La chronique de Patrick Pilcer
11H10 - lundi 4 septembre 2023

Et si le principal risque cet automne était un Krach économique ? La chronique de Patrick Pilcer

 

L’été touche à sa fin et force est de constater qu’il aura été particulièrement clément sur les marchés financiers : aucune variation violente, des petites hausses et petites baisses sur les indices actions comme sur les taux obligataires. Si on met de côté la dégringolade inattendue de 40% d’Adyen aux Pays bas, les marchés ont connu un long fleuve tranquille, bien loin des habituelles fortes baisses autour du 15 août.

Pourtant, on a connu une tentative de coup d’état en Russie, où il vaut mieux prendre le train que l’avion à présent, une presque faillite immobilière en Chine, des coups d’état réussis, pour le moment, au Niger et au Gabon, des dérèglements climatiques partout, des incendies en Espagne et en Grèce, un cyclone en Floride. Rien ne perturbe les marchés, pour le moment. Un peu comme en 1987, quelques semaines avant le lundi noir du 19 octobre.

Comme en 1987, l’endettement global est gigantesque, endettement public comme privé. Comme en 1987, les valorisations de la plupart des actifs sont tendues. Comme en 1987, les algorithmes, ces systèmes automatiques d’achat et de vente en Bourse, ont pris le dessus sur les ordres « humains », des investisseurs institutionnels.

Ne manque plus qu’une étincelle, une déclaration malencontreuse d’un banquier central ou d’un ministre des Finances, un blocus de la Mer Noire, la provocation de trop de l’Iran ou du Hezbollah, une erreur d’un pilote chinois près de Taiwan… On ne pourra le dire qu’après, mais la poudre est bien là et n’attend que l’étincelle pour exploser.

On sent déjà sur l’immobilier et le Private Equity que la décrue a commencé. A la différence des actifs côtés en Bourse, la valorisation, le fameux « marked to market », n’est pas instantanée. On ne valorise que tous les six mois, tous les ans, lors d’une vente ou lors d’une faillite. Mais nombre de start-ups, partout dans le monde, ferment, ou diminuent drastiquement leurs plans de développement. Elles n’arrivent plus à lever les fonds nécessaires non pas seulement à leur croissance mais aussi à leur simple survie. Elles n’embauchent plus quand elles ne licencient pas purement et simplement. Cela ne se voit pas encore dans les chiffres du chômage car on est encore dans un moment de fortes tensions sur l’emploi, où toutes les entreprises peinent à recruter, mais cela va commencer à se matérialiser dans les chiffres.

On le ressent aussi dans l’aversion au risque qui remonte fortement. Les investisseurs se précipitent sur les produits de placement court terme, les comptes à terme des banques par exemple, où l’on rémunère à près de 4% sur un an. Pourquoi prendre des risques en bourse plutôt que de placer en compte à terme ?

Sur l’immobilier, la faillite en Chine de Evergrande devrait être suivie par celle de de Country Garden. Attention que l’arbre ne cache pas la forêt ! car alors ce serait un véritable tsunami qui pourrait emporter tout sur son passage, les gouvernants chinois y compris, plus rapidement qu’un virus de pangolin.

En France, sur l’immobilier, la situation est aussi très compliquée. L’absence de politique du logement et de la construction depuis 11 ans, et surtout depuis 6, va amplifier la crise du secteur. Pourtant tous les acteurs l’ont crié haut et fort, en vain. Entre l’arrêt des constructions, les mesures environnementales sur les logements, les hausses de taux, les restrictions sur les conditions de prêts, les très fortes hausses des taxes foncières, la demande toujours plus fortes pour des petites surfaces et la baisse de la demande des grandes surfaces, un cyclone s’annonce à l’horizon et nous sommes peut-être déjà dans son œil…

Si ce scénario de Krach boursier mondial se confirme, et si, en France, l’immobilier vacille, nous aurons un double effet richesse, sur les valeurs mobilières comme immobilières. La politique gouvernementale, ces six dernières années, avec l’IFI comme avec les taxes foncières uniquement supportées par les propriétaires, n’aura fait qu’inciter les épargnants à sortir de l’immobilier pour aller vers les actifs côtés, au pire moment.

Nous aurons bientôt d’un côté les jeunes qui n’arrivent plus à se loger, à louer ou à acheter, de l’autre des plus de 50 ans qui vont voir fondre leur épargne et leur retraite, PEA, Assurance Vie comme cette fois l’immobilier. En 1987, les investissements immobiliers avaient été un refuge salutaire, pas cette fois, tout partira à vau-l’eau ! Ajoutons un chômage qui remontera vite, tout cela dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, de hausse de l’inflation. On oublie aussi trop souvent aussi les petits commerçants, qui, un à un, mettent la clé sous la porte. Ce contexte ne pourra qu’amplifier cette lame de fond, alors qu’ils sont des acteurs essentiels de la vie des quartiers.

La situation sociale deviendra vite explosive, hors de tout contrôle.

Nous n’en sommes pas encore là. Mieux vaut être vigilant et diminuer ses risques financiers bien sûr. Mais surtout, nos dirigeants vont devoir tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler ; ils vont devoir réfléchir à toutes les conséquences de leurs actes avec encore plus de finesse, éviter les blablas et agir réellement, investir l’argent public non pas pour cacher la misère sous le tapis, mais avec un réel souci d’efficacité. Et sur l’immobilier, ils vont devoir surtout s’atteler, enfin, à relancer le secteur de la construction, faciliter l’octroi de crédit au logement quand les dossiers sont sains, et faire comprendre à la BCE que sa politique de taux élevés met en danger toute l’économie.

Sinon, ce ne sont pas des protections pour les portefeuilles boursiers qu’il faudra mettre en place, mais des barricades au pied de nos immeubles !

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers