La nomination d’Amélie Oudéa-Castéra aura peut-être une conséquence inattendue, faire toute la lumière sur le cas du collège et du lycée Stanislas et briser l’omerta qui l’entoure.
Quand on fouille plus en profondeur le dossier de ce lycée confessionnel très privé, on comprend mieux que la défense de la nouvelle ministre de l’Éducation repose sur des accusations envers les enseignants de l’École Publique et Laïque plutôt que sur l’affirmation de choix personnels.
Voilà un établissement d’enseignement privé qui a de quoi défrayer la chronique à tel point qu’un rapport administratif a été demandé par le précédent ministre Gabriel Attal, un rapport tenu « secret » que beaucoup de journalistes ont pourtant obtenu, un rapport qu’il est impératif que la nouvelle ministre rende public le plus tôt possible. Inutile d’évoquer les dossiers judiciaires à caractère sexuel que la Justice a traité et traitera, mais on ne peut non plus faire comme s’ils n’existaient pas. Quid de l’écoute de la parole des victimes si vantée par ailleurs ?
Que nous racontent les journalistes qui ont pu étudier ce rapport administratif ?
Stanislas y est décrit comme un univers sexiste, homophobe et autoritaire. Contrairement à ce qu’impose la Loi de la République, l’enseignement religieux est obligatoire et non facultatif ! On y stigmatise les non-baptisés, on y critique les autres religions et on fait preuve d’un certain prosélytisme. Les propos anti-avortement comme homophobe font florès. Les « thérapies de conversion » pour les personnes à tendance homosexuelles sont vantées. L’avortement est considéré comme tuer volontairement une personne humaine innocente, autrement dit un meurtre !
Si cela s’avère exact, cela « passe-t-il crème » aux oreilles des enfants d’une ministre de la République qui souhaite faire entrer dans notre Constitution le droit à l’avortement ?
Il est recommandé également aux victimes de pardonner aux violeurs… l’homosexualité serait un péché ; les filles seraient incitées à se tourner vers les métiers du soin, à privilégier leur rôle de mère. Les cours d’éducation sexuelle, obligatoires dans les programmes, comportent des manques importants, sur les maladies sexuellement transmissibles par exemple, et cetera et cetera…
On comprend que la Ministre pointe l’absentéisme des enseignants de l’École Laïque et Républicaine pour justifier son choix plutôt que l’adhésion aux valeurs transmises par Stanislas ! Elle ne pouvait assumer de dire que cela correspondait à ses valeurs personnelles. Qui le pourrait d’ailleurs ?
Il faut donc absolument que ce rapport soit rendu public.
Que dirait-on si cet établissement était musulman ? Garderait-il ses subventions de la Région ? voire son contrat avec l’Etat ? Valérie Pécresse peut-elle garder le silence, alors que sa Région accorderait une subvention pour près d’un million d’euros à Stan ? Pourquoi seule une élue communiste pointe-t-elle ce grave problème ? Pourquoi ce mutisme de la Région ? Deux poids deux mesures ?
Si ce rapport est avéré, une ministre de la République peut-elle lutter efficacement contre les ennemis de la Laïcité, tous les ennemis de la Laïcité, comme le souhaite le Chef de l’État et laisser ses enfants face à un tel enseignement ? Peut-elle inscrire le droit à l’avortement dans notre constitution, faire avancer les débats sur la fin de vie, développer la prévention contre les maladies sexuellement transmises et le Sida, lutter contre l’homophobie, favoriser l’émancipation de nos jeunes et des jeunes filles en particulier, tout en laissant ses propres enfants vivre le contraire dans leur scolarité ?
Trouve-t-elle dans l’enseignement à Stanislas « l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux » qu’elle souhaitait, en particulier en SVT ? Elle soulignait sur ses enfants « qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance ». Vraiment ? Le climat qui règne à Stanislas permet-il plus qu’à Saint-Louis, Henri 4 ou Louis le Grand, les grands lycées du quartier, de s’émanciper, d’être en sécurité, en confiance, de se faire des amis, d’être heureux, de comprendre la vraie vie ?
Les enfants de la Ministre ne sont pas dans le 93 ou à Trappes, l’offre de l’enseignement public et laïque est large, et même dans l’enseignement privé, il y a d’autres choix possible, l’école alsacienne tant appréciée par ses prédécesseurs n’est pas très loin tout comme les bien plus prestigieux Lycées Henri 4 et Louis le Grand, exemples même de la méritocratie et de l’exigence républicaine !
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale