On comprend mieux pourquoi Marine Le Pen préfère garder le silence.
Jusqu’à présent, il lui suffisait de laisser ses opposants parler pour attirer les mécontents. Attitude intelligente dans une période de crise quand son propre programme ne tient pas la route. Celui qui veut par contre améliorer la société, la faire avancer, forcément, au début, se heurte aux peurs et aux angoisses des gens qui craignent tout changement.
On le voit sur les retraites. Chacun sait que démographiquement il est naturel d’augmenter le nombre de trimestres de cotisation. Chacun sent bien qu’il faut travailler plus si nous souhaitons faire perdurer notre système basé sur la répartition, tout comme améliorer notre pouvoir d’achat, mais la plupart des gens aimeraient bien ne pas travailler plus, eux-mêmes. Le voisin oui, bien sûr.
Faire évoluer notre système, et plus généralement faire évoluer notre société, entraînent inévitablement le mécontentement général. Et il faut des mois pour que chacun comprenne que, au final, chacun y a gagné.
C’est le rôle des grands leaders d’assumer ces mécontentements, de faire bouger les lignes, de faire avancer la société. Nous n’aurions pas eu la loi sur l’IVG, sur l’abolition de la peine de mort, sur le mariage pour tous si nous n’avions pas eu de tels grands leaders. C’est encore plus vrai, vital, lors des dernières grandes crises qu’a connu notre pays, la crise des subprimes, les attentats contre Charlie Hebdo, contre le Bataclan ou contre l’hyper cacher ou dernièrement la crise du Covid !
Il est bien plus rentable, par contre, à court terme, de promettre des lendemains qui chantent, de raser gratis, de remettre la retraite à 60 ans, pourquoi pas 58 ou 55 ans d’ailleurs, on ferait encore plus de gagnants à court terme. Inutile d’expliquer, de chiffrer, de budgéter. On ne pourrait d’ailleurs pas ; il faut se contenter de lancer la formule, et de laisser le vent œuvrer. Pour MlP, il est plus intelligent de se taire et d’encaisser les dividendes des mécontentements.
Sauf que voilà, à un moment il faut bien parler pour exister et ne pas se faire remplacer par ses lieutenants. Et là, patatras comme lors du discours au Havre où Marine le Pen a cru bon d’associer les mots Travail et Patrie. Pour elle le 1er mai est la Fête du Travail et de la Patrie… Elle a bien omis la famille, par enjambement, mais sa phrase a raisonné pour tous comme un triste rappel de la devise Travail Famille Patrie des collaborateurs et traitres de Vichy !
Grossière erreur pour quelqu’un qui pourtant ne débute pas, elle s’est quand même déjà présentée trois fois à l’élection présidentielle ! Difficile pour Bardella d’enchainer ensuite, surtout en citant Honoré d’Estienne d’Orves, lycéen proche de l’Action Française, qui tourne vite ensuite le dos à l’extrême droite lorsqu’il rentre à Polytechnique, et surtout lorsqu’il rejoint de Gaulle à Londres en 1940, avant d’être lâchement assassiné par l’occupant nazi au Mont Valérien… Cela aurait pu être l’illustration de la volonté de dédiabolisation du RN, un homme brillant passant de l’extrême droite au gaullisme et luttant contre les nazis. Bien imaginé, mais c’était après la cheffe, sans compter la cheffe…
On en revient finalement toujours là, au RN comme ailleurs, chassez le naturel il revient toujours au galop !
Avec le RN, finalement, la véritable devise pourrait être celle du Guépard de Visconti : il faut que tout change pour que rien ne change !
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale