« Rachida Dati, ce n’est pas LR, c’est une marque médiatique que l’on a achetée », ce sont les mots que Gabriel Attal aurait adressés à Éric Ciotti peu après l’annonce de la composition de son gouvernement. Le patron des Républicains avait pourtant un accord avec le nouveau premier ministre : pas de débauchage individuel chez les Républicains.
Les métaphores footballistiques comme « mercato » sont devenues monnaie courante depuis que la France a découvert la Macronie, composée de trublions de gauche comme de droite : elle n’a cessé à chaque nouveau gouvernement d’élargir ses effectifs en piochant dans les partis traditionnels. Certains parlent de grand recyclage. D’autres de trahison comme une certaine Rachida Dati.
L’entrée de Rachida Dati au gouvernement Attal I est une bombe à fragmentation : alors même qu’Emmanuel Macron s’était prévalu de vouloir élargir tout au long de l’année 2023 sa majorité relative à des députés LR, voilà que cette prise de guerre datienne vient probablement d’enterrer définitivement, ou pour au moins quelques mois, toute alliance stratégique entre la macronie et LR.
Car sans coupe férir, l’ancienne Garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy est la surprise de ce gouvernement Attal I : pour celle qui vient d’être nommée ministre de la Culture, on ne parle pas de transfert mais bien d’une acquisition, d’un achat de marque, la marque Dati. Sa nomination a bousculé le monde politico-médiatique, elle est devenue dans les heures qui ont suivi, le sujet numéro 1.
Comme pour mieux enfoncer le couteau dans la plaie de LR et mieux adouber sa nouvelle protégée, Emmanuel Macron s’est déjà offert une déambulation populaire avec Rachida Dati à Clichy-sous-Bois aux Ateliers Médicis. Tous les nouveaux ministres ne peuvent en dire autant…
Mais pourquoi ce traitement de faveur ?
Figure incontournable de la droite par son parcours qui trouve racine dans la méritocratie républicaine, la vice-ainée d’une fratrie de onze enfants est un des symboles de l’émancipation par le travail. Sarkozyste de la première heure, elle doit beaucoup à l’ancien Président, elle a d’abord été sa conseillère au ministère de l’intérieur avant qu’il ne la nomme Ministre de la justice en 2007, la première issue de la diversité à occuper une fonction politique de premier plan. C’est aussi Nicolas Sarkozy qui l’a envoyée à la conquête de la mairie du très chic septième arrondissement de Paris.
Mais Rachida Dati, c’est aussi un style, des punchlines, un franc-parler… Les soirs d’élections, elle fait partie du décor des plateaux TV, une émission dans l’émission « le Dati Show », le même qu’au Conseil de Paris face à son éternelle rivale Anne Hidalgo à qui elle a déjà conseillé « d’arrêter le crack » mais aussi de stopper le « braquage à l’arme fiscal ».
Certes, c’était inévitable, l’étape obligatoire après un débauchage en Macronie a été la confrontation au jeu des archives : en juin 2021, l’édile du septième arrondissement, invitée du 7h50 de France Inter déclarait « En Marche, ce sont des traîtres de gauche et des traîtres de droite ». Elle assume, mais assure n’avoir jamais attaqué directement Emmanuel Macron qu’elle avait tout de même accusé au soir du premier tour en 2022 sur le plateau de France 2 de mensonges et d’avoir fait monter les extrêmes.
Quinze années après son départ du gouvernement, elle fait son retour à la tête d’un ministère qu’elle ne connaît que très peu mais avec une farouche ambition affichée, celle de rendre la culture accessible à tous. Cette nomination est un choc pour le très woke monde de la culture : elle leur apparaît comme une menace conservatrice. La culture est en France principalement concentrée à Paris avec une offre de musées, théâtres, cinémas…
Elle pourrait également se servir de cette nouvelle fonction pour avancer dans la réalisation de son rêve de toujours : devenir Maire de la capitale.
Emmanuel Macron l’a pourtant assuré lors de sa conférence de presse du 16 janvier : aucun accord n’aurait été passé avec Rachida Dati pour les prochaines élections municipales parisiennes. Désavouée par les Républicains, dont elle était la présidente du conseil national, elle a été exclue du parti. Ses collègues maires de droite et voisins des autres arrondissements ont dans un premier temps affiché la volonté commune qu’elle reste présidente du groupe changer paris (groupe LR au Conseil de Paris) avant qu’elle annonce elle-même sa démission.
Elle devrait néanmoins rester maire du septième arrondissement et assure qu’elle sera candidate en 2026 pour ravir la mairie centrale. Elle pourrait être la candidate d’une large coalition allant de Renaissance aux Républicains. Tous les macroniens de Paris, Clément Beaune et quelques apprentis frondeurs, s’en laisseront-ils compter ?
Éric Ciotti n’exclut pas la présence d’un candidat LR mais ne ferme pas non plus la porte aux autres hypothèses. Ainsi une nouvelle prise de parts au capital de la marque Dati est une option pour les Républicains.
Michel Taube et Radouan Kourak