La candidature de Ségolène Royal à conduire une liste « d’union de la gauche » aux élections européennes n’est pas une surprise tant elle courrait déjà dans les rédactions. Elle faisait d’ailleurs écho à sa déclaration après sa défaite à la présidentielle du 6 mai 2007 : « Mon engagement et ma vigilance seront sans faille au service de l’idéal qui nous a rassemblés et nous rassemble, et qui va, j’en suis sûre, nous rassembler demain pour d’autres victoires ».
Prise au pied de la lettre, cette candidature répond à une aspiration réelle, celle de voir les partis dits de gauche cesser de s’entredéchirer. Mais, au-delà de ce principe de base, quel est la valeur de cette proposition ? Car il y a une constante dans l’histoire de la gauche devant les difficultés, c’est de faire des appels à l’unité pour effacer les points de conflit. Le pourquoi disparait alors dans le brouillard du comment.
On fera, certes, référence à la victoire de François Mitterrand, candidat de la gauche unie au second tour, en 1981. C’est oublier un peu vite qu’il y avait un accord programmatique préalable et qu’elle portait, à ce moment-là, des valeurs historiques qui paraissent bien peu motiver les partis qu’il s’agit aujourd’hui de rassembler. On pourrait même dire que les divergences fondamentales entre ceux-ci sont aujourd’hui plus importantes que les éléments de convergence sur la laïcité, sur la nature de la République, sur l’Etat, sur les institutions et la démocratie. Et la question européenne qui a besoin de positions politiques sérieuses est mise de côté par ce type d’accord purement tactique. Quand la tactique des ambitions personnelles phagocyte la stratégie de l’idéal républicain et favorise le chaos politique, la démocratie sombre.
Bref, à part une référence a priori à la gauche, l’unité est pour l’essentiel de nature électorale. Unité ? Regardons alors sérieusement les intérêts en présence. Certains préfèrent ne pas se compter dans une élection qu’ils savent leur être défavorable. Certains ont l’intérêt inverse. On peut même raisonnablement penser que la somme des scores des partis partant désunis serait supérieure au résultat obtenu par l’union. D’ailleurs les citoyens qui s’abstiennent de plus en plus sont-ils vraiment motivés par ces questions aujourd’hui ?
On appellera bien sûr à regarder à droite. Certes. Elle vit sa majorité tranquille, loin des préoccupations des Français. Et si vouloir l’attaquer est légitime, encore faut-il voir que les citoyens en ont assez de jeux stériles et souhaitent clarifier en trouvant les moyens d’exprimer leurs aspirations et leur volonté.
Il est peut-être temps de réfléchir, au-delà des intérêts tactiques, à ce que peut signifier aujourd’hui la gauche et, par ailleurs, la droite. Il est peut-être temps de se demander si les partis ne devraient pas accepter de laisser la main à une réflexion profonde au sein du peuple, entre les citoyens au plus près de leurs communes et quartiers pour reconstruire une démocratie bien affaiblie sans laquelle ces concepts deviennent politiciens en perdent largement leur sens historique et philosophique.
André Bellon
Président de l’Association pour une Constituante