En ce mois de juin 2023, Paul McCartney publie un album non pas de musique, mais de photos : « 1964 : Eyes of the Storm ». 275 clichés inédits dont il est l’auteur, et une introduction émouvante du plus grand compositeur vivant, non pas nostalgique (ou si peu), mais témoignant au contraire d’une profonde joie d’avoir vécu une aventure artistique et humaine dont l’intensité portait en elle les germes de son éphémérité.
Sir Paul McCartney !
On connaissait le musicien, auteur-compositeur, chanteur, bassiste, créateur insatiable, là où d’autres se répètent ou rééditent leur énième « greatest hits » parce qu’ils n’ont plus rien à dire, sauf parfois à s’ériger en activiste politique de salon, parfois nauséabond, comme l’ex Pink Floyd Roger Waters.
On connaissait aussi l’auteur de livres pour enfants : « Hey Grandude ! » et « Grandude’s Green Submarine » ou « Le Sous-marin magique » en français. De petits bijoux de sensibilité et d’apprentissage des valeurs de la vie.
On connaissait surtout Macca le Beatles, qui avait tout juste 28 ans lorsque le groupe se sépara après avoir révolutionné plus que la musique.
Aujourd’hui, on découvre McCartney photographe amateur, mais passionné, mais qui a capturé de l’intérieur la tornade de la Beatlemania. Les Beatles, dont il fut le co-leader, c’est (la postérité permet d’écrire au présent) avant tout de la musique, qui peu à peu devient classique. D’année en année, inexorablement, le rock perd des auditeurs sur les plateformes de streaming. Certes, les jeunes, qui font la fortune de ces plateformes, peuvent être sensibles à un événement, comme le biopic Bohemian Rapsody consacré à Freddy Mercury qui généra de nombreuses écoutes du groupe Queen, mais la génération rap/hip-hop attendra sans doute l’âge de la maturité pour découvrir que la musique peut être belle quand elle est chantée, et qu’en la matière, il n’y a rien de plus rare et de plus précieux qu’une magnifique mélodie…
Rare, sauf pour les Beatles, qui à l’époque des photos prises par Paul McCartney, occupaient jusqu’aux six premières places des ventes de « singles » et les deux premières des ventes d’albums. L’exceptionnel était devenu leur norme. Tous les autres étaient balayés et relégués au rang de suiveurs.
Même si la Beatlemania fut orchestrée de main de maître par le manager du groupe, Brian Epstein, véritable papa des Beatles qui veilla sur sa progéniture jusqu’à sa mort en 1967, la folie que McCartney a immortalisée sur sa pellicule ne peut être le fruit du marketing ou de la mode passagère. En quelques mois, les « ploucs » d’une ville grise du nord de l’Angleterre dont la plupart des Américains ignoraient jusqu’à l’existence-même secouèrent l’Amérique meurtrie par le Vietnam et l’assassinat du président Kennedy, ringardisant le rock’n’roll et transformant l’Angleterre en centre névralgique mondial de la musique et de la culture. Cette révolution culturelle et sociétale est le fruit de leur génie créatif.
Les photos de Paul McCartney ont le charme et la naïveté de l’enfant qui ne sait plus s’il rêve ou vit le réel, mais aussi la spontanéité indispensable à l’immortalisation d’une suite d’instants magiques et irréels, qui défilent à un rythme plus rapide et plus endiablé que le rock’n’roll, et bat à celui du cœur de cette Beatlemania, un cœur qui ne cessa de s’emballer, jusqu’à s’arrêter moins de cinq ans après les derniers clichés de « 1964 : Eyes of the Storm ».
Paul McCartney était dans l’œil du cyclone, lorsqu’il prit ces photos. Mais chacun sait que c’est aussi un lieu mystérieusement calme. Certains clichés sont intimistes, illustrant l’insouciance de ces jeunes joyeux lurons, qui grâce à la force et à l’unicité du groupe, et au paternalisme de leur papa manager, réussit à garder la tête froide, à rester eux-mêmes. Quelques photos presque anachroniques furent prises à Paris. Hors la salle de l’Olympia, où les Beatles se produisirent, la France ne connut pas de véritable Beatlemania. C’est pourtant dans la capitale française, avant de monter sur scène, que le groupe apprit par télégramme qu’il avait conquis le monde : il était pour la première fois n°1 aux États-Unis. Les photos de Paul McCartney, notamment à l’aéroport de New York, illustrent à quel point cela signifiait infiniment plus qu’un classement dans un hit-parade.
« 1964 : Eyes of the Storm » : un beau cadeau, un beau clin d’œil, pour la fête de la musique !
Michel Taube
Pour se procurer le livre :
https://www.smithandson.com/bookn/9780241619711-1964-eyes-of-the-storm/