La chronique de Daniel Salvatore Schiffer
12H55 - lundi 29 janvier 2024

L’infamant outrage des écolos à « La Joconde ». La chronique de Daniel Salvatore Schiffer

 

Quand s’attaquer à l’art, et à ses plus grands chefs-d’œuvre notoirement, a-t-il jamais représenté un argument digne de ce nom, rationnel, respectable et objectif, pour défendre des idées, aussi nobles, par ailleurs, soient celles-ci ? Car, si j’ai bonne mémoire, seuls les régimes dictatoriaux, qu’ils soient d’extrême-gauche ou d’extrême-droite et qu’on les nomme, par-delà tout clivage politico-idéologique, « fascisme », nazisme » ou « stalinisme », se sont honteusement adonnés à ce genre de pratique, particulièrement méprisable sur le plan intellectuel et abject au niveau moral.

 

De la barbarie : violence et ignorance

C’est pourtant à ce type de comportement, dont on ne sait si c’est l’aspect barbare, le geste violent ou l’ignorance crasse, qu’il faut blâmer le plus ici, que deux militantes prétendument écologistes, issues de la mouvance « riposte alimentaire », se sont livrées sans vergogne, ce dimanche matin (28 janvier 2024) au prestigieux musée du Louvre, en aspergeant de soupe, en guise de revendication pour une meilleure alimentation pour tous, un tableau aussi magnifique, par-delà même sa célébrité planétaire, que « La Joconde » de cet immense artiste, inégalé à plus d’un titre, que fut Léonard de Vinci.

Oui, Léonard de Vinci, ce « génie universel », comme le qualifia jadis le grand Goethe en personne, et, de surcroît, tant par la perfection de son prodigieux talent que par l’ampleur de ses multiples connaissances, prince des humanistes !

 

Léonard de Vinci : précurseur, avant la lettre, de l’écologie

Davantage : savent-ils, ces ignares s’attaquant ainsi vulgairement, de manière aussi scandaleuse qu’indigne, aux symboles les plus sublimes et précieux de notre héritage culturel, sinon civilisationnel, que Léonard de Vinci fut lui-même, en son temps, un ardent défenseur, précurseur avant la lettre, de l’écologie précisément, comme le prouvent à suffisance, entre autres traits de génie, ses nombreuses inventions en la matière, depuis d’ingénieux systèmes d’irrigation des terres agricoles jusqu’à de non moins extraordinaires protections naturelles des sites paysagistes, en passant par un énorme respect de la vie, qu’elle soit animale ou végétale, sous toutes ses formes ?

Ainsi, par exemple, ce végétarien convaincu, et même déjà « vegan », ne mangeait-il jamais de viande, au motif qu’il ne souhait pas, disait-il alors ouvertement, tuer ou faire souffrir d’ « innocentes créatures », ni se nourrir ou se gaver, précisait-il encore à qui voulait bien l’entendre, de ses « congénères » !

 

Un très contradictoire paradoxe

Mieux : cet aimable, généreux et bienveillant Léonard se plaisait même, lorsqu’il se promenait au milieu des marchés de sa belle ville natale de Florence, d’y acheter, parfois pour des sommes considérables, les cages d’oiseaux, pour le seul bonheur de les ouvrir ensuite et de libérer ainsi, au vu et au su de ses voisins ébahis, ces mêmes volatiles !

Ainsi, vouloir s’attaquer à l’œuvre artistique d’un être aussi respectueux de la nature justement, des animaux aussi bien que des humains également, n’est-il pas, de la part de ces nouveaux fanatiques de l’écologie culpabilisatrice, le moindre, on en conviendra aisément, des paradoxes, aux inénarrables mais tragiques confins de la contradiction la plus patente !

 

Les vandales du Louvre

Et, de fait, les milliers de pages de ses nombreux codex, que j’ai eu le gratifiant honneur d’étudier intégralement et dans leur langue originale, mais que ces écolos de basse gamme n’ont manifestement jamais lus, regorgent de ce genre  d’anecdotes, aussi savoureuses que significatives, voire simplement bienvenues, pour tout écologiste digne de ce nom, mais que ne sont pourtant pas, visiblement, ces récentes vandales du Louvre.

Pis : lorsque je les entends hurler, comme ils l’ont effectivement fait ce dimanche matin devant « La Joconde » aspergée de cette imbuvable soupe, qu’il est légitime de s’en prendre à l’art pour mettre en avant une revendication socio-politique, il me revient immanquablement en tête, certes toutes proportions gardées et sans vouloir bien sûr comparer ici l’incomparable, ce que clamaient haut et fort certains dignitaires et autres propagandistes nazis, dont des criminels tels que Joseph Goebbels ou Hermann Goering, lorsqu’ils disaient, face notamment à des artistes qu’ils taxaient alors abusivement de « dégénérés », « sortir leur revolver quand ils entendaient le mot culture »

 

Quand dégrader l’art ou mépriser la culture revient à s’avilir soi-même et souiller les idées que l’on prétend défendre

Oui : en s’attelant à dégrader ainsi, de manière aussi inconsidérée, les plus grands chefs-d’œuvre artistiques, comme ils l’ont par ailleurs déjà fait en tentant d’abîmer d’autres tableaux de maîtres au sein d’autres importants musées à travers le monde, ce n’est pas seulement sur notre culture, ni même notre civilisation, qu’ils crachent aussi misérablement ; c’est d’abord eux-mêmes, et les idées ou le parti qu’ils croient propager de la sorte, qu’ils salissent et avilissent ainsi irrémédiablement.

Encore un de ces infâmes et dangereux effets pervers du wokisme ! Pis : la tyrannique « cancel culture », une obscurantiste, criminelle et funeste ambition de Talibans !

 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

Philosophe, professeur d’esthétique et de philosophie de l’art (sur la Renaissance italienne, notamment) au prestigieux Institut Royal Supérieur d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de Bruxelles (IRSHAAB), auteur d’une quarantaine de livres, dont, publiés aux Editions Erick Bonnier (Paris), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné », « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art » (enrichi d’un important cahier-photos en couleurs), « La constellation Dante – Le chant du Sublime » (agrémenté d’un choix de gravures de Gustave Doré) et « Du Beau au Sublime dans l’Art – Esquisse d’une Métaesthétique (Editions L’Âge d’Homme).

 

 

 

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