Depuis décembre 2022, le Pérou a un nouveau chef d’Etat en la personne de Dina Boluarte. Pour son premier déplacement en Europe, celle par laquelle le Pérou n’a pas sombré dans l’anarchie l’an passé a choisi de rendre visite à l’Allemagne et à l’Italie. Un choix hautement politique…
Le parcours d’une femme déterminée
Dina Boluarte est née le 31 mai 1962 à Chalhuanca, Apurimac, dans une famille de langue quechua. Elle est diplômée en droit de l’Université de San Martín de Porres. Elle est la cadette d’une fratrie de 14 enfants et elle-même a eu 2 enfants.
Elle a exercé comme avocate puis elle a travaillé comme fonctionnaire au Registre national de l’identification et de l’état civil en tant que chef d’un de ses bureaux, de 2007 à 2021. Elle a été candidate à la vice-présidence, lors des élections générales de 2021, du parti Pérou Libre, dont la liste, dirigée par Pedro Castillo, s’est imposée au second tour.
Le 29 juillet 2021, elle est nommée ministre du Développement et de l’Inclusion sociale du gouvernement de Pedro Castillo. Après plus d’un an de mandat, le 25 novembre 2022, après la nomination de Betssy Chávez comme présidente du Conseil des ministres, Boluarte a présenté sa démission de son poste de ministre du Développement et de l’Inclusion sociale.
Après la tentative de renversement des institutions par Pedro Castillo, le 7 décembre 2022, elle déclare : « Je rejette la décision de Pedro Castillo de perpétrer la rupture de l’ordre constitutionnel avec la clôture du Congrès. […] Il s’agit d’un coup d’État qui aggrave la crise politique et institutionnelle que la société péruvienne devra surmonter dans le strict respect de la loi »,
L’ancienne ministre du Développement et de l’Inclusion sociale a publié son message sur les réseaux sociaux peu après la publication du message à la Nation dans lequel Castillo Terrones annonçait des mesures telles que la dissolution du pouvoir législatif.
Cette tentative de bouleversement des institutions et la chute de Pedro Castillo a entraîné une vague de protestation violente dans le pays, surtout de la part des partisans du président déchu avec une successions d’épisodes très violents et très durement réprimés qui ont fait plus de 60 morts.
Dina Boluarte dit avoir refusé l’usage d’armes létales par les forces de police et l’armée face aux manifestants mais n’aurait pas été entendue. L’enquête sur ces événements et les reproches qui lui sont faits auraient ralenti son action de redressement.
Le 7 décembre 2022, après la destitution de Pedro Castillo pour « incapacité morale » et la tentative d’auto-coup d’État de ce dernier, Dina Boluarte est investie présidente de la République par le Congrès et devient la première femme à occuper cette fonction.
Entre le 9 et le 13 décembre elle constitue un gouvernement très féminin qui comporte 8 puis 9 femmes pour 10 hommes.
Dans une situation politique de tension extrême et en l’absence de majorité au congrès, elle réussit à stabiliser son pouvoir et commence à promouvoir son pays à l’étranger afin d’y attirer des investisseurs.
Un voyage présidentiel
Le 12 octobre, la Présidente Boluarte participera en tant qu’invitée d’honneur à l’événement intitulé « Journée de l’Amérique latine », organisé par l’association économique allemande Lateinamerika Verein eV (LAV). Placé sous le patronage du ministre-président du Land allemand du Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann, l’Association des entreprises pour l’Amérique latine organise la 74e Journée de l’Amérique latine, les 12 et 13 octobre, à Stuttgart.
La participation du chef de l’État constitue une opportunité de présenter les perspectives économiques du Pérou au monde des affaires, ainsi que de promouvoir les investissements et d’augmenter le commerce bilatéral avec l’Allemagne, afin de continuer à présenter le Pérou comme un partenaire économique fiable.
Le même jour, elle rencontrera le maire de Stuttgart, Frank Nopper.
Le 13 octobre, elle se rendra à Berlin, où elle sera reçue par le président Frank-Walter Steinmeier, avec qui elle tiendra une réunion visant à renforcer les relations bilatérales et à redynamiser les visites de hauts responsables allemands.
Audience au Saint-Siège
Le 14 octobre, la Présidente Boluarte se rendra à Rome, elle sera reçue au Saint-Siège par le Pape François en audience privée.
Cette visite officielle vise à promouvoir, renforcer et développer les relations entre le Pérou et le Saint-Siège, qui sont restées historiquement solides et positives, soutenues par la religiosité du peuple péruvien, fondées sur le respect mutuel, l’autonomie, la liberté de culte, et sont juridiquement fondés sur l’accord entre le Pérou et le Saint-Siège de 1980.
En outre, le chef de l’État rencontrera le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, avec lequel elle abordera des questions bilatérales telles que la reconnaissance du soutien de l’Église catholique dans la lutte contre la pandémie de COVID-19. Un échange de points de vue aura lieu sur les principales questions de l’agenda international.
Réunion à la FAO
Enfin, à Rome, la Présidente péruvienne tiendra une réunion avec le Directeur général réélu de la FAO, Qu Dongyu, qui sera importante pour le pays car elle permettra de discuter de la mise en œuvre du Mémorandum d’accord de coopération signé en Décembre 2021 entre la FAO et l’État péruvien.
L’événement contribuera à promouvoir un agenda de coopération avec ladite organisation sur un sujet sensible pour le pays et explorera l’impact sur l’agriculture dans les prochains mois du phénomène El Niño.
La réunion sera également un prélude au Forum mondial de l’alimentation intitulé « La transformation des systèmes agroalimentaires accélère l’action climatique », prévu le 16 octobre à Rome.
Perspectives économiques
Le Pérou est un pays riche en ressources. Ses produits agricoles de grande qualité se retrouvent sur les marchés européens (mangue, avocat, banane, agrumes, raisin, maïs, pomme de terre, haricot et, enfin, café arabica) ; ses fonds marins sont très riches en poissons et en fruits de mer (maquereau, merlu et crevettes sont principalement exportés) ; ses ressources minières attirent l’attention des investisseurs (or, argent, cuivre, plomb, fer, molybdène, gaz et pétrole).
A quand une visite en France ?
Commencer par l’Allemagne et donc logique. Il est à souhaiter que ce voyage soit le prélude à une visite en France, pays européen avec lequel le Pérou entretient les liens les plus forts après l’Espagne. Une communauté française dynamique vit au Pérou et de nombreux étudiants péruviens viennent se former en France.
Espérons que Madame Dina Boluarte choisira bientôt la France comme destination de voyage. La tenue du prochain Forum mondial sur la paix à Paris le 11 novembre prochain pourrait être l’occasion d’une rencontre au plus haut niveau avec Emmanuel Macron.
Michel Taube