Y’aurait-il du Kundera en cette rentrée scolaire et politique ? Deux mois après le décès du célèbre écrivain franco-tchèque, on peut se demander si nous ne devrions pas placer cette rentrée sous l’égide de « l’insoutenable légèreté de l’être ».
Comme à chaque rentrée, comme à chaque nouvelle année, il est de coutume de chercher à laisser derrière soi les mauvaises habitudes et se concentrer sur les bonnes.
Dans le judaïsme, par exemple, lors du nouvel an, on verbalise cela en demandant de laisser les malédictions derrière soi et de commencer l’année avec des bénédictions.
Malédictions, bénédictions, des mots un peu désuets en 2023, mais, comme souvent, on comprend mieux les mots en les analysant dans une autre langue, ce qui permet aussi d’extirper si besoin les notions déistes ou superstitieuses.
En hébreu, malédiction a la même racine, et donc un sens proche, du mot légèreté quand le mot bénédiction est associé au genou, au fait de s’agenouiller. On peut alors comprendre l’injonction de début d’année différemment en lui accordant un sens entièrement laïque et une portée citoyenne.
S’agenouiller nous fait penser, non pas à la soumission, mais à l’adoubement, moment où on porte un genou à terre pour accepter une charge, une mission, un rôle dans la société.
Rechercher les bénédictions devient donc accepter notre rôle dans le monde qui nous entoure, contribuer le mieux possible, chacun en fonction de nos moyens et possibilités, à l’amélioration de l’Homme et de la Société, à la réparation du monde, à la préservation de l’environnement, au développement harmonieux des activités humaines.
Dans cette lecture, être « béni » revient à accepter de porter cette charge, l’assumer pleinement, donner de la consistance aux actes, de la matière, ne pas les laisser vides de sens.
Parallèlement, rejeter les malédictions devient ici refuser de prendre les choses à la légère, mais donner du poids à nos engagements. Refuser la légèreté c’est aussi respecter ce qui nous entoure et qui nous entoure. Est maudit celui qui manque de respect, oublie de dire bonjour ou merci, fait preuve de légèreté. Mais aussi celui qui accepte une charge qu’il ne peut porter, celui qui accepte, légèrement, des devoirs et ensuite les néglige.
On rejoint ici Kant, Malheur alors à celui qui assume une charge qu’il ne peut porter, Malheur à celui qui accepte légèrement des devoirs et ensuite les néglige…
Revenons sur Kundera. Dans son magnifique livre, les personnages s’interrogent sur la légèreté et la pesanteur, la lourdeur de la destinée face à l’insoutenable légèreté de l’être.
En cette rentrée, le plus beau souhait, et hommage à Kundera, et à Kant, est donc de chercher le plus possible à refuser d’être léger, à refuser de prendre les choses à la légère, à respecter notre environnement et nos proches.
Et au contraire il nous revient de chercher encore et toujours à réparer le monde, à œuvrer, ensemble, à l’amélioration de l’Homme et de la Société, à assumer ce poids sur nos épaules, ce poids, cette charge, soutenables si nous nous y prenons bien. Et si nous portons cette charge ensemble, elle n’en sera que plus facilement soutenable. Seul, on peut aller vite et porter un peu. Ensemble, on peut aller plus loin, et porter bien plus de poids !
C’est aussi cela le Vivre Ensemble, refuser l’insoutenable légèreté du citoyen !
Bonne rentrée
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale