Les photographies de l’artiste Michel Follorou s’exposent à Saint-Germain-des-Prés, le temps d’un peu plus d’une semaine de printemps.
Contrairement à la plupart de ses contemporains, il est difficile de contraindre l’artiste à ce que le monde de la photographie d’art a choisi d’appeler un style.
Dès le début de son travail dans cette chapelle bretonne, Michel Follorou a exploré les reliefs, les accidents de la matière, les aspérités et la texture d’un mur simple, lui parle d’un mur « pauvre ».
Pendant dix ans, il s’est rendu consciencieusement, on pourrait dire religieusement ou plus exactement spirituellement, car il ne s’agit pas ici de religion, dans cette chapelle donc, pour y photographier une partie d’un mur, un mètre carré très exactement qui est devenu son terrain de jeu et de recherche. Sous son œil, les effets fugitifs de la lumière sur la matière se sont transformés en œuvre d’art, abstraite, contemporaine, et inédite.
Le résultat est sensible, et joyeux, tant on y découvre de facettes d’une texture qui se révèle de différentes colorimétries. On est là à l’antipode de l’artificiel ou des concepts, pour rentrer de manière macroscopique ou microscopique, dans des géométries, et des formes fluides. L’œuvre est harmonieuse, et de série en série, à chaque fois, une nouvelle manière de voir apparait dans les photographies que Michel Follorou a choisi d’exposer, du 9 au 18 juin, à l’Hôtel de l’Industrie, à Paris.
Autour d’une trentaine de photos, se démarque une cavalcade de couleurs, et de matières.
On peut même penser à des tableaux, peints sur toiles, tant les étincelles de couleurs, insufflent une dimension supplémentaire.
On s’immerge dans la nature, la mer, les ciels chargés de pluie ou de grêle, ou des nuits presque étoilées, on longe le long de ruisseaux pleins de mousses. Les tableaux photographiques font voyager l’imaginaire dans des paysages inconnus.
Ce serait bien trop prétentieux de comparer l’artiste photographe à Léonard de Vinci, et ce premier qui aime à garder la simplicité et la sincérité de sa démarche, s’en offusquerait peut-être, mais si on reprend ce texte “Je ne manquerai pas de mettre, parmi ces préceptes, une invention qui, bien que petite et ridicule est utile pour exciter l’imagination. Regarde sur un mur barbouillé de taches ou de pierres mélangées, tu y verras des paysages, des montagnes, des fleuves, des batailles, des groupes ; tu y découvriras d’étranges airs de paysages que tu pourras ramener à une bonne forme.” (Léonard de Vinci, 1492. Extrait de Péladan, Les Manuscrits de Léonard de Vinci), on est amené à revisiter d’une autre manière l’approche de Follorou. Captant et façonnant la lumière, comme un peintre travaille ses couleurs et son motif, le photographe transfigure son mètre carré de mur lépreux, dévoré de salpêtre, en une variété infinie de tableaux.
Mais qui est Michel Follorou, que vous ne connaissiez certainement pas avant de lire cet article et pour moi, l’opportunité de découvrir ce nouveau travail qui sera exposé sous le titre « Intuitions ».
Si on résume rapidement une carrière éclectique et diversifiée, cela donne cet à propos.
Au milieu des années 70, ses travaux photographiques bénéficient d’une reconnaissance officielle. Ses grands reportages sur les SDF, les hospices ou la vie de marginaux, comme ses travaux sur les naufrages de pétroliers échoués sur les côtes bretonnes feront l’objet de nombreuses expositions, publications et films pour la télévision. Michel Follorou entre à l’agence Rapho. En 1980, son exposition « Rencontres en Inde » produite par le ministère des Affaires étrangères et saluée par le ministère de la Culture, sera présentée en Inde pendant six ans dans toutes les Alliances Françaises et les principales Universités Indiennes. Il cofonde un collectif photographique, avec Michel Thersiquel, Guy Hersan et Alain Le NoaiIlles, et ses photographies sont saluées par Willy Ronis, Irina Ionesco et Gisèle Freund.
Réalisateur, il collabore avec la chaîne de télévision France 2 et réalise une série de films et courts métrages, avant de croiser le chemin de la cinéaste Jeanne Labrune et réalise pour elle un travail photo à l’occasion du tournage des « Prédateurs » avec Maurice Garrel et Roland Blanche.
« Flash 3 » dédiée à la photographie qui présentait à l’époque, le portrait de Jean-loup Sieff, Lucien Clergue, Helmut Newton, Robert Doisneau, Jacques Henri Lartigue, lui consacre une émission.
Depuis plus de trente ans, Michel Follorou a réalisé pour la télévision une centaine de portraits sensibles de personnalités, (Edgard Morin, le Dalaï Lama, Dominique Desanti, Simone Veil, William Christie, Karine Saporta, Ana Ventura, Jean-Pierre Mocky, Yves Copens, Mickael Lonsdale, Isashi Okuyama, Yann Paranthoën…).
Gabrielle Carnet
Exposition « Intuitions » de Michel Follorou
Du 9 au 18 juin 2023
Hôtel de l’Industrie
4 place Saint-Germain-des Prés, 75006 Paris
de 11h à 19h, accès gratuit
Sous le mécénat de Yas Banifatemi
Commissariat : Didier Poupard
Catalogue, 10 euros, préface de Jean-Marc Elsholz, historien d’art