En ce mois où juifs, chrétiens et musulmans ont célébré au même moment Pâques, Ramadan et Pessah, en ce jour de l’Aïd el-Fitr, au lendemain donc du dernier jour de ce mois sacré de jeûne pour les musulmans pratiquants, saluons les croyants de toutes confessions.
Sans oublier, en ce jour de concorde, les sceptiques, les agnostiques, les athées qui forgent certainement la majorité silencieuse des Français.
Car oui, les femmes et les hommes ont besoin de sacré, de grandeur, d’espérance. Sonia Mabrouk, dans son dernier livre “Reconquérir le sacré” (éd. de l’Observatoire, 2023), a bien raison d’appeler à réenchanter nos vies pour épargner le monde de desseins tragiques et eschatologiques… Que ce soit au sein d’une religion, d’une philosophie ou de toute doctrine de vie mûrement cultivée, pour autant qu’elle ne soit point dogmatique ou exclusive d’autrui, bref toute démarche de dépassement de nos vies matérielles vers un sacré immanent ou transcendant contribue à forger la grandeur des hommes.
Restons dans l’actualité… Que cette fête de l’Aïd el-Fitr nous permette d’adresser un voeu à nos concitoyens français et musulmans : celui que l’Islam de France épouse davantage les valeurs de laïcité que la République française porte au plus profond d’elle-même.
Ecoutez l’édito de Michel Taube sur BEUR FM dans l’émission d’Adile Farquane le 20 avril 2023
La République française n’a pas peur des cultes et encore moins des croyants : fille aînée de l’Église, la France ne connaît que trop bien les religions. La République s’est bâtie sur un dialogue mais aussi des tensions avec les institutions religieuses, pouvant tourner à une véritable mini-guerre civile comme à la fin du XIXème siècle.
Entre la révolution française et la loi de 1905, la France a mis plus d’un siècle à dompter les velléités de contrôle des âmes et des corps que l’Église catholique et les chrétiens les plus dogmatiques avaient imposé pendant des siècles.
Avec l’Islam, le même bras de fer est à l’oeuvre, parfois violent et tragique, souvent difficile pour expliquer à nos concitoyens musulmans que « rendre à César ce qui est à César », sentence prêtée à Jésus Christ, est un peu notre maxime républicaine : laissez le politique gérer les affaires de la cité et que le religieux se contente, uniquement pour celles et ceux qui librement y consentent, de conquérir les coeurs, les âmes et les lieux de culte. Mais l’école, la santé, l’Etat, entre autres domaines qui forgent le vivre-ensemble, c’est chose publique !
L’Islam est la deuxième religion de France, peut-être la première en termes de fréquentation quotidienne des lieux de culte, tant la foi musulmane mobilise aujourd’hui de nombreux fidèles. C’est une réalité : en 2023 seuls les stades de foot et les mosquées accueillent chaque semaine des foules entières dans de nombreuses villes de France.
Formons donc le voeu de voir à l’avenir des musulmans pratiquants arborer sans relâche les emblèmes de la laïcité pour mieux l’expliquer à des jeunes notamment, chez qui, malheureusement, un islam radical, rigoriste et profondément anti-laïc progresse à grands pas, selon notamment toutes les études d’opinion.
Le nouveau Forif (Forum de l’Islam de France), créé sous les auspices d’Emmanuel Maron, et qui remplace le feu CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), particulièrement silencieux depuis sa fondation le 16 février (il ne dispose même pas de site Internet), devrait prendre le leadership de la promotion de la laïcité au sein de la population musulmane.
Concrètement, à l’instar du Recteur de la Mosquée d’Evry-Courcouronnes, Khalil Merroun, qui avait instauré il y a vingt ans, juste après la khutba, la prière du vendredi, un sermon d’invocation de la protection divine pour la République française, formons le vœu, à l’instar de ce que pratiquent les juifs dans les synagogues le jour du Shabbat, que tous les vendredis une prière à la République française soit dite en français et en arabe par les imams dans toutes les mosquées de France.
Michel Taube