La chronique de Patrick Pilcer
10H06 - jeudi 13 juillet 2023

Quand la BCE se trompe… La chronique de Patrick Pilcer

 

Mme Christine Lagarde et son Conseil des Gouverneurs n’en démordent pas : les perspectives d’inflation demeurent trop élevées et ils maintiennent leur politique monétaire restrictive avec des taux directeurs élevés, voire plus élevés encore. Et la BCE poursuit : « Parallèlement, la transmission des précédentes hausses des taux aux conditions monétaires et de financement dans la zone euro est vigoureuse, bien que les délais et la force de la transmission à l’économie réelle restent incertains. 

Cela fait plusieurs mois à présent que la Banque Centrale Européenne considère que « l’arme fatale » pour lutter contre la hausse des prix réside dans la hausse des taux de prêt et crédit. Ces hausses de taux, tout le monde les ressent très fortement. Les familles n’arrivent plus à emprunter pour acheter un logement. Du coup, comme dans le même temps, l’obtention de permis de construire n’augmente toujours pas, et cela depuis plusieurs années, le secteur de la construction s’effondre et la crise du logement ne peut que s’amplifier. Même la rénovation pâtit de ces hausses de taux de crédit. Cela coûte plus cher de changer sa chaudière, ses fenêtres, son isolation, etc… Tout le secteur de la construction va connaître des plans de licenciement, et des dépôts de bilan. Et nos concitoyens auront encore plus de mal à trouver un toit, à l’acquisition comme à la location. 

Tous les secteurs sont à présent touchés par la hausse des coûts d’emprunt. Investir coûte plus cher, la comparaison entre la rentabilité d’un investissement et le taux d’emprunt devient souvent nettement moins favorable à l’investissement. Du coup, au mieux, on reporte les projets. On attend.

La hausse des taux directeurs de la BCE entraîne ainsi l’attrition de l’offre comme de la demande. Cela joue, bien sûr, sur l’inflation mais en fait à la marge. Car enfin, la hausse des prix que nous avons connue ces derniers mois est essentiellement due à deux causes. La réouverture simultanée de tous les marchés mondiaux après la crise du Covid, d’une part, et la guerre en Ukraine d’autre part. La demande sur les matières premières s’était envolée, et leur acheminement devenait plus que compliqué. Sans parler des sanctions et des embargos. Mais sur ces deux causes, la hausse des taux n’influe en rien !

Les effets de ces deux causes commencent à disparaître. Un peu partout dans le monde, la fameuse Supply Chain s’est bien réorganisée ; la production de matières premières reprend nettement ; leur acheminement revient à la normale. Les coûts baissent sensiblement : le prix du pétrole, le prix des métaux, le coût des containers sont partis fortement à la baisse. Nous commençons à voir dans tous les secteurs les prix rechuter. Cela va se voir dans les chiffres de l’inflation que scrutent les Gouverneurs de la BCE, et ils pourront se réjouir de la pertinence de leurs actions. Or, en fait, leurs actions n’ont pas touché aux coûts mais ont fortement perturbé l’offre et la demande. Si fortement que la récession touche l’Allemagne, chantre de la politique monétaire restrictive actuellement menée par la BCE, et beaucoup de pays. En France, notre économie résiste encore, mais nous sommes à zéro de croissance, pas à 2 ou 4% !

Face à cette panne économique il faudrait que la BCE baisse fortement ses taux. Comme l’inflation va commencer à baisser, la BCE devrait finir par baisser ses taux et sauver l’économie, mais comme pour sa lutte contre l’inflation, ce ne sera pas, là encore, pour les bonnes raisons. Elle le fera, trop tard, en arguant que l’inflation est maîtrisée… par chance pour elle, il y a corrélation pour le moment entre ses phénomènes, mais avec un effet retard dommageable, et en oubliant une règle de base des statistiques : corrélation n’est pas causalité.

Dans les faits, l’arme monétaire qu’utilise la BCE n’est pas la bonne. Cette arme ne cible pas les problèmes d’offre et de demande qui ont créé la situation actuelle. C’est comme si on utilise uniquement le Doliprane pour traiter les Covids sérieux. Par chance, cela peut fonctionner, mais cela peut aussi laisser le malade sur le carreau !

La véritable arme appropriée dans ce contexte économique me semble être la saine concurrence. Là, on sort du pré carré des banques centrales pour entrer dans le champ de l’Etat. Aux Etats d’améliorer les conditions de la Concurrence. Les Etats doivent réguler, structurer, organiser, surveiller, et surtout éviter l’émergence de monopole de fait.

La concurrence est le meilleur antidote pour la maladie de la hausse des prix, pour cette inflation « transitoire ». La Concurrence, et avec elle, sa grande sœur, la liberté d’entreprendre, sont les composants de base de la bonne santé de notre économie. Ellent permettent la croissance, l’innovation, l’investissement, une meilleure productivité. On est là à la base de la supériorité incontestable du libéralisme sur le collectivisme comme sur l’étatisme. Laissons les entreprises, et donc les entrepreneurs, agir ; donnons-leur les moyens d’innover, d’investir, de développer. Rebaissons les taux aussi.

L’Etat a un rôle majeur alors, non pas dans tout diriger. Sauf sur les projets à horizon 30 ou 50 ans, on n’a rarement vu un état réussir mieux qu’une entreprise librement gouvernée. Loin de moi l’idée de prôner un ultra libéralisme, simplement le libéralisme, radicalement le libéralisme. Tout comme la Droite et la Gauche n’ont rien à voir avec les extrêmes, avec l’ultra droite et l’ultra gauche, et sont eux Radicalement Républicains, le libéralisme n’a rien à voir avec l’ultra. Et le libéralisme aussi, par nature et par effets, est Radicalement Républicain car ses valeurs partagées sont aussi la Liberté, l’Egalité, la Fraternité et la Laïcité !

Le rôle de l’Etat est alors simple et clair, celui de créer les conditions de la concurrence et de la liberté d’entreprendre, de surveiller, d’inciter, d’empêcher que ses propres entreprises partent dans les combats internationaux avec des boulets aux pieds quand son devoir est de leur donner des ailes, d’éviter aussi les monopoles comme les excès de la concurrence. Ces excès sont entre autres le dumping social, environnemental, le non-respect des règles, la copie de brevets, ce qui est un vol pur, et ces excès sont aussi les spécialités de certains états. A l’Etat d’organiser, de structurer, de surveiller, de sanctionner ; aux entreprises de créer, d’imaginer, de produire et de vendre au juste prix. Le combat pour le pouvoir d’achat et contre l’inflation est là ! 

La crise actuelle nous ramène comme souvent aux fondamentaux, à la bonne maîtrise de tous nos outils et de nos rôles dans la Société.

A chacun son rôle.

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers