Il y a maintenant quelques mois, la députée (La France Insoumise) de Moselle, Charlotte Leduc, a rendu son premier rapport sur l’état de la lutte contre les pratiques d’évitement fiscal en France. Ce rapport se calque sur le programme électoral de Jean-Luc Mélenchon des élections présidentielles.
Dans ce rapport, les propositions de la députée sont malheureusement peu développées et ne pourront en rien aider le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, ou le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gabriel Attal.
Ma première divergence avec la députée FI porte sur l’embauche de nouveaux salariés à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Je suis totalement d’accord avec elle sur le fait qu’il faut impérativement augmenter les salaires de l’administration fiscale pour attirer des profils rares. Cependant, la députée semble ignorer le profil des candidats (ou est-elle, finalement, en désaccord avec le programme de la France Insoumise ?). En effet, les recrutements doivent se tourner vers des anciens salariés du MBB (McKinsey, BCG Consulting et Bain & Company), qui sont les seuls à maitriser parfaitement les nouvelles technologies.
Ma deuxième divergence porte sur l’apport des nouvelles technologies pour lutter contre la fraude fiscale. Ici, sans le savoir, Charlotte Leduc prend la même position que Bill Gates ou Elon Musk, à savoir, que l’intelligence artificielle (IA) détruit des emplois. Pour ma part, je partage plutôt le point de vue de l’économiste français, Nicolas Bouzou, qui est bien plus favorable à l’intelligence artificielle et aux nouvelles technologies d’un point de vue général.
Les nouvelles technologies sont utilisées, non pas pour remplacer l’agent de la DGFiP, mais pour l’appuyer dans son travail.
Première étape, l’utilisation de la blockchain
L’une de ces nouvelles technologies incontournables est la blockchain. Il s’agit d’une base de données décentralisée qui permet de stocker et d’échanger des informations de manière transparente et sécurisée. Les informations sont contenues dans des blocs de données protégées par des cryptages qui empêchent de pouvoir les modifier une fois qu’ils ont été enregistrés dans la base. On peut dire que c’est un registre numérique infalsifiable et inaltérable, bâti sur la base d’un consensus entre les participants dans toutes les étapes ou séquences d’une opération.
Pour garantir la fiabilité et l’intégrité des données, la blockchain fait appel à des « mineurs », choisis parmi ses intervenants (participants, contributeurs ou lecteurs) qui, suivant des règles prédéfinies (conditions d’utilisation des fonds) valident les informations avant de les inscrire (pour toujours) sur la blockchain. Les blocs d’informations, horodatés et ajoutés à la chaîne, ne peuvent plus être modifiés.
Les participants au système sont appelés « nœuds » et sont connectés entre eux de manière distribuée. Tous les intervenants contribuent à l’enrichissement de la base de données.
Nous pourrions utiliser la blockchain en vue de créer un registre numérique mondial accessible à l’ensemble des administrations fiscales nationales et répertoriant l’ensemble des transactions financières. Par exemple, la société SWIFT pourrait être une société de minage en contrepartie d’une rémunération.
Deuxième étape, le machine learning
Le machine learning est une autre « technologie » dont l’utilisation pourrait servir dans la lutte contre la fraude fiscale. Le concept correspond à la capacité d’une machine à apprendre par elle-même. Cette technique repose sur l’analyse, par le moyen d’algorithmes, d’une somme de données provenant de différentes sources (des capteurs par exemple). Cette analyse est facilitée par la généralisation des bases de données.
En appliquant des probabilités à ces données, la machine va être capable de prendre une décision, qui va être validée ou corrigée. Le programme est ainsi aidé, progressivement, à faire le meilleur choix possible lorsque la situation se présentera à nouveau. Le machine learning nous serait particulièrement utile pour remonter aux agents de la DGFiP toute opération anormale.
Ainsi, contrairement à ce qu’avance la députée de Moselle, les nouvelles technologies seront à l’avenir un allié incontournable de la lutte contre la fraude fiscale. Au lieu de détruire des emplois, ils viendront au contraire aider les agents gouvernementaux à combattre ce fléau qui fait perdre chaque année des milliards d’euros à l’Etat.
Julien BRIOT-HADAR
Julien Briot-Hadar, expert en compliance doté d’une solide expérience dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire, tant en France qu’à l’international (Luxembourg, Maghreb et Sénégal). Également auteur, conférencier et intervenant dans de prestigieuses universités, écoles de commerce comme HEC Paris et organismes de formations, il est convaincu de l’apport des nouvelles technologies à la compliance. Il est l’auteur du livre « Dans les méandres de la fraude fiscale », préfacé par Michel Sapin et Christian Eckert, éd. LegiTech
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