Emmanuel Macron a donc réuni le 30 août à l’École de la Légion d’honneur de Saint-Denis tous les leaders des partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale.
12 heures d’échanges, jusqu’à 3 heures du matin, cette réunion sans caméras ni photos fut telle un conclave entre cardinaux qui se réuniraient à Rome pour désigner le successeur du pape. Nous n’aurons donc même pas de photos volées par des Insoumis en mode insurrectionnel !
Et Emmanuel Macron veut remettre le couvert et tenir une seconde réunion très prochainement !
La idée concrète qui en est sortie est celle d’une « conférence sociale sur les carrières et les branches situées sous le salaire minimum ».
Sera-ce une nouvelle version du Conseil National de la Refondation qui a été pour Emmanuel Macron un échec patent de la première année de son second quinquennat mis qu’il compte pourtant réunir à nouveau à l’Elysée le 7 septembre ? Une forme de fuite en avant verbale face à des crises aiguës ? Une sorte de loghorrée infinie telle que le chef de l’Etat en fut capable avec le Grand Débat au lendemain de la crise des Giles jaunes ou dans une interview fleuve de 16 pages au Point la semaine dernière ?
Certes, le mensonge est consubstantiel de la politique. Le politicien ment, comme l’avocat, le vendeur, naguère l’arracheur de dents. Certains politiques, terme moins péjoratif que « politicien », mentent plus que d’autres. Dans l’opposition, il est plus facile de promettre monts et merveilles. Et plus on est à l’extrémité de l’échiquier politique, plus on promet la lune.
Le pompon revient à l’extrême ou l’ultra gauche, France insoumise et une grande partie d’EELV en tête. Imaginons le dialogue téléphonique entre le président de la République Jean-Luc Mélenchon et la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde : « Salut Christine, j’ai tondu les riches mais ça suffit pas, et ces salauds ont planqué leur fric. Tu peux me virer un petit 300 milliards pour commencer. Retraite à 60 ans, RSA au niveau du SMIC, lui-même revalorisé de 50 %, immigration illimitée avec mêmes droits pour les migrants que pour les autres… 500 milliards, ce serait mieux… pour commencer ».
Le lecteur imaginera la réponse de dame Lagarde !
Le trait est moins forcé qu’on le pense, sauf si, comme on pourrait l’imaginer, un autre dialogue s’instaurait entre le président fraichement élu et le directeur du Trésor : « Monsieur le Président, voilà la situation budgétaire de la France… ». Et Mélenchon ferait du Macron, comme les autres, pour ne pas finir comme son idole Robespierre après avoir plongé dans la misère ceux qu’il prétendait défendre et protéger. Mélenchon, si par malheur les Français l’élisaient en réaction épidermique contre la possible victoire de Marine Le Pen, sera le Tsipras français ! Social traitre lui-même !
Quant à Monsieur Macron, donc… Lui n’a pas promis la lune. On ne sait d’ailleurs pas vraiment ce qu’il a promis. À l’origine, la France devait être une nouvelle « Start up nation ». Quelques gilets jaunes plus loin, l’expression devenait honteuse. Économiquement, la France est dans un vertigineux en-même temps : le chômage n’a jamais été aussi bas et la France compte presque une trentaine de Licornes mais notre surendettement est digne de la gauche la plus dogmatique et les divisions de la société française se creusent de jour en jour. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne s’auto-adressent des louanges de progrès mais, de l’hôpital à l’école en passant par la justice, tous les services publics prennent l’eau. L’extrême difficulté de recrutement dans tous les corps de métiers de services de première ligne en devient presque dangereuse : chauffeurs de bus scolaire, soignants, enseignants, futurs policiers…
Bref c’est comme si la baisse du chômage était subventionnée à crédit, comme le reste.
S’agissant de la délinquance, on tente de masquer son explosion par des statistiques trompeuses : les juges condamneraient plus qu’avant, quand ils le veulent bien. Les vraies statistiques sont celles de l’exécution des peines, et non des sanctions fictives prononcées par des juges.
Tout puis son contraire
Ce qui est insupportable avec Emmanuel Macron, c’est le décalage abyssal entre le discours enflammé à la suite d’un événement tragique, et ce qu’il en reste, ou plutôt n’en reste pas, quelques mois plus tard : des lois édulcorées, et de toute manière pas appliquées. Le Conseil National de la Refondation en est la caricature puisqu’aucune proposition de loi n’est sortie de ses nombreuses réunions : beaucoup d’idées mais peu d’action.
Cette fois-ci, l’Elyse annonce clairement que « l’objectif des Rencontres de Saint-Denis est de convenir de propositions de mesures rapides, pouvant donner lieu à une traduction législative après concertation menée par le gouvernement avec le Parlement ou à des propositions de référendum. »
Après l’hommage à Samuel Paty, on aurait pu espérer que la lutte contre le fondamentalisme islamique prendrait une autre tournure. Ce fut le cas, mais dans le sens inverse : soumission à tous les étages, surtout à l’Éducation nationale, avec la complicité de la majorité des jeunes enseignants nourris au biberon du multiculturalisme, du wokisme et parfois de l’islamogauchisme. Ils sont en effet majoritaires à tolérer l’abaya tout comme la plupart des lycéens n’ont que faire de la laïcité. Les islamistes et leurs complices d’extrême gauche ont bien travaillé, et les conséquences pourraient être aussi dramatiques qu’irréversibles. Et depuis plus de six ans, la macronie contemple le désastre, quand elle ne l’alimente pas. Espérons que Gabriel Attal ne se sentira pas seul dans la macronie depuis sa décision courageuse d’interdire les abayas comme le fut Gérald Darmanin lorsqu’il fit expulser l’iman Iquioussen.
La lutte contre l’islam radical est un temps devenue lutte contre le séparatisme. Trop stigmatisant, trop amalgamant… Ce fut donc une loi pour renforcer les valeurs républicaines. Une plaisanterie !
Blanquer, N’diaye, Attal… Une succession de ministres de l’Éducation nationale qui en dit long sur le manque de cohérence d’Emmanuel Macron. Tantôt du « en même temps », tantôt une chose puis son contraire.
Emmanuel Macron, c’est la parole à la place des actes, une pensée performative qui croit que sa parole se fait acte comme par enchantement ou puissance de soi.
La grâce de la Basilique de Saint-Denis touchera-t-elle le chef de l’Etat provoquant une transmutation salutaire ?
Michel Taube
Paru le 29 août 2023 et mis à jour le 31 août 2023 à 6h