La chronique de Patrick Pilcer
16H21 - mercredi 24 mai 2023

Point commun des extrêmes : leur rejet des Lumières. La chronique de Patrick Pilcer

 

Patrick Pilcer

La violence verbale des responsables politiques de l’extrême gauche d’aujourd’hui, LFI et Verts en tête, souvent suivie par une violence physique dans les manifestations auxquelles ils participent, comme dans les débordements qu’elles entrainent, rappelle la violence des mouvements antisémites lors de l’Affaire Dreyfus, celle des ligues de l’extrême droite des années 30, celle d’Occident à la fin des années 1960, comme celle des groupuscules GUD et génération identitaire de ce printemps 2023.

Bien sûr, l’endoctrinement idéologique qui anime ces extrêmes diffère ; l’origine géographique et le milieu socio-professionnelle sont souvent distincts. Mais les ressorts de leurs discours publics me semblent reposer sur les mêmes bases.

Les deux recherchent la Révolution, révolution dite nationale pour l’extrême droite, révolution dite démocratique et populaire pour l’extrême gauche. Les deux poussent à l’antagonisme. L’Autre n’est plus un adversaire politique à combattre mais un ennemi à abattre. Les deux développent les attitudes conflictuelles et rejettent les comportements classiques de négociation et d’élaboration de compromis. Les deux ne supportent pas le débat rationnel, la Logique, la Raison. Aucun ne veut faire sienne cette belle phrase attribuée à Saint Exupéry, « si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis »…

Contrairement aux partis politiques républicains, leur stratégie ne prône pas les philosophies issues des Lumières, ils rejettent la recherche de compromis, la culture du doute, la tolérance, l’acceptation de l’Autre parce que Autre, en fait ils rejettent le progrès scientifique, la recherche de l’amélioration de l’Homme et de la Société par le Progrès et la Raison. Les deux extrêmes, au contraire, ne visent que les émotions des électeurs. Ils ne cherchent pas à éduquer le peuple mais à entraîner la foule. Est-il étonnant que ce soit dans leurs troupes que l’on refusa le plus les vaccins anti-covid (comme anti-grippe d’ailleurs) et que s’épanouissent les complotistes en tout genre ?

Bien sûr il y a du Chantal Mouffe dans les stratégies développées par ces extrêmes. Mouffe version « hard », dans tout conflictualiser, Mouffe version « soft » dans la manipulation des émotions. Et cela fonctionne pas mal.

Quand un député LFI brandit une balle en caoutchouc lors d’un débat, il agit sur l’émotion du public. Difficile pour un élu républicain « classique » de contrer par la Raison. Ses propos ne font mouche, dans l’immédiateté, que sur les convaincus et sur les personnes « raisonnables », pas sur la foule.

L’extrême droite agit sur l’émotion, sur les peurs quand elle parle immigration ou délinquance, et n’hésite pas à tout amalgamer. L’extrême gauche agit aussi sur les peurs dans les manifestations sur les retraites, peur de perdre son emploi, peur de l’usure du corps au travail, peur des progrès techniques, peur de vieillir, de mal vieillir. Emmanuel Macron a su unir centre droit et centre gauche par la Raison. Comme par antithèse, extrême droite et extrême gauche s’uniront par la manipulation des émotions…

Mais ce serait faire trop d’honneur à Chantal Mouffe que de laisser croire qu’elle a pensé tout cela. Elle n’a fait qu’actualiser les études sur le comportement des foules des penseurs de la fin du XIXème et début du XXème siècle comme Gustave le Bon (les idées qu’il développe dans Psychologie des foules inspireront beaucoup de penseurs politiques de tous les bords, mais marqueront fortement, entre autres, Mussolini, Staline et Hitler), comme Gabriel Tarde et ses lois de l’imitation dans l’étude des comportements (une pensée utilisée ensuite par la publicité et le marketing) ou comme Sigmund Freud dans son ouvrage Psychologie collective et analyse du moi.

C’est bien dans ces analyses communes que les populismes d’extrême droite et d’extrême gauche ne font qu’un, et qu’un jour ou l’autre, lors d’une fenêtre d’opportunité, ils fusionneront. Leurs analyses reposent sur les mêmes postulats et sur les mêmes stratégies : ne pas passer par la Raison mais par les émotions pour mieux manipuler les foules. Cela ne peut que faire écho au wokisme, autre phénomène extrême aux antipodes du comportement républicain, par exemple lors des émeutes à l’Université d’Evergreen en 2017, où il fut rétorqué à un professeur qui cherchait à discuter et à argumenter, « arrête avec ta logique, la logique c’est raciste ! ». Exactement les mêmes ressorts.

Il est grand temps de remettre la Mairie au milieu du Village, la foule n’est pas le Peuple.

Dans le temps court, l’émotion l’emporte souvent, facilement. Mais dans le temps long, c’est la Raison qui gagne ! A condition de solidifier à nouveau ses fondements, avec à la base la Culture du Doute, celui du « Que sais-je ? » de Montaigne comme celui de Socrate « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » ! Cette démarche nécessite plus d’Effort, de Travail, mais elle paie ! Nous mériterons alors notre Salaire !

Il est grand temps de restaurer l’esprit Républicain, l’esprit des Lumières, de rebâtir l’Ecole, l’Enseignement, la Recherche, d’investir dans le Progrès, de partager les avancées que permet le Progrès, de contribuer à l’amélioration de l’Homme et de la Société, de reconstruire notre Société, notre Vivre Ensemble, de miser sur la Raison et non sur l’émotion.

En somme réécrivons, ensemble, à plusieurs mains, main dans la main, notre Pacte Républicain, Laique, Social et Démocratique.

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers