Monsieur le Premier Ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou,
S’il est un pays auquel je suis particulièrement attaché, et que je porte haut dans mon cœur tout autant qu’à mon esprit, c’est bien celui dont vous êtes l’actuel chef du gouvernement : Israël.
AU NOM DE MON VENERABLE AÏEUL ET RABBIN, SINAÏ SCHIFFER, THEORICIEN DU DROIT MODERNE JUIF
Davantage : héritier de l’enseignement, tant philosophique qu’éthique, de mon vénérable aïeul, Sinaï Schiffer (https://de.wikipedia.org/wiki/Sinai_Schiffer), l’un des principaux théoriciens, à la charnière des XIXe et XXe siècles, du droit moderne juif, grand rabbin de la très cultivée Mitteleuropa (chez qui se rendaient régulièrement quelques-uns des esprits les plus éminents de l’intelligentsia juive, de Franz Kafka à Stefan Zweig, en passant par Sigmund Freud et Gustav Mahler) et, à ce titre, l’un des historiques inspirateurs des fondateurs d’Israël (Theodore Herzl et David Ben Gourion), j’ai toujours ardemment défendu la création aussi bien que l’existence de notre bien-aimé pays.
SOUVENIR D’ISRAËL : DE JERUSALEM A TEL AVIV
Rappelez-vous, du reste, ces jours de février 1991, en pleine Guerre du Golfe et alors que Saddam Hussein, dictateur d’entre les dictateurs, lançait ses ignobles scuds sur Tel Aviv, y faisant de nombreux morts et blessés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardement_d%27Isra%C3%ABl_par_l%27Irak_en_1991). Vous vous étiez alors déplacé personnellement, en tant que Ministre des Affaires Etrangères au sein du gouvernement d’Yitzhak Shamir, jusqu’à l’hôtel King David, au centre de Jérusalem, où je logeais avec quelques amis, dont le consul général d’Israël à Milan (Daniel Gal), venus défendre expressément Israël contre cette agression, en tout point injustifiée de surcroît, de l’Irak. Vous nous aviez alors parlé à bon droit des menaces existentielles et multiples dangers que cette même terre de nos ancêtres subissait quotidiennement. Je me souviens également, non moins ému, que vous nous aviez même accompagnés alors jusqu’à la Knesset, temple politique de la démocratie israélienne, puis à Yad Vashem, ce sanctuaire, sacré entre tous, dédié à la mémoire de nos pères et mères exterminés par millions, sous la barbarie nazie, lors de la Shoah, ce crime unique dans les annales de l’(in)humanité.
Je n’oublie pas, non plus, la dizaine de jeunes soldats de Tsahal qui m’escortèrent courageusement, afin de me protéger face à l’insécurité qui régnait alors pendant cette Guerre du Golfe, lorsque je pris la périlleuse mais nécessaire décision, imprudente et déconseillée à vos propres dires, d’aller dans Jérusalem Est, jusqu’à la porte de Damas, afin de m’y rendre concrètement compte, de visu mais sans aucune hostilité de ma part, de la difficile situation qu’y vivaient effectivement, eux aussi, les Arabes et Palestiniens.
C’est dire, Monsieur le Premier Ministre, si, aujourd’hui, je me sens particulièrement proche, plus que jamais, d’Israël, de mes frères et sœurs qui eurent à subir, en ce funeste 7 octobre 2023, les abominables, féroces et sanguinaires assauts, contre des milliers de civils innocents, de ces autres barbares que sont à présent, en ces temps de nouvel obscurantisme antisémite, les terroristes politico-islamistes du Hamas, ennemi juré, souhaitant jusqu’à son total anéantissement, de l’Etat d’Israël !
Je n’ai d’ailleurs pas hésité, dès que je pris connaissance de cet épouvantable et récent bain de sang, à dénoncer et condamner, dans la presse européenne francophone, cet énième massacre à l’encontre de notre peuple : une innommable tuerie qui, par son indescriptible sauvagerie chez ces fanatiques d’un autre âge, s’avère même, plus généralement encore, une insulte, et des plus graves, à l’humanité tout entière ! (https://www.opinion-internationale.com/2023/10/08/i-stand-with-israel-la-chronique-de-daniel-salvatore-schiffer_117030.html)
Ainsi, oui, comme vous l’avez très justement dit, en ces douloureux jours de deuil, de malheur et de désolation, au regard de cette hécatombe dont les Juifs sont à nouveau victimes : il est grand temps qu’Israël utilise enfin sa réelle puissance militaire pour éradiquer à jamais de la Bande de Gaza ces barbares, foncièrement antisémites de surcroît, du Hamas, dont le peuple palestinien, y compris en Cisjordanie, est par ailleurs lui-même aussi, quoique pour des raisons différentes, la première victime !
LES LEçONS DU PASSé : EPARGNER LA POPULATION CIVILE DE GAZA, CETTE IMMENSE ET INDIGNE PRISON A CIEL OUVERT
Mais, tout ceci étant dit, et bien que je me sois immédiatement rangé à vos côtés en cette nouvelle épreuve qu’endure Israël, je ne puis toutefois m’empêcher, Monsieur le Premier Ministre, de vous recommander humblement mais instamment, comme l’aurait très certainement fait aussi mon cher aïeul lui-même précisément, Sinaï Schiffer, d’épargner autant que faire se peut, en ce terrible et cruel conflit, la vie de la population civile de Gaza.
Gaza : cette immense prison à ciel ouvert qui, comme telle, se révèle être aussi, aujourd’hui, comme une honteuse tache sur Israël, indigne des enseignements que la douloureuse histoire de notre propre passé aurait dû pourtant mieux nous rappeler, certes toutes proportions gardées et sans vouloir donc comparer ici l’incomparable, quant à cet infâme sujet, en matière de crime contre l’humanité, qu’est celui des camps de concentration !
Oui, Monsieur Benyamin Netanyahou, pitié pour les innocents : l’existence d’un Palestinien, en tant qu’être humain, ne vaut pas moins que celle d’un Juif !
EN MÉMOIRE DE L’HOLOCAUSTE : NE PAS DESHONORER ISRAËL PAR DES CRIMES CONTRE L’HUMANITE
Défendez certes Israël, comme vous en avez le droit légitime, contre la barbarie du Hamas et de ses affidés (que ce soient les milices du Hezbollah et ou les ayatollahs d’Iran), mais toujours dans les limites prescrites par les conventionnelles lois de la guerre, a fortiori si vous la réputez « juste », et, surtout, dans l’intangible respect, précisément, du « droit international », tant dans sa composante juridique qu’humanitaire ! Ne déshonorez donc pas Israël, à la désastreuse et réciproque image de cet abject Hamas qui vient de déshonorer ainsi à jamais, quant à lui, cette cause palestinienne qu’il croyait pourtant défendre de la sorte !
Brisez donc cet infernal cycle de la violence, qui n’apporte, en son mortifère cortège, que misère, destructions et atrocités en tous genres : vous ne pouvez décemment punir ainsi deux millions de civils, démunis et désarmés, affamés et assoiffés, manquant de tout, avec des enfants, femmes, vieillards et malades agonisant en une effroyable solitude, privés des soins et biens les plus élémentaires, pour le seul quoique odieux crime, dont ils ne sont en outre pas responsables, encore moins coupables, de ses immondes et méprisables dirigeants !
Laissez donc l’ancestrale « loi du talion », de la vengeance aveugle et de la haine séculaire, aux barbares et autres tortionnaires du Hamas, et prônez donc plutôt celle, quant à vous, de l’humanité, sinon de la civilisation : c’est le monde tout entier, du moins sa partie la plus éclairée, qui vous en saura gré, et l’Histoire reconnaissante, au lieu de vouloir vous traîner, au contraire, devant quelque tribunal pénal international pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » ou, pis encore, « génocide ». Le paradoxal comble, pour nous autre juifs qui avons vécu, dans notre chair comme dans notre âme, l’horreur infinie de Holocauste !
Déroger à ces principes universels comme à ces valeurs morales, du reste, serait commettre, aux yeux du monde, une faute politico-diplomatique majeure, sinon fatale, tant pour votre avenir personnel, que, plus fondamentalement encore, pour la survie, sinon le destin, d’Israël lui-même ! C’est d’ailleurs là ce que, mutatis mutandis, vient de déclarer solennellement, juste après qu’il vous ait rendu visite ces jours derniers, le président des Etats-Unis d’Amérique, Joe Biden, en personne !
POUR UNE SOLUTION POLITIQUE A DEUX ETATS : ISRAELIEN ET PALESTINIEN
Bref, Monsieur le Premier Ministre d’Israël : méditez donc, en effet, les très sages paroles, à ce propos, de mon cher et prestigieux aïeul, Sinaï Schiffer, pour en revenir à lui, lorsque, théorisant donc le droit juif moderne, il n’en demeurait pas moins viscéralement attaché, cependant, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, y compris pour les Palestiniens, en toute liberté !
Et telle est, précisément, l’impérieuse leçon de cette sorte d’impératif catégorique que n’aurait certes pas désavoué la morale kantienne elle-même : c’est une solution politique à deux Etats, où Palestiniens et Israéliens pourraient enfin vivre côte à côte, dans une « paix juste et durable » pour paraphraser le langage diplomatique, qu’il faut avant tout privilégier, par-delà toute tentation belliciste, calcul égoïste, sentiment revanchard ou fibre nationaliste, en cet éternel conflit, qui n’a que trop duré, causé tant de morts et de souffrances, au Proche et Moyen-Orient !
APPEL A LA CONSCIENCE HUMAINE ET LA RAISON : POUR LA PAIX DES BRAVES !
Car c’est bien la paix, pour les Juifs comme pour les Palestiniens, que nous, hommes et femmes de bonne volonté, authentiques démocrates et vrais humanistes, désirons en toute conscience, par-delà même cet appel à la raison, en cette instable et turbulente région du monde que l’on ose encore appeler paradoxalement, après tant de douloureuses années de guerres aussi répétitives qu’insensées, la « Terre Sainte » !
Shalom !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER
Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Requiem pour l’Europe – Zagreb, Belgrade, Sarajevo » (Editions L’Âge d’Homme), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher), « Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies), « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (Editions François Bourin/Les Pérégrines), « Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie » (Editions Alma/Nuvis), « Afghanistan – Chroniques de la Résistance » (Editions Samsa), directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie » (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès) et « Repenser le rôle de l’intellectuel » (Editions de l’Aube).