La nomination de Gabriel Attal à Matignon est un coup de son maître commis par Emmanuel Macron : enfin un poids lourd politique devient premier ministre ! Ce n’était plus le cas depuis François Fillon. Même Edouard Philippe n’était qu’une étoile montante de la droite lorsque les portes de Matignon se sont ouvertes à lui. Enfin Emmanuel Macron n’a plus peur de son ombre ou qu’un rival ne lui en fasse que trop.
Toutes les interrogations se portent sur le casting. Certes, il serait utile qu’un nouveau XV de France émerge : quinze ministres à la fois très politiques et proches du terrain.
Mais la recomposition du gouvernement devrait surtout être l’occasion d’une réorganisation profonde de l’appareil de l’Etat et une opportunité de mieux hiérarchiser les priorités du quinquennat.
Ainsi, un gouvernement réparti en trois pôles stratégiques permettrait d’y voir plus clair : le régalien avant tout (incluant l’éducation), les territoires ensuite, les libertés enfin (économie, travail, culture…).
Les enjeux d’autorité et de sécurité sont devenus si pesants et menaçants pour la cohésion de la nation (les chiffres de la délinquance 2023 sont catastrophiques malgré l’augmentation des moyens affectés à la police et à la gendarmerie) qu’un seul ministre de l’Intérieur ne peut suffire à appréhender toute la problématique. Et puisque les députés RN ont voté la loi sur l’immigration, peut-être qu’un élu RN, ancien LR, pourrait faire le pari de la République en rejoignant ce pôle d’autorité que la France a besoin urgemment de renforcer.
Par exemple, un super ministère de la laïcité, chargé de veiller à son respect et de déployer un grand programme d’explication auprès des jeunes serait utile.
Mais l’audace devrait surtout inspirer l’annonce d’une grande priorité à donner enfin à la décentralisation et aux territoires. La France a besoin d’une profonde révolution de la gouvernance étatique et l’inversion d’une pyramide jupitérienne en un nouveau socle des territoires dotés de pouvoirs et de moyens librement administrés. Ruralités, décentralisation massive, l’annonce d’un référendum refondant la République des territoires serait la grande affaire du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Quant aux femmes et aux hommes qui pourraient entrer au gouvernement, autour des piliers que sont devenus Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, sans être Madame (ou Monsieur) Soleil, quelques noms permettraient tout de même de valoriser des personnalités courageuses et audacieuses… Le couple Ménard, Robert, maire de Béziers, et Emmanuelle, députée, pourrait porter ce grand chantier de la décentralisation. D’autres élus locaux forment un vivier de futurs dirigeants d’une France rénovée : les territoires comptent de nombreuses Marie-Hélène Thoraval.
Olivier Damaisin, ancien député LREM, marcheur de la première heure, actuel coordinateur national interministériel du plan sur le mal être agricole, pourrait porter un grand ministère des ruralités, terroirs et traditions, parents pauvres de l’ère Macron malgré les 13 heures de présence du chef de l’Etat sur le dernier salon de l’agriculture.
Jean-Philippe Dugoin-Clément, maire de Mennecy dans l’Essonne et vice-président de la Région Ile-de-France, est certainement aujourd’hui le politique le plus compétent pour relancer une grande politique de l’immobilier et du logement en France. Son dernier livre (L’habitat fait le citoyen) est à mettre entre toutes les bonnes mains.
Enfin, Frédéric Valletoux s’imposerait volontiers à la Santé par son expérience d’ancien maire de Fontainebleau et d’ancien dirigeant de l’Association des Maires de France et d’ancien président de la Fédération hospitalière de France.
Terminons sur quelques audaces qui permettraient de mettre du people (il y en a toujours une petite dose avec Macron) et du sérieux (en même temps) dans la vie politique : Stéphane Bern à la culture et au patrimoine ? Olivier Véran, très proche de Gabriel Attal, à l’Education Nationale ? A moins que Brigitte Macron, fait inédit, ne s’en charge elle-même ?
Un François Baroin ou un Jean-François Copé pourrait revenir sous les feux de la rampe politique tout en ménageant une ouverture à droite ? Un Manuel Valls est toujours disponible. Et Julien Denormandie, déçu de ne pas entrer à Matignon, pourrait mettre sa droiture et ses compétences au service d’un grand ministère. Jean-Marc Governatori, en lice pour les Européennes, pourrait développer une écologie de droite et du centre.
Enfin, pour assurer la parité et permettre à des femmes de rejoindre les poids lourds de la vie politique française, espérons que des Aurore Bergé, Olivia Grégoire, des Sabrina Agresti-Roubache ou Prisca Thevenot, monteront dans l’ordre protocolaire du gouvernement et seront rejointes par des personnalités qui s’imposent : Naïma Moutchou, Astrid Panosyan-Bouvet, Caroline Yadan, Maud Bregeon, Marie Lebec.
Mais revenons à l’essentiel… Autorité, décentralisation, libertés… La France a urgemment besoin d’un sacré Quinze de France pour ne pas définitivement perdre un quinquennat.
Michel Taube