Les négociations en cours entre les syndicats de médecins libéraux et le ministère de la Santé portent sur le niveau de tarification de l’acte de base du médecin, la consultation médicale.
Cela concerne les 140 000 praticiens de médecine Libérale dont 44 % sont généralistes et les autres spécialistes. Les médecins salariés que ce soit en entreprise, pour la médecine du travail ou de la PMI ne sont pas concernés.
Les syndicats demandent une revalorisation à 50 € de la consultation. Ce montant leur semble nécessaire pour garantir une juste rémunération des praticiens mais aussi pour redonner à la médecine de ville l’attractivité nécessaire pour contribuer à l’accès à une médecine de qualité sur l’ensemble du territoire.
Atteindre ces 50 € sera le point de départ de la revalorisation progressive de tous les actes médicaux et paramédicaux. L’ensemble de la filière santé est concernée et ainsi que tous les Français vivant dans les déserts médicaux (zones rurales d’abord et maintenant centres hyper-urbains).
Valoriser pour attirer
La décision de faire médecine repose certes sur la certitude d’exercer un métier indispensable mais s’appuie aussi sur une vocation altruiste. Le médecin doit pouvoir constater rapidement l’efficacité de son action : angine, paracentèse, chirurgie de fracture, cataracte, réanimation. Le médecin voit, suit et qualifie l’évolution favorable chez le patient.
S’ajoutent la notion de don de soi et une motivation du futur médecin, avec une promesse d’empathie avec le patient, écoute réciproque, relation interpersonnelle inhérente à une haute idée de la médecine telle qu’elle appliquée depuis Hippocrate. L’arrivée et le développement des outils technologiques renforcent encore l’importance de cet engagement professionnel moral et éthique.
« Vivre en Bonne Santé » n’a pas de prix. Ce n’est pas au médecin de le fixer mais à la société d’en assumer le coût. C’est-à-dire nous tous. Reconnaître la valeur de l’action de ceux qui se consacrent à prévenir, soigner et guérir constitue un pilier fondamental d’une richesse collective. C’est un gage d’harmonie sociale.
Parler d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé, d’autonomie des personnes du troisième et du quatrième âge nécessite une attention particulière de la part du gouvernement pour la médecine de ville.
Simplifier pour attirer
Devenir médecin est un parcours du combattant : le concours en Première année commune aux études de santé (PACES) est jugé absurde par beaucoup. Il engendre un bachotage extrême, dans une concurrence acharnée visant pour chacun à figurer dans les 13 % de reçus en médecine. Or il arrive, quelques années plus tard, que certains regrettent cette orientation dont ils mesuraient mal les tenants et aboutissements.
Second obstacle de taille : l’internat. A ce stade le combat est rude. Seuls ceux qui sont bien classés peuvent choisir la spécialité et la ville dans laquelle ils souhaitent exercer. C’est une conséquence du numerus clausus mis en place en 1971. Le nombre de médecins a augmenté moins vite, à 2,2 % entre 2012 et 2021, que la population française. Si la population de spécialistes est en augmentation de 3,2 %, celle des généralistes a diminué de 8,5%. Or c’est la démographie de ces derniers qui est la plus en état d’alerte : le tiers des médecins généralistes a plus de 60 ans. Paradoxalement, l’âge moyen des médecins libéraux a un peu baissé : 49,3 ans (50 ans en 2012). La féminisation du métier a contribué à de nouvelles conceptions du travail. Aujourd’hui, le jeune médecin veut calquer son activité sur celle de son entourage, en limitant ses heures de consultation pour préserver sa vie de famille et ses loisirs.
Par ailleurs, le contrôle de la médecine libérale par les autorités de tutelles (ministère, administrations diverses, caisses paritaires de la Sécurité Sociale…) l’a fait descendre de son piédestal. La prise de conscience a été brutale au sein du corps médical ; elle va s’étendre parmi les autorités de tutelle. Et aussi parmi les Français constatant la dégradation de l’offre de soins, surtout celle de proximité.
L’exaspération de la profession et l’inquiétude latente des patients, favorise cette ambiance morose accentuée par la mise à disposition d’informations médicales sur internet, plus ou moins sérieuses, remettant en cause la légitimité du médecin. Avec le relâchement sociétal généralisé, l’irrespect et l’agression des professionnels, la mise en doute des compétences par des patients, en faut-il davantage pour détourner les vocations de se diriger vers la médecine ?
Parallèlement, le patient multiplie les consultations pour une prescription de Paracétamol, pour des bas de contention, puisque le remboursement des produits le pousse à « faire son marché ».
La médecine profession libérale : une illusion ?
Il n’est pas interdit de se poser la question quand les contrôles de la Caisse primaire d’assurance maladie et des médecins conseils deviennent picrocholins, que s’enfle de façon chronophage la quantité de documents administratifs (issus de l’administration et normalement demandés par le patient), qu’augmentent de façon inédite les obligations de formation continue DPC, émanant d’un nombre croissant d’organismes, réduit sans souvent le discernement nécessaire le temps de travail, ou encore lorsque le système bascule progressivement d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.
S’ajoutent à ces contraintes l’augmentation régulière et importante des prélèvements et des charges sur les honoraires qui entrainent une diminution du bénéfice et un handicap pour l’embauche de personnel, ou encore l’idée latente d’une obligation de stage en zone défavorisée, allongeant d’un an la période de très faible rémunération, au travers d’une régulation des installations.
Quoi d’étonnant alors que la proportion de médecins étrangers s’installant en France soit en diminution, et que les étudiants français aient envie d’effectuer leurs stages de fin d’étude à l’étranger.
Le revenu net (c’est à dire après les charges) d’un médecin généraliste est environ de 90 000 € et celui d’un spécialiste de 150 000 €. Mais, plus qu’une augmentation de revenu, les médecins aspirent surtout à une libération des pesanteurs de la tutelle et des charges, administratives et matérielles. Dès lors, augmenter à 50 € la consultation, permettrait l’embauche d’assistants les dégageant de ces charges administratives.
C’est aussi un rééquilibrage de la rémunération d’une profession aux compétences liées à de longues années d’études et qui entrent de ce fait de façon tardive dans la vie active. Le maintien des cabinets médicaux est de l’intérêt de tous. La profession mérite d’être appréciée à l’aune des services rendus.
L’adjonction des professions paramédicales soulagera la profession, les infirmières par exemple vont devenir de plus en plus indispensables pour effectuer les soins à domicile avec du matériel connecté transmettant les données au médecin référent.
50 € aussi, parce qu’il faut redonner très vite à cette profession une attractivité qui se perd, donc pouvoir augmenter et mieux répartir le nombre de médecins sur le terrain, libérer les praticiens des tâches administratives et redonner ainsi à cette profession sa fierté d’exercer ce beau métier avec le respect et la notoriété qu’il mérite.
Bertrand DUCLOS
Médecin, Membre de l’Institut Chiffres & Citoyenneté