Le jeudi 13 avril se tiendra un grand débat sur Laïcité et Constitution à la Mairie du XVIIème arrondissement. Laïcité et Constitution, voilà un vaste sujet et il faudra au moins deux grandes tables rondes pour le traiter.
La Première table ronde réunira des personnalités de la société civile. Catherine Michaud, Présidente de la Fédération de Paris du Parti Radical, sera la modératrice de cette table ronde, à laquelle participeront la philosophe Catherine Kintzler, Jean Javanni, vice-président du Comité Laïcité République et président de l’association de défense des droits des laïques, Maître Frédéric Thiriez, avocat à la Cour de Cassation et ancien président de la Ligue de Football Professionnel et Madame la Préfète Sophie Elizeon, déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.
La deuxième table ronde réunira les politiques, et ceci de façon trans partisane. Trans partisane car c’est en réunissant ce qui épars, sur ce sujet comme sur tant d’autres, sur ce sujet plus que sur tant d’autres, c’est en nous réunissant que nous avancerons. La puissance publique, la chose publique, la République est par nature ce qui nous unit au-delà de nos différences.
Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale, en assurera la modération. Y participeront Madame la députée Caroline Yadan, de Renaissance, Messieurs les Sénateurs Pierre Ouzoulias, du Parti Communiste, et Stéphane Le Rudulier, des Républicains, Monsieur le député honoraire Jean Christophe Cambadélis, ancien Premier Secrétaire du Parti socialiste, et Monsieur Laurent Hénart, ancien ministre et président du Parti Radical.
La première table ronde dressera un état des lieux des rapports entre Laïcité et Constitution en France en 2023, 118 ans après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905. Quelles sont les atteintes faites au principe de laïcité, quelles sont les attaques que subissent les laïques, les dispositifs législatifs et réglementaires actuels suffisent-il, ou non, à garantir que notre République reste Laïque. Les atteintes, les attaques se multiplient, encore ces derniers jours à Nantes, à Bordeaux, à Metz. C’est justement la hausse importante de ces attaques, dans nos écoles, et surtout dans les entreprises, qui nous a poussé à proposer ce débat.
Puis la seconde table ronde, celle des politiques. Ils nous diront ce qu’ils proposent pour améliorer cette situation et si le chemin passe, ou non, par une modification constitutionnelle.
Mais en amont de cette belle soirée, quelques mots sur ce qu’est et n’est pas, selon moi, la Laïcité.
Tout d’abord, la Laïcité n’est pas l’athéisme bien sûr, ce n’est pas le refus des religions. La Laïcité n’a pas non plus besoin d’adjectifs : elle n’a pas besoin d’être « ouverte », car il n’y a pas de laïcité fermée ! C’est, pour nous Français, un espace de neutralité qui permet la liberté de pensée, qui permet l’émergence de cette liberté de pensée, et avant tout pour nos enfants. Liberté de pensée, liberté de croire comme de ne pas croire ou de ne plus croire. Et la loi, comme la Constitution doivent sanctuariser cet espace de neutralité. Je disais pour nous Français, car pour d’autres, dans le monde et dans l’Union Européenne, la laïcité est trop souvent perçue comme synonyme d’athéisme, ou encore comme la simple possibilité pour tous d’exercer sa religion ; c’est aussi trop souvent l’acceptation des Communautés quand, en France notre Constitution, en son article 1, définit notre République comme indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Enfin, chacun voit autour de lui les atteintes répétées au principe de Laïcité, à l’espace de neutralité que j’évoquais, atteintes dès l’école, via présence de voile dit islamique, de tapis de prières, refus de certains thèmes dans les cours scolaires en biologie comme en histoire, présence de toilettes séparées selon les religions, atteintes dans les entreprises, tapis de prières là aussi, refus de serrer la main d’une femme, refus de s’asseoir sur une place occupée par une femme, atteintes dans les pratiques sportives, port de hidjab et de burkini lors de compétitions, que va-t-on d’ailleurs décider lors des prochains Jeux Olympiques à Paris, va-t-on tolérer dans la Ville Lumière, Ville de la Laïcité par excellence, va-t-on tolérer le hidjab lors des compétitions, en violation de la Charte Olympique, va-t-on accepter ici comme ailleurs des accommodements raisonnables ?
Jean Javanni, en tant que Vice-Président du Collectif Laïcité République, évoquera les attaques directement faites aux Laïques, aux professeurs, aux responsables associatifs, aux responsables politiques. Comment mieux les défendre, comment éviter de nouveaux Samuel Paty ?
Dans la seconde table ronde, les politiques réunis nous diront comment ils proposent d’agir. Ils sont les acteurs de la Puissance Publique.
En grec, il y a trois mots pour dire peuple, laos, demos et ethnos. Laos c’est la totalité des citoyens, demos c’est la communauté des citoyens, ethnos, c’est le groupe humain selon ses caractéristiques culturelles. La République Indivisible, c’est le laos, le peuple indivis et nos représentants parlementaires ont le souci du bien commun, de ce qui nous fait Nation. La Santé, l’Éducation, la Culture, c’est ce qui nous est commun, universel. Pas les croyances, les croyances sont du registre du particulier. Pour paraphraser Victor Hugo, dans son testament en 1850, 55 ans avant la loi de 1905, nous souhaitons les religions chez elles, l’Etat chez lui.
A nos politiques de prendre à bras le corps ce chantier, de rejeter tout accommodement raisonnable, de ne pas accepter relativisme et pragmatisme qui ne sont que d’autres mots pour dire compromission et trahison.
Affirmer cette haute valeur morale qu’est la Laïcité, la mettre peut-être au même rang que Liberté Egalité et Fraternité, c’est aussi la meilleure aide que nous puissions apporter aux femmes iraniennes et afghanes, à toutes ces personnes qui luttent, durement, partout dans le monde pour qu’on respecte leur liberté de conscience et leur liberté de pensée. C’est également la clé de voute de notre édifice républicain.
A un moment où les migrations de populations s’intensifient, la Laïcité, garantie par notre Constitution, doit être ce qui nous permet de nous faire vivre ensemble quel que soit notre diversité culturelle, Au final, la Laïcité c’est le Vivre Ensemble à la Française.
Les politiques nous livreront leurs réflexions sur la défense de la Laïcité aujourd’hui, s’il faut constitutionnaliser plus encore, ou non, ce principe. Si ce combat nécessite encore plus de lois ou si ce n’est pas avant tout l’affaire du courage de chacun, au bout du compte.
Deux tables rondes ne suffiront certainement pas à tout traiter, mais il faut bien commencer, et tel le colibri assumer notre part de l’effort.
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés,
Chroniqueur Opinion Internationale