Après l’horreur, la compassion.
L’auteur de ces lignes est agnostique et résolument déterminé à séparer le spirituel du temporel. Rendez à César ce qui est à César et laissez à Dieu le soin de sonder les cœurs et les âmes de ceux qui sont touchés par sa grâce.
Toutefois, l’attaque qui a eu lieu à Annecy touche littéralement au sacré : ne serait-ce que parce que s’en prendre à des nourrissons, à des enfants, c’est s’attaquer à ce que l’on a de plus sacré, c’est-à-dire précisément ceux à qui l’on doit un respect absolu. En ce sens, c’est un attentat terroriste.
Annecy n’est pas un fait divers mais un fait quasiment christique : le criminel qui a osé s’en prendre à nos enfants a invoqué Jésus (est-il vraiment chrétien? l’enquête le prouvera peut-être), et c’est un apôtre du même Jésus qui a sauvé nos enfants. Le premier est un fou de Dieu, le second est un homme de bien.
On peut se dire dubitatif devant l’invocation du tout-puissant (Nietzsche ne comprenait pas pourquoi, lorsque les hommes sont géniaux, ils s’en remettent à Dieu pour expliquer, justifier leur génie), mais c’est un fait que Jésus a bien été invoqué dans ce drame.
Christique, parce que cet homme bon, Henri d’Anselme, jeune homme de vingt-quatre ans, humble, simple, les bras croisés, tout en exposant sa vie pour sauver celle d’enfants, de femmes, d’hommes, n’a exprimé aucune haine à l’égard du criminel. Henri d’Anselme est un héros par l’acte altruiste qu’il a accompli, mais il diffère des héros du quotidien par la force dont il se disait animé, par sa foi : c’est en cela qu’il sort du lot et qu’il est un exemple. “Il incarne à merveille les profondeurs chrétiennes de la France”, comme l’écrit le philosophe Robert Redeker dans Le Figaro.
Le héros ordinaire, le héros humain, trop humain !
Cette puissance intérieure procure à Henri une sérénité impressionnante et donne à réfléchir sur la façon de résoudre les problèmes de violence qui perturbent tant notre monde. Face à l’urgence, face à la violence, ne jamais paniquer, ne jamais s’emporter…
Le seul souhait qu’a exprimé Henri et qui sera exaucé par le chef de l’Etat : participer à l’inauguration, à la renaissance, à la résurrection de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Christique, parce que nous vivons aussi une période de grande transition, de grandes perturbations, de grandes révolutions, de grandes pertes de repères, une période de grand vertige, une période de grande introspection, de folie…
À Grenoble et à Annecy pour soutenir les victimes, s’adressant à tous ceux qui sont intervenus jeudi, le président de la République a salué, dans son intervention à la Préfecture de Haute-Savoie, la force de la puissance publique : “Nos services publics, ce qui tient la puissance publique quand il y a une crise et que le pire advient, se tient comme un tout organique, et ce qui est parfois critiqué quand on lit les choses qu’on voudrait nous décrire comme trop lent, mal organisé, dans ce moment-là, est une force qui s’organise avec une réactivité absolument extraordinaire pour protéger, venir en aide, accompagner”.
La solidarité des hommes et celle des agents de l’Etat et des autorités publiques, telle est la première réponse à la barbarie.
C’est un week-end de recueillement et de partage qui commence : une messe a été dite hier, dans la cathédrale Saint-Pierre d’Annecy. Cet après-midi, une marche blanche est organisée, et demain, dimanche, dans toutes les églises, résonnera certainement le nom de ce Henri d’Anselme, à la vie duquel le pèlerinage et la passion des cathédrales donnent un sens.
Puisque toutes les études (et les églises désertes) montrent que les chrétiens osent de moins en moins se dire chrétiens, l’exemple de Henri donnera du baume au cœur de bon nombre de ses concitoyens, qui pourront se dire fiers de leurs racines.
Le sacré serait-il de retour ? Le succès d’un livre comme “Reconquérir le sacré” de Sonia Mabrouk (éditions de L’Observatoire) en est l’une des nombreuses preuves.
Qu’il soit religieux, immanent, profane ou citoyen, le sacré est parmi nous.
Michel Taube