Un des phénomènes qui étonne nos chers voisins, notamment britanniques, est la césure que nous traçons dans les débats, entre nos domaines d’intervention, les spécialités, et ces digues que nous construisons, et maintenons avec force pour éviter qu’un trouble-fête « non habilité » ose produire une idée dans un domaine réservé.
Pour avoir siégé de nombreux mois dans une chambre civile traitant de copropriété, je n’ai pu m’empêcher de penser que la justice ne réglait rien. Et qu’une fois encore, l’Etat gâchait ses efforts pour des bêtises, alors que des femmes et des hommes tombent chaque jour, leurs cris n’ayant pas été entendus.
Exemple parmi cent : sans entrer ici dans le débat sur le « mesurage » (sic) des superficies que la brillante loi Carrez a introduit – exemple-type de loi ayant produit des effets inverses de ceux recherchés- on est parvenu à diriger les acquéreurs vers le … surendettement.
Ce type de complication qu’on multiplie – alors que le marché immobilier s’effondre – témoigne de l’incapacité de la justice, toujours grande donneuse de leçons, à se penser elle-même.
Rien de nouveau sous le soleil : ce ne sont pas les Parlements qui ont secondé les efforts de redressement de l’Etat royal. Ils comptent au nombre de ses fossoyeurs.
Et Napoléon, en rétablissant les avoués, avait assorti sa bonté d’un jour d’une charitable mention : si ces bavards ouvraient la bouche contre son gouvernement, il leur couperait la langue…
La copropriété n’existe pas. Cette construction abstraite de nos braves juristes est comme le reste. Dans nos pays latins, on se drape tel Cicéron et on « élève » le débat = on noie la question dans un bocal : la catégorie juridique.
Sauf que la réalité se venge toujours. Le quotidien, Céline le rappelle, le bien pesant quotidien, c’est pas rose bonbon. Ni couleur marbre. Les principes, c’est comme le tissu : ça sert à tout et son contraire.
Au jour le jour prévalent les « rapports humains ». Et derrière les règles, les points de droit, la jargon qui va avec, en un mot tout ce fatras, les Palais de Justice et halls d’immeubles résonnent des questions -elles jamais réglées- d’une société d’hommes et de femmes, nombre de nos compatriotes pas élevés, ayant désappris à se parler calmement.
Dans ce roman, La deuxième proie, un ouvrage pas très long, idéal pour survivre à un aller simple Bressuire-Romorantin ou Roissy-CDG Châtelet, la copropriété est restituée à ceux dont, pour reprendre le titre de la pièce de théâtre de l’incorrigible Marcel Aymé, la justice se paie la tête. Celle des autres.
Quant aux voisins, ils ne perdent rien pour attendre : on leur a même inventé une fête !
La maison d’édition qui publie cet ouvrage vient d’ouvrir une librairie à Paris, métro Cadet.
Editions du Lys bleu, rue Bleue. Numéro 18.
La copropriété, c’est pas rose bonbon.