Il fut un temps où un président de la République française s’était rendu dans le Caucase pour stopper une guerre. C’était en 2008. C’était le temps où la Russie et la Géorgie s’opposaient. C’était le temps où Nicolas Sarkozy était à l’Élysée.
On ne saura peut-être jamais si Emmanuel Macron, toujours en sympathie avec la cause arménienne, a tenté le 10 septembre dernier, au retour du G20 en Inde et du Bangladesh, de faire escale dans la région du Haut-Karabagh pour tenter de convaincre Ilham Aliyev et Recep Tayyip Erdoğan, les géants azéris et turcs, de ne pas envahir la République arménienne d’Artsakh.
Malheureusement, six jours après l’annexion de la République d’Artsakh par l’Azerbaïdjan dans une offensive militaire à grande échelle, provoquant une évacuation massive des Arméniens d’Artsakh, c’est une longue histoire de vie arménienne dans la région qui risque de s’éteindre.
Ainsi, s’est tenu hier le 25 septembre un colloque à l’Assemblée nationale organisé par le Think tank « Liberté et prospective » et sa présidente Henriette Caux, avec le soutien du Conseil national des Conseils de coordination des organisations Arméniennes de France, et intitulé « Haut-Karabagh, Arméniens en danger ».
L’exode
La grand reporter Marine de Tilly, actuellement postée à la frontière de l’Artsakh, a apporté en visioconférence un témoignage poignant sur l’exode massif des Arméniens d’Artsakh. « Les habitants d’Artsakh arrivent par centaines. Ils ont renoncé. Ils veulent tous partir et ils ne reviendront pas. Un vieux monsieur m’a même dit : « notre terre est si gorgée de sang qu’elle ne donnera plus jamais la vie. »
Le grand reporter et ancien diplomate Olivier Weber a présenté un extrait de son film qui sortira dans les salles début 2004 et qui s’intitule « Si je t’oublie Arménie ». « Les témoignages entendus dans le film ne mentent pas. Ce qu’il se passe en Artsakh s’apparente à une traite étatique d’êtres humains. »
Hovhannès Guévorkian, Représentant de la République d’Artsakh en France a eu des mots poignants : « Nous avons résisté trente-trois ans non pas parce que nous chérissions l’indépendance mais parce que nous voulions vivre. Que nous résistions ou que nous ne résistions pas, nous sommes tués parce que nous sommes Arméniens. »
L’Ambassadrice d’Arménie Hasmik Tolmajian a rappelé que « la résistance de l’Artsakh et de l’Arménie sont intimement liés. S’il n’y a pas une action politique très forte, si on ne fait pas tout pour arrêter la destruction du peuple Arménien, l’Arménie est en danger de mort. »
Que peut la France ? Que peut l’Europe ?
François Pupponi, ancien député et Président du Cercle d’Amitié France-Artsakh a insisté sur l’urgence humanitaire : « Je suis habité de tristesse, de colère et de honte. Mais dans l’immédiat, sauvons la population de la République d’Artsakh. Permettons-leur de retrouver un peu de liberté et de s’installer en Arménie. »
Le Président des Républicains et questeur de l’Assemblée nationale, Éric Ciotti, a insisté : « Au nom des liens civilisationnels qui nous attachent à l’Arménie, la France et l’Europe ne peuvent pas rester indifférents. Le devoir de l’Europe est de protéger l’Artsakh et l’Arménie. »
Le Président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, dont nous publions le son de l’intégralité de son intervention, a décrit la configuration géopolitique terrifiante pour l’Arménie, prise en tenaille par l’Azebaïdjan et la Turquie. « Nous ne sommes pas à la hauteur. Il y a une mécanique de l’irresponsabilité, du lavage de mains devant ce qui se passe. » Il a rappelé que la pression de l’Azerbaïdjan et de la Turquie sur l’Arménie sera très forte. « Nous devons faire échec à ce nettoyage ethnique à visée génocidaire et demain ce sera la sécurité de l’Arménie qui devra nous mobiliser. »
L’Union Européenne peut-elle encore peser de tout son poids pour stopper cette épuration ethnique ?
Emmanuel Macron, son homologue allemand et la Commission européenne peuvent-ils convoquer une conférence régionale en présence de l’Arménie, de la Russie, de la Turquie et de l’Azerbaïdjan ?
Lors d’une soirée de soutien à la République d’Artsakh à la salle Gaveau le 28 juin 2023, Sylvain Tesson eut ces mots fameux : « si le poste avancé d’une citadelle tombe, on ne donne pas cher du donjon. […] Et si l’Artsakh était le poste avancé d’un donjon qui s’appelle l’Arménie. Et si l’Arménie était le poste avancé d’un donjon qui s’appellerait l’Europe ? »
Michel Taube