Le rassemblement de Tourcoing le 27 août 2023, où sont attendus plus de mille participants, restera-t-il comme l’acte de naissance d’une ambition personnelle voire d’un mouvement politique ?
Il est certes trop tôt par rapport à l’échéance suprême de 2027 pour que Gérald Darmanin se déclare et devienne le frondeur en chef de la macronie. Et la présence finalement surprise d’Elisabeth Borne à ses côtés à Tourcoing vient en quelque sorte torpiller (pour le moment) les velléités d’aventure que certains déçus d’Emmanuel Macron voudraient voir endosser par l’ancien maire de Tourcoing.
La question pressante qui se pose à Gérald Darmanin comme à de nombreux Français est simple : pour celles et ceux comme nous qui ne veulent ni de Marine Le Pen ni de Jean-Luc Mélenchon (on ne sait jamais) à l’Elysée en 2027, qui donc pourrait fédérer de la droite à la gauche républicaines en passant par le centre pour espérer se retrouver au second tour de la présidentielle ? Une dream team Wauquiez – Lisnard – Bertrand – Darmanin – Cazeneuve, pourrait séduire mais ce n’est pas ainsi que s’organise le jeu de la Vème République.
Dans son entretien fleuve dans Le Point, Emmanuel Macron se révèle bien présomptueux : “Si le môle central que j’ai rassemblé se divise, le risque, c’est de ne pas être au second tour.” Le risque ? Non, une certitude ! Et contrairement à l’optimisme de façade du chef de l’Etat, il n’est nullement acquis que “[La tripartition politique, avec un gros bloc central] a vocation à durer.”
Le plus probable est que la macronie ne survivra pas à Emmanuel Macron, que les ambitions, – les ambitieux, finiront par s’affronter au grand jour pour la succession du prince fondateur. Bruno Le Maire, Edouard Philippe, Gabriel Attal ? Marlène Schiappa pourrait rêver de revenir. La liste est longue…
Pourquoi donc Gérald Darmanin pourrait-il s’imposer à tout ce beau monde ? C’est toute l’alchimie entre un homme et le peuple qui doit opérer et que le premier doit susciter auprès des seconds. Pour cela, plus tôt l’ancien maire de Tourcoing affichera ses ambitions et plus fortement pourra-t-il dépasser le corset que constitue désormais la macronie.
Aller à la rencontre des Français est le grand défi qui attend Gérald Darmanin s’il veut tutoyer les sommets.
Enfin, et surtout, Gérald Darmanin pourrait-il réussir là où Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont échoué : faire la synthèse opérative entre autorité régalienne, libertés économiques et justice sociale ? Ce serait cela le darmanisme, héritier d’un sarkozisme et d’un macronisme décevants ? Le rattachement du Secrétariat d’Etat chargé de la Ville, dirigé par Sabrina Agresti-Roubache, au ministre de l’Intérieur (et au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires), est une modeste mais intéressante innovation dans la gouvernance qui augure d’un rééquilibrage entre social et autorité.
La différence (la force aussi) de Gérald Darmanin sur tout ce beau monde, c’est qu’il assume le pôle régalien et l’autorité dont la France a besoin. Il est un bon ministre de l’Intérieur (à part notamment la sortie de route du Stade de France lors de la finale de la Champions League en 2021), d’autant qu’il est souvent très seul dans la macronie à porter ce discours assumé.
Car la France a urgemment besoin d’un recentrage régalien très fort, notamment face à l’insécurité et aux violences urbaines, et en même temps crédible, notamment sur l’immigration. Le tremblement de terre des émeutes de juin-juillet dernier nous en rappelle l’urgente nécessité.
Gérald Darmanin sera-t-il bientôt à Macron ce que Sarkozy fut à Chirac : l’emmerdeur de le classe qui veut prendre la place du calife ?
Darmanin sera-t-il l’homme de la situation ? Heureusement pour lui qu’il n’est pas premier ministre. Car il doit au plus vite convaincre que le darmanisme a un avenir et, mieux encore, qu’il propose un avenir à la France et aux Français.
Michel Taube