En temps normal, au pic d’un cycle économique, l’adage « le pétrole cher tue le pétrole cher » marque la fin des hausses de prix des hydrocarbures. Or nous sommes probablement plus proche désormais de la récession mondiale que du pic de croissance. Et par ailleurs, le marché des hydrocarbures est déséquilibré par les dislocations géopolitiques. Après quelques semaines de baisse (le conflit ukrainien n’ayant pas eu l’impact catastrophique sur les approvisionnements prévus pour cet hiver), les prix du gazole ont été les plus impactés, avec 3 centimes de plus la première semaine d’Avril. Le Marché du Rotterdam de gaz est celui où la courroie de transmission sur les prix est la plus véloce, mais les prix de l’essence ne sont pas épargnés : avec une hausse récente de 7% du pétrole, au plus haut depuis le début de l’année, la réaction des prix à la pompe au cours du Brent devrait vite se faire sentir. Aux sources de la hausse, l’OPEP+ (8 pays, dont la Russie qui s’est vu ainsi infligé un lourd camouflet) a décidé d’une baisse de production de 1 million de barils par jour : la mesure entrera en vigueur en Mai (les marchés anticipent donc son impact sur la production et les prix in fine), et ce jusqu’à la fin de l’année.
Les cours du pétrole n’ont que partiellement réagi à cette annonce, car les perspectives de croissance mondiale plutôt moroses agissent comme un tampon sur les achats. Mais dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, le consommateur risque de ressentir très négativement toute hausse modeste des prix à la pompe. La situation est aggravée en France du fait des distorsions du marché du carburant. D’un côté, la très lourde structure de taxes sur les carburants a empêché le consommateur français de profiter des prix stagnants du pétrole. A l’inverse, il va devoir amortir la quasi-totalité de la hausse actuelle alors que l’Etat profitera de recettes en forte augmentation. Le quoi qu’il en coute s’efforçait de corriger ces injustices avec des aides, mais justement depuis le 31 Mars, l’indemnité carburant (très dispendieuse mais profitant à 4 millions de Français) a pris fin.
Il va donc falloir scruter l’attitude du gouvernement : malgré un déficit 2023 de 4,7% PIB (voté), et les difficultés à sortir du quoi qu’il en coute, il ne saurait ignorer la crise du pouvoir d’achat. La politique du chèque blanc n’a rien résolu en la matière, et il est temps pour le gouvernement de revoir la structure des taxes sur les carburants, afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Sébastien Laye
Économiste et entrepreneur