« L’antisémitisme, insulte au bon sens » : c’est ainsi que la grande Hannah Arendt, dont l’œuvre philosophique est largement consacrée à l’histoire du nazisme en ce qu’il a de plus abominable, intitule le premier chapitre du deuxième volume, ayant pour emblématique titre Sur l’antisémitismeprécisément, de ses magistrales Origines du totalitarisme.
L’ANTISEMITISME : UNE INSULTE A L’HUMANITE
C’est pourtant là encore trop peu dire, de la part de cet immense esprit du XXe siècle, car l’antisémitisme, en réalité, s’avère plus globalement, comme pour toute autre forme de racisme, une insulte, des plus graves et condamnables, à l’humanité même, en son ensemble et sans distinction d’appartenance à quelles que culture, religion, nationalité, population, ethnie ou civilisation que ce soient. C’est même là, cet universalisme anthropologique sans lequel il n’est point de démocratie qui vaille, l’un des principes les plus fondamentaux, aussi sacrés qu’inaliénables, de l’humanisme en sa plus juste et noble expression, comme nous l’a notamment enseigné, de haute lutte, l’illustre Siècle des Lumières, au premier rang duquel émerge, bien évidemment, Voltaire avec son admirable Traité sur la Tolérance !
D’INFÂMES PROPOS
Ainsi, ce à quoi vient de se livrer de mauvaise et basse besogne Médine – cet obscur rappeur qui, parce qu’il aligne plus ou moins correctement deux modestes vers, se prend pour l’insigne Baudelaire, le génial Rimbaud, l’élégant Saint-John Perse ou l’émouvant Aimé Césaire – en osant traiter Rachel Khan, l’une des écrivaines et essayistes les plus en vue au sein de l’intelligentsia française, de « reskhanpée, au prix donc d’un ignoble et vil jeu de mots relatif, à partir de son nom (et on sait l’importance que revêt, dans le judaïsme, le sens des noms), à ses origines juives et par la même occasion à l’innommable douleur que son peuple eut à subir durant l’Holocauste, s’avère proprement odieux plus encore que misérable, par-delà même l’infamie de tels propos !
UN ISLAMO-GAUCHISME COMPLICE, PAR SON SILENCE, DE LA HAINE ANTISEMITE
Mais le plus consternant, sinon franchement scandaleux à l’aune de la simple décence morale, en cette médiocre et triste histoire, sur laquelle on aurait cependant préféré laisser choir un voile charitable si elle n’avait révélé en son fonds le malsain climat de haine aujourd’hui inhérent à une certaine gauche – cet islamo-gauchisme mâtiné de wokisme fascisant, à faire se retourner dans leur tombe les véritables et certes très dignes tenants de l’historique socialisme à la française, de Jaurès à François Mitterrand, en passant par Léon Blum et Mendès France – c’est que les sectaires affidés de cette nébuleuse politico-idéologique qu’est la NUPES, ceux de la France Insoumise comme des Ecologistes et autres Verts, mais aussi les quelques pâles survivants parmi les anciens communistes, n’ont rien trouvé à redire, dans leurs dangereuses dérives, à cet abject propos de cet inénarrable rappeur, le fameux Médine donc, qu’ils s’évertuent même encore, toute honte bue et sans que leur conscience émette la moindre critique en cette pénible circonstance, à inviter, telle une star adulée devant laquelle on reste bouche bée en un silence quasiment complice, à leurs prochaines universités d’été et autres démagogiques festivals de propagande.
UNE NOUVELLE TRAHISON DES CLERCS
Navrant, en effet, ce spectacle de bas étage auquel s’adonne ainsi aujourd’hui sans pudeur ni vergogne, et parfois même gorgée de nauséabonds relents de haine antisémite, cette gauche aux allures de nouvelle « trahison des clercs » (la défense partisane d’intérêts particuliers plutôt que la défense désintéressée de principes universels) pour paraphraser ici le titre d’un essai resté célèbre, et manifestement encore d’une tragique actualité, depuis que l’excellent Julien Benda, incontestable modèle d’honnêteté intellectuelle, le publia, en 1927 déjà, il y a presque un siècle.
HUMANISME ET UNIVERSALISME, CONTRE LA TENTATION TOTALITAIRE
A cet intelligent, cultivé, nuancé et bel exemple de libre-pensée qu’est Rachel Khan donc, en cet impératif catégorique qu’est l’éternel mais nécessaire combat pour l’universalisme des valeurs humaines, notre soutien moral et indéfectible solidarité, contre toute tentation totalitaire, dans cette épreuve à l’infecte, écœurant et mortifère arrière-(dé)goût, de sinistre mémoire, de l’immonde peste brune !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER
Philosophe, écrivain, auteur de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (PUF), « Les Intellos ou la Dérive d’une caste – De Dreyfus à Sarajevo (Editions L’Âge d’Homme), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies), « Grandeur et misère des intellectuels – Histoire critique de l’intelligentsia du XXe siècle » (Editions du Rocher), directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie » et « Repenser le rôle de l’intellectuel » (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès). A paraître : « Pour un humanisme des temps présent et à venir ».