Le Président Macron et son ministre de l’Industrie ont cent fois raison. Il nous faut, massivement, investir dans la réindustrialisation de notre pays.
Il est vital pour notre économie de développer des filières à haute valeur ajoutée et d’investir dans les domaines de la décarbonation, de la production d’hydrogène, des batteries lithium, des énergies renouvelables, tout comme dans les médicaments de nouvelle génération, dans les voitures autonomes, dans la cybersécurité et dans tous les secteurs où l’Intelligence Artificielle s’engouffre jour après jour.
En même temps, il nous faut veiller à garantir notre souveraineté économique et ne pas être à la merci d’un pays pouvant devenir hostile, à la merci d’un embargo ou, comme lors du Covid, à la merci de la fermeture des échanges aériens et maritimes. Il est important de savoir et pouvoir produire, par exemple, les médicaments de demain, les vaccins à ARN messager, les traitements à base de cellules souches, les thérapies géniques. Mais il est en parallèle fondamental de savoir et pouvoir produire les molécules souvent simples des médicaments d’aujourd’hui et d’hier, du doliprane à l’amoxicilline sans oublier les masques et respirateurs.
Mais comment investir les milliards nécessaires à notre réindustrialisation si notre chère banque centrale européenne augmente aussi fortement les taux, restreint drastiquement sa politique monétaire et pèse sur la production de crédit ?
Bien sûr, la BCE est dans son rôle quand elle entend lutter contre l’inflation. Mais la BCE n’utilise-t-elle pas un progiciel d’analyse des années 1970-90 quand le monde entier s’est digitalisé et mis à l’IA ? A-t-elle une vision nette de l’évolution de la structure des prix ? Doit-elle continuer à viser une inflation à 2% plutôt qu’une zone 2-4% ? Au final surtout, y a-t-il réellement de l’inflation en France, et cette inflation est-elle structurelle ? Contrairement à la BCE, je pense que non.
La hausse des prix que nous constatons tous est à mon sens essentiellement liée à la simultanéité de la sortie de la pandémie du Covid, partout dans le monde en même temps, et aux effets du conflit en Ukraine.
Petit à petit, les effets de ces deux crises majeures diminuent dans le temps. La hausse des prix est donc essentiellement conjoncturelle, non structurelle.
D’ailleurs depuis plusieurs semaines, les prix des matières premières baissent fortement et retrouvent souvent des niveaux inférieurs à ceux qui prévalaient avant que Poutine n’envahisse l’Ukraine. Regardons les prix du pétrole et du gaz par exemple, des prix en dollar en plus, avec un dollar plus bas qu’il y a un an. Le Brent s’échange sous les 75$ et non plus vers 90$. Le gaz naturel est repassé sous les niveaux de 2021. Et le dollar se traite entre 1.08 et 1.10 au lieu de 1.05 grosso modo. Nous constatons la même chose sur les métaux industriels : la baisse pour le cuivre, l’aluminium, le nickel comme le plomb est entre -10 et -20% sur la période. Le constat est identique sur les produits agricoles ; à part le café et le cacao, dont les prix continuent de monter, le blé, le maïs, l’orge, le coton baissent sous les niveaux de début 2022.
Les prix à la consommation ne baissent pas encore. Les producteurs comme les distributeurs augmentent leurs marges. Ils paient mieux leurs salariés et paieront plus d’impôt aussi sur les bénéfices. Mais assez vite, même très vite, par le simple jeu de la concurrence, un jeu sain, les prix vont baisser.
La BCE, inévitablement, pourra dire qu’elle a rempli sa mission, mais elle n’y sera pas pour grand-chose, en fait.
Entre temps, la politique bien trop restrictive de la banque centrale affaiblit les entreprises et les ménages. On le voit dans la capacité des foyers à acheter un logement et à s’endetter. Peu de Français peuvent, déjà à présent, rénover tout simplement leur logement. Mais c’est tout aussi vrai pour les entreprises. C’est aussi vrai pour les Etats, la dette leur coûte nettement plus cher.
Il est temps que la BCE en soit consciente, il est temps que les gouvernements européens le lui disent franchement. Car sinon, la hausse des taux affectera profondément notre économie. Les entreprises comme les foyers ne pourront plus suivre. Les entreprises n’investiront plus puis licencieront. Les foyers consommeront moins (sans évoquer la hausse inévitable des populismes dans ce cas de figure). Et les Etats, avec de moindres rentrées fiscales, seront contraints d’augmenter les taux d’imposition, ce qui achèvera notre belle Économie.
Inutile alors de chercher à investir dans notre réindustrialisation…
Il est urgent à présent de sortir de ce cercle vicieux dans lequel nous entraîne la BCE.
Madame Lagarde, Baissez les taux !
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale