Coup de théâtre à Beyrouth : si les députés du Hezbollah n’avaient employé un artifice de procédure, le Liban aurait ce soir un président de la République opposé aux affidés de l’Iran des mollahs. En effet, ce matin même à la Chambre des députés du Liban, Jihad Azour a obtenu 59 voix contre 51 à Sleiman Frangié, deux chrétiens maronites que tout oppose, candidats à la présidence de la République du Liban. Les députés du Hezbollah ont préféré subitement quitter l’hémicycle pour empêcher le quorum d’être atteint pour un second tour de la présidentielle.
« C’est une grande victoire pour, le Liban, une bataille gagnée dans la guerre contre la mainmise chiite sur la Présidence de la République », nous confie Omar Harfouch, homme d’affaires et de média, qui rêve d’un destin national pour le Liban et qui propose à ses concitoyens un Liban moderne, libéral et libéré de la gangrène de la corruption, comme nous le disions dans la première partie de notre enquête éditoriale.
Les choses bougeraient-elles enfin au Liban ? Les caciques du pouvoir seraient-ils arrivés au bout de leur logique corruptive ? Ainsi, en guise de pâle défense de leurs intérêts, ils ont délivré un mandat d’arrêt national pour empêcher Omar Harfouch de revenir à Beyrouth et de vivre son destin libanais. Mandat sans motif juridique sérieux qui ne devrait pas résister longtemps à la vérité et au sens de l’histoire. Manœuvre politicienne du premier ministre Najib Mikati, milliardaire sulfureux, notamment poursuivi par la justice de Monaco.
Retour au Parlement : pour le Liban, le choix de son avenir se cristallise dans la question institutionnelle : qui sera le prochain président de la République ?
Seul un chrétien maronite peut devenir chef de l’État. Le Liban politique repose en effet sur le Pacte national libanais de 1943, partie non écrite de la Constitution, compromis historique, certes de plus en plus fragile, entre chiites, sunnites et chrétiens maronites, et par lequel notamment le chef de l’État et commandant des Forces armées sera maronite.
Élu pour six ans au suffrage indirect par les deux tiers des 128 membres de la Chambre des députés, le président ne peut effectuer deux mandats consécutifs.
Or au Liban, il n’y a plus de président depuis le départ de Michel Aoun le 31 octobre 2022. Qui va lui succéder ? Lors de la dernière élection présidentielle, la vacance du pouvoir a duré deux ans et demi avant que le général Aoun ne soit élu.
Aujourd’hui 14 juin 2023, le Liban a peut-être rendez-vous avec son destin… A moins d’un énième rebondissement (depuis l’automne dernier, déjà onze tentatives d’élections ont échoué faute de quorum parlementaire, les élus pro-Hezbollah bloquant l’élection en s’abstenant de voter).
Dans le duel fratricide entre Jihad Azour ou Sleiman Frangié, ce ne sont pas que deux hommes qui s’affrontent mais surtout deux visions du Liban.
Pour Omar Harfouch, « si le Liban veut retrouver le chemin de la souveraineté et du développement, les parlementaires doivent clairement choisir Jihad Azour ». Ses récentes fonctions au sein du FMI où il a été nommé par Christine Lagarde en 2017, la relance économique qu’il a su insuffler au Liban lorsqu’il était ministre des Finances de 2005 à 2008, sont un gage de crédibilité.
Jihad Azour est le candidat unique d’une alliance certes fragile : le Courant patriotique libre, les Phalanges libanaises, les Forces libanaises, et le Parti socialiste progressiste, le tout avec la bénédiction du patriarche maronite, Monseigneur Bechara Boutros Rahi, qui est venu à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron le 29 mai dernier.
Jihad Azour l’a assuré : « je n’ai qu’une mission : sortir le pays de la situation anormale dans laquelle il se trouve. Et je me situe en dehors des alignements politiques et communautaires » L’homme a bien raison : ce positionnement « au-dessus de la mêlée » conditionne largement la sortie de crise.
Face à Jihad Azour se dresse la marionnette du Hezbollah, l’ancien ministre de l’Intérieur Sleiman Frangié, proche de la famille Assad père et fil en Syrie. Le grand-père de Sleiman Frangié a été président de la République de 1970 à 1976. Il est le candidat de la « Moumanaa » (axe obstructionniste irano-syrien).
Ce candidat, aujourd’hui minoritaire donc, est à bien des égards le digne héritier de Michel Aoun car le président du gouvernement a beau être chrétien, ce dernier n’en pas moins été l’allié docile du Hezbollah, jouant un rôle clé dans l’inféodation politique du Liban à l’Iran des mollahs.
Aujourd’hui 14 juin 2023, a sonné l’heure des grandes manœuvres, mais aussi le réveil de l’espoir, de la possibilité de s’affranchir du Hezbollah, dont le peuple libanais a pris conscience des méfaits, sur les ruines du port de Beyrouth et d’une corruption généralisée, qu’il ne lui apporte que guerre et misère
Comme nous le confie Omar Harfouch : « les députés entendront-ils la jeunesse libanaise qui descendait dans la rue il y a trois ans et qui rêve comme moi d’un Liban réconcilié avec l’Occident et la croissance et non d’un pays qui resterait éternellement sous l’emprise du Hezbollah et des Mollahs de Téhéran ? ».
Michel Taube
Suivez l’enquête éditoriale de Michel Taube : Omar Harfouch ou une ambition pour le Liban
Partie 1 :
Liban : mais pourquoi Omar Harfouch gêne-t-il autant ?
Partie 2 :
Omar Harfouch : « avec le choix du prochain président de la République, Jihad Azour ou Sleiman Frangié, le Liban choisit son destin ! »