En 2017, la « Loi pour la confiance dans la vie politique » supprimait en même temps que le cumul des mandats la « réserve parlementaire », ce dispositif qui offrait la possibilité à chaque parlementaire de répartir entre différents acteurs de sa circonscription une enveloppe d’argent public. C’est un lien essentiel entre l’élu et son territoire qui disparaissait. Alors que nous sommes confrontés à une génération d’élus « hors-sol », il est temps de rectifier cette erreur. C’est ce que propose de réaliser une proposition de loi adoptée le 13 décembre 2023 au Sénat.
La « réserve parlementaire » permettait à l’élu d’avoir une action concrète en soutien aux initiatives dans sa circonscription, qu’elles émanent des collectivités locales ou d’associations œuvrant au service de l’intérêt général, et pouvait dépasser la centaine de milliers d’euros par an.
Parfois accusée de favoriser le clientélisme, ce qui a pu se produire effectivement, cette enveloppe généreuse était la plupart du temps utilisée pour soutenir des initiatives qui, sans elle, n’auraient pas pu se concrétiser, qu’il s’agisse d’une action caritative locale, de la rénovation d’un élément du patrimoine, de l’investissement d’une mairie ou de mille autres projets ayant un impact sur le développement et le bien-être dans les territoires. Cette possibilité d’intervention était très large, et une réforme de 2013 avait apporté un progrès vers la transparence dans l’attribution de ces fonds.
Las, en 2017, le bébé de la réserve parlementaire a été emporté par l’eau du bain censé restaurer la « confiance dans la vie politique ». Et après avoir dérivé, il s’est échoué dans les bras des préfets, qui dans chaque département se sont vu confier la mission de répartir cet argent à la place des parlementaires. Bel exemple de décentralisation ! Bel exemple de confiance accordée aux élus du suffrage universel !
Les principaux concernés, c’est-à-dire les porteurs de projets à l’échelle locale, y ont gagné quelques pages de formulaires administratifs à remplir, et l’oreille, parfois fort occupée par ailleurs, d’un fonctionnaire qui, aussi éminent soit-il, n’est que de passage dans son département, et ne saurait en posséder la connaissance fine qui est celle des élus des territoires.
À la suite d’une initiative lancée par les députés André Villiers (Horizons), premier fondateur de la PPL en février 2023 , Dino Cinieri, aujourd’hui remplacé par Sylvie Bonnet ,députée, puis Philippe Gosselin (LR) et Frédéric Descrozaille (Renaissance), le Sénat répare cette injustice avec l’adoption de la proposition de loi déposée par Hervé Maurey (UC) et Dominique Vérien (UC). L’Association des Maires de France, des intellectuels comme Luc Ferry, un collectif créé pour porter le projet sont mobilisés depuis la première fois.
Saluons , le travail de Ghyslaine Pierrat, coordinatrice du collectif des 173 députés co signataires de la PPL et directrice parlementaire d’Andre Villiers, dont le travail pédagogique et très tonique a été remarqué.
Le texte rétablit la réserve à coût constant pour les finances publiques, en modifiant simplement la règle de répartition de la somme qui est aujourd’hui attribuée par les préfets, et en introduisant des critères d’attribution permettant de s’assurer de l’équité et de la transparence du dispositif.
La balle est désormais dans le camp de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, qui peut faciliter la mise à l’ordre du jour du texte voté par le Sénat au Palais Bourbon. C’est la même députée qui était en 2017 la rapporteuse du projet de « Loi pour la confiance dans la vie politique ». A moins que des groupes politiques ne demandent l’examen du texte dans le cadre d’une « niche » parlementaire.
Là où la macronie avait pêché par excès de jacobinisme jupitérien, la vitalité des collectivités rurales et associations se verraient redynamisée par le rétablissement de cet outil d’intervention des élus du peuple.
Fin octobre, près de 300 parlementaires avaient publié dans les colonnes du quotidien Ouest-France une lettre ouverte intitulée « Réserve parlementaire : place au débat” initiée par Jean-Marc Boyer, Dino Cinieri, Frédéric Descrozaille, Nicolas Forissier, Philippe Gosselin, Alain Houpert, Hervé Maurey, Laurence Muller-Bronn, Karl Olive, Marie-Agnès Poussier-Winsback, Aurélien Pradié, Isabelle Valentin, Dominique Vérien, Laurence Vichnievsky, André Villiers.
Comme l’avait dit l’un d’entre eux, Karl Olive, ancien maire de Poissy, président de Génération Terrain, et député depuis 2022, à la une du JDD en août 2023 : “il est temps que les députés puissent aller sentir le cul des vaches”. La réserve parlementaire y contribuera.
Ne privons pas la représentation nationale d’un débat sur un enjeu de démocratie locale.
Vive la réserve parlementaire !