprimer cette influence et avait adopté de nombreuses réformes prônant la modernité et l’égalité des sexes, ce que les religieux de ce pays combattent ardemment, mais le fils, Mohammad Reza Pahlavi, pensait devoir satisfaire ces religieux pour gouverner ce pays, causant sa perte.

 

Les prémices de la Révolution

Par ailleurs, il existait un clivage entre une population qui avait bénéficié des diverses réformes économiques et sociales instaurées par le Shah (Mohammad Reza Pahlavi) dès les années 60, et qui avaient pour but de moderniser le pays, et une population conservatrice, qui soutenait le clergé et ainsi, Khomeini.

Entre les deux, existaient de nombreuses oppositions politiques :

  • le Front National, composé d’intellectuels laïques et libéraux ;
  • le parti communiste iranien qui avait une base au sein de la population ouvrière (Tudeh).
  • l’organisation marxiste des Fadaiyan-e-Khalq, qui rassemblait étudiants et ouvriers
  • l’extrême gauche urbaine (il s’agit des moudjahiddines du peuple iranien), groupusculaire ;

On pourrait résumer ces quatre mouvements comme suit :

  • le premier mouvement se voulait démocrate en plus d’être nationaliste
  • le parti communiste Tudeh correspond à un féodalisme Russe
  • les troisième et quatrième mouvements sont tout aussi dévastateurs que le régime islamique (si ce n’est plus), chacun d’entre eux étant gouverné par l’islam radical

Ainsi, une opposition politique importante s’est formée durant le règne du Shah, et avec l’extrême gauche surtout, qui protestait contre le régime dictatorial du Shah.

Ce dernier n’autorisait aucune opposition politique, et pouvait réprimer par le sang les contestataires.

Si aujourd’hui, on a tendance à oublier les exactions commises par la SAVAK (service de sécurité intérieure et service du renseignement de l’Iran entre 1957 et 1979), qui peuvent paraitre minimes par rapport à ce que connait l’Iran aujourd’hui avec le régime islamique, il faut tout de même rappeler qu’elles n’en demeuraient pas moins violentes et meurtrières et expliquaient ainsi le degré de haine des politiques de gauche, qui ont fait un pacte avec le diable, qui s’avérait s’appeler Khomeini.

C’est ainsi que Khomeini, et les mouvements de contestation divers, seront ensuite largement financés par les États-Unis, qui se détourneront du Shah, pour avoir privilégié d’autres pays pour le commerce du pétrole.

Un tel financement aura permis à la population de lutter contre le Shah et à Khomeini de rentrer sereinement en Iran et accéder au pouvoir le 11 février 1979.

Mais si Khomeini a été accueilli par une foule le 1er février 1979, le 11 février était une journée de chaos.

En effet, cette prise de pouvoir succède à 2 journées de violence à TEHERAN.

 

Le contexte chaotique lors de la prise du pouvoir de Khomeini

Avant que le Shah prenne la fuite, il fit nommer Chapour Bakhtiar au poste de Premier ministre. Ce dernier représentait le Front National, parti d’opposition. Il avait séjourné plusieurs années dans les prisons de la SAVAK où il fut torturé. Cette nomination démontrait le fléchissement du Shah fasse aux révoltes pour lesquelles il avait refusé que son armée ne tire davantage dans les foules.

Seulement le peuple n’était pas satisfait et l’Iran risquait une guerre civile. C’est dans ce contexte que le Shah prit la fuite et Chapour Bakhtiar tentait de rétablir la situation en libérant les prisonniers politiques. Il avait également dissous la SAVAK.

Il faut savoir que Chapour Bakhtiar, alors soutenu par l’armée, s’était opposé au retour de Khomeini en Iran. Il avait déjà compris le poison qu’allait apporter cet ayatollah, mais malheureusement, la Révolution avait déjà pris une tournure islamique.

La pression de la population l’a forcé à céder, permettant à Khomeini de rentrer en Iran.

Dès son arrivée en Iran, Khomeini a exigé la démission du premier ministre. Si ce dernier a tenté de résister, refusant de laisser l’Iran à la merci de ce fanatique, Khomeini a annoncé dès le 5 février 1979 la nouvelle composition de son gouvernement, à commencer par son nouveau premier ministre de sa République Islamique, Monsieur Mehdi Bazargan. 

Mehdi Bazargan avait dirigé l’industrie pétrolière dans les années 50 auprès de Mossadegh (opposant au Shah mais démocrate et laïque!) et avait été emprisonné à l’époque du Shah pour son opposition à ce dernier.

Jusqu’alors, la position de l’armée demeurait inconnue mais après le départ du Shah, et surtout après le retour de Khomeini, les tensions politiques qui divisaient le pays divisaient également l’armée. Ainsi, certains restaient fidèles au Shah puis à Chapour Baktiar mais d’autres étaient partisans de Khomeini.

 

La transformation de la révolution en révolution islamique

En outre, les divers opposants politiques, qui s’étaient alliés à Khomeini pour pousser le Shah à partir, ne souhaitaient pas davantage que Khomeini accède au pouvoir.

En effet, durant son exil, Khomeini avait toujours omis de parler de sa volonté de gouverner le pays. Hormis quelques clercs, personne ne connaissait ses idées politiques, si ce n’est qu’il demandait le départ du shah et l’application des lois islamiques.

Son bouquin, Velayat e faqih, était interdit en Iran. Le Velayat e faqih confère aux religieux la primauté sur le pouvoir politique. Il signifie « les conservateurs de la jurisprudence », il s’agit de la tutelle qu’exercerait sur la communauté un personnage issu du clergé. Le Velayat e faqih peut se traduire par la tutelle de juristes-théologiens : le juriste assume le gouvernement, ou contrôle sa gestion avec un droit de veto.

Ainsi, la gauche, qui avait soutenu Khomeini seulement pour permettre la chute du Shah (mais pas pour faire de lui le nouveau dirigeant du pays), manifeste contre le clergé dans la rue.

Et c’est alors qu’il y eut d’importants affrontements les 9 et 10 février 1979, d’abord au sein de l’armée, puis dans les rues, et même la nuit. Mais parce que les généraux du Shah ont souhaité respecter les dernières volontés du Shah qui était d’éviter à tout prix de faire couler plus de sang, l’armée décide d’adopter une position neutre, ne soutenant ni Chapour Bakhtiar ni Khomeini.

Bien sûr, le refus de soutenir la révolution islamique de Khomeini leur vaudra par la suite de lourdes condamnations par le nouveau pouvoir chiite.

C’est ainsi que le soir du 11 février 1979, l’Ayatollah Khomeini arrive au pouvoir et marque alors la fin de l’Empire d’Iran et la chute du gouvernement de Shapour Bakhtiar, contraint à la fuite.

On prétendait par ailleurs ce jour-là à la mort (par suicide) de Chapour Bakhtiar après qu’il a dû quitter son poste de premier ministre.

Bakhtiar était un homme courageux, amoureux de l’Iran, qui a été assassiné cruellement par le Régime Islamique en 1991, à Paris, en France (un pays pas comme les autres pour les Iraniens dans cette histoire tragique), parce qu’il combattait, de manière non violente, la république islamique. l voulait que l’Iran reste un état de droit, laïc et était opposé au fonctionnement clérical des mollahs. Il savait que les mollahs emporteraient l’Iran dans le chaos et la régression.

 

Le 11 février 2023

Depuis 44 ans, Khomeini a instauré un régime de terreur en Iran où les enlèvements, les disparitions, les tortures, les viols et les exécutions extrajudiciaires répandent la peur tant au sein du pays que dans la communauté en exil.

Aujourd’hui, les femmes, suivies des hommes de tout le pays se sont levés pour dire : stop.

Ce peuple opprimé depuis plus de quatre décennies sait que s’il veut pouvoir vivre à nouveau librement, et ne plus voir sa culture et sa richesse disparaitre au gré des mollahs, il doit se battre.

Depuis 44 ans, le régime islamique ne cherche qu’à supprimer tout vestige culturel de cette civilisation millénaire qu’est la Perse.

Alors les iraniens du monde entier se réuniront ce 11 février pour manifester contre le régime islamique, et contre cet anniversaire qui doit désormais devenir qu’un lointain souvenir.

Le 11 février 1979 est une date à oublier.

Mandela a été libéré un 11 février (1990). Ce jour n’est donc pas synonyme que de malheur et ne sera bientôt qu’un souvenir pour les Iraniens !

Le 11 février 2023 marque le début de la renaissance de l’Iran avec la révolution Femme Vie Liberté qui, dans le monde entier, donne lieu à des manifestations pleines d’espoir.

 

Engareh ALIREZAÏ

Chef de rubrique « Iran C’est une révolution » et co-fondatrice de la Campagne internationale “Ensemble POUR la révolution Femme Vie Liberté en Iran”.