La chronique d'Anne Bassi
11H53 - lundi 20 février 2023

Un élan poétique vers le sacré au cœur de l’âme. La chronique littéraire d’Anne Bassi sur le dernier Karine Tuil

 

Karine Tuil, dont le dernier livre est « Kaddish pour un amour » chez Gallimard, nous fait pénétrer une fois de plus au plus profond de l’âme. Dans un élan vers le sacré, elle met en lumière la fragilité de l’être amoureux à travers des poèmes adressés par une femme à l’homme dont elle est séparée.

Alors qu’il n’existe pas dans la religion juive de kaddish pour l’amour – le kaddish est la prière de deuil chez les juifs – Karine Tuil révèle des poèmes d’inspiration biblique et hébraïque dévoilant le dialogue intérieur d’une amante éperdue et inconsolable « Je n’ai pas d’autre Terre que Toi ».

Kaddish pour un amour, kaddish le haava en hébreu. Entre rupture amoureuse et rupture mystique, dans un espace situé entre le deuil et l’espoir, ce chant de funérailles de l’amour s’élève comme une musique tragique rythmée par des textes de la liturgie juive. 

Tout au long des poèmes, la femme trahie déclare son appartenance au Peuple autant qu’à l’homme qui l’a abandonnée et en appelle à la Terre Sainte dont l’âme juive serait le cœur. Elle parle d’Eternel amant de l’âme et confère ainsi une connotation religieuse et mystique à ses poèmes. L’amour relève du spirituel et du divin.

Tu as dit : tu es mon identité

Et je T’ai cru […]

Je suis Ton texte

Je suis Ta langue

Je suis Ta mémoire

Je suis Ton peuple

L’auteur mentionne en exergue de son ouvrage « Le cantique des cantiques » : « Je cherche celui que mon cœur aime ». Ses poèmes sont les chants d’une orpheline amoureuse qui exprime l’attente et le désir mais aussi la souffrance de la séparation.  

Tu dis : c’est toi

Qui a disparue

Mais j’étais là

Contre toi

A l’ombre du Sinaï

Je priais

Pour que vive notre amour

J’erre ainsi dans le Néguev

Dévastée par Ton absence

Je pleure un roi déchu

Et je suis seule

Face à l’Eternel

Implorant Sa clémence

Car je T’ai aimé

Le kaddish n’évoque pas la mort mais le futur et la sanctification du nom divin. Or, à chaque page, on sent l’espoir du retour de l’être aimé. Peut-on vraiment parler d’un kaddish ? Le lecteur s’interroge.

Ainsi qu’il est dit : tu pleureras Celui que tu aimes

De tout ton cœur

De toute ton âme

Jusqu’à ce qu’Il revienne

 

Anne Bassi

fondatrice de l’agence Sachinka, auteure du roman « Le silence des Matriochkas » publié aux éditions Berangel

Retrouvez les chroniques littéraires d’Anne Bassi : https://www.opinion-internationale.com/rubrique/la-chronique-danne-bassi

 

Présidente de Sachinka, chroniqueuse littéraire

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