La Caisse nationale de sécurité sociale (NSSF) du Cambodge vient de lancer un projet pilote d’assurance maladie sociale visant à étendre la couverture de la sécurité sociale à tous les travailleurs indépendants du pays qui représentent plus de 65% de la population.
Une première étape se concentre sur les les chauffeurs de tuk-tuk de la capitale. Ce projet est mené en partenariat entre la NSSF et l’ONG internatioale GRET, présente dans le pays depuis 1988, avec le soutien de l’Agence Française de Développement (AFD).
La santé, la protection sociale sont parmi les piliers des avancées concrètes que connaît la population du Cambodge.
Comme le souligne Me Antoine Fontaine, avocat français installé sur place depuis vingt ans, expert en droit du travail et assurance, « le Cambodge connaît une période de développement économique et social qu’il faut saluer et que l’actualité tend trop souvent à occulter. »
Ainsi, si le dernier rapport de l’Organisation Internationale du Travail de janvier 2023 note des progrès jugés remarquables du système de protection sociale de la santé, l’OIT estime aussi que 70 % de la population n’a toujours pas accès à la protection sociale de la santé.
Pour l’heure, le paysage cambodgien de la protection sociale de la santé comprend une assurance maladie sociale pour seulement deux catégories de la population : les fonctionnaires (secteur public) et les travailleurs officiellement employés (secteur privé). S’y ajoute un accès subventionné aux soins de santé par le biais du Fonds pour l’équité en matière de santé (HEF) pour la population éligible.
Les travailleurs indépendants du secteur informel sont la prochaine cible des autorités pour étendre les bienfaits de la protection sociale.
Depuis avril 2023, le projet pilote d’assurance maladie sociale est accessible aux chauffeurs de tuk-tuk qui peuvent donc s’inscrire au siège de la NSSF en utilisant leur carte d’identité nationale et la carte d’identification de leur véhicule. La cotisation mensuelle s’élève à 15 600 riels (3,43 euros). Le Cambodge étant particulièrement avancé en matière de fintech, les utilisateurs peuvent également s’inscrire en ligne via l’application NSSFPilotScheme et retirer leur carte.
L’ensemble des prestations de soins de santé est le même pour les secteurs public et privé, comme le prévoit la loi de 2019.
Les régimes couvrent les services de santé préventifs et curatifs, y compris les soins ambulatoires et hospitaliers, les soins de maternité, le planning familial, les interventions chirurgicales moyennes et les transports. Les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux sont également couverts, dans la limite de ce qui figure sur la liste des médicaments essentiels publiée par le ministère de la santé.
Le rapport de l’Organisation Internationale du Travail considère l’ensemble des prestations actuelles comme assez complet et souligne les efforts faits pour harmoniser les prestations couvertes par chacun des deux régimes.
Ce projet pilote fait suite à un protocole d’accord signé en début d’année par le GRET, le NSSF, la Caisse nationale de sécurité sociale dirigée par Ouk Samvithyea, et l’AFD pour lancer un projet d’étude de faisabilité sur l’inclusion des travailleurs agricoles dans le régime national.
La cible des conducteurs de Tuk tuk, population au bas de l’échelle sociale avec un métier à risque, est donc un prolongement et une étape essentielle pour étendre la couverture sociale.
Véritable tremplin vers l’extension progressive du régime d’assurance maladie à tous les travailleurs indépendants du Cambodge, « c’est une tâche importante qui nous attend pour étendre la couverture et l’adéquation de la protection sociale. C’est une priorité », a précise Emmanuel Dollfus, directeur national adjoint de l’AFD au Cambodge.
Toujours selon ce rapport, en 2021 et d’après les données du NSSF, 1 533 330 travailleurs étaient activement affiliés à des régimes de soins de santé. Parmi eux, 19 % (292 295) appartenaient au secteur public et 81 % (1 241 035) au secteur privé. Le rapport entre le nombre total d’employés et de cotisants actifs est de 41 %, ce qui montre l’importance du déficit de sécurité sociale dans le pays.
Et Me Antoine Fontaine de conclure : « accompagner le développement de ce beau pays est d’autant plus aisé que nous vivons en plus dans un des rares pays francophones d’Asie dont les élites sont de surcroît très francophiles ».
De quoi suivre de près à la Une d’Opinion Internationale l’actualité et les acteurs qui font vibrer le Cambodge.
Michel Taube