Edito
10H58 - mercredi 31 janvier 2024

Le politique doit reprendre la main. A Paris comme à Bruxelles. Sinon cette colère paysanne se transformera en révolution. L’édito de Michel Taube

 

Acte 1 : Paris

Le monde paysan est la principale victime, mais pas la seule, de ce nouveau monde qui s’impose entre excès du libéralisme économique et consumériste, technostructure administrative qui étouffe la décision politique et nouveaux modes de vie urbains et numériques qui nous coupent du monde réel et de la nature. La mondialisation a de grands atouts mais elle avance telle une faucheuse qui broie sans vergogne celles et ceux qui n’en sont pas les heureux profiteurs.

Cette colère paysanne est un appel au secours mais aussi un signal d’alarme adressé à nos politiques et aux acteurs qui dominent l’économie en France et partout en Europe.

Les 140 revendications des paysans posés sur la table du nouveau premier ministre Gabriel Attal par Alain Rousseau et Arnaud Gaillot pour la FNSEA et les Jeunes agriculteurs doivent trouver des réponses fermes et audacieuses. Les premières réponses du gouvernement vont dans le bon sens mais pas assez loin !

Année blanche sur les charges sociales et fiscales pour les exploitants agricoles les plus précaires, report des encours bancaires, suppression de la redevance pollution diffuse, gel de tous les contrôles normatifs pendant six à douze mois, des mesures fortes doivent être prises.

Ensuite, si la loi EGALIM a constitué un progrès face à l’anarchie et aux bras-de-fer trop inégaux qui régnaient dans le secteur agro-alimentaire, force est de reconnaître qu’elle est trop complexe (comme souvent avec les lois votées sous l’ère Macron) et repose sur une présomption de sincérité et de confiance réciproque entre les acteurs. Grande naïveté lorsque l’on connaît les professionnels de la grande distribution et surtout les industriels de l’agro-alimentaire.

Non, en dérogation des règles de la libre concurrence et au nom de l’exception agricole, l’État devrait mettre en chantier une réforme profonde des mécanismes de détermination des prix des matières premières pour permettre aux paysans de fixer eux-mêmes leurs prix de vente aux industriels et aux distributeurs. C’est la principale revendication des agriculteurs en colère : le juste prix !

Dans l’attente du vote d’une telle loi, audacieuse, libératrice et digne, il faut d’urgence redonner un grand ballon d’oxygène aux paysans. Il se trouve qu’en 2023, la TVA, par l’effet mécanique de l’hyper-inflation, a rapporté à l’État 176,3 milliards d’euros, alors que 165,9 étaient initialement prévus. Soit un surplus de 10,4 milliards d’euros. L’État donc, mais aussi les industriels de l’agro-alimentaire ont profité très grassement de cette hyper-inflation. Et les paysans, pourtant producteurs de la matière première, ont été comme oubliés, écartés de cette manne inflationniste. Leurs revenus n’ont pas suivi, bien au contraire. C’est une des raisons profondes de cette colère paysanne.

Pourquoi l’État français ne prélèverait-il pas une part de cette manne de TVA pour la redistribuer aux 100 ou 200 000 exploitations agricoles les plus fragiles sous forme de prime exceptionnelle. Quitte à ce que l’État se retourne contre les industriels et la grande distribution pour concurrence déloyale vis-à-vis des paysans.

Dans un entretien accordé à Opinion Internationale, Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du plan prévention mal-être en agriculture, explique que cette crise a des ressorts moraux, existentiels mais qu’elle peut trouver des solutions.

Et comme nous le disons souvent, il n’y a que des solutions ! Encore faut-il vouloir les mettre en œuvre. Et pour cela le politique doit reprendre la main.

Depuis sa nomination, Gabriel Attal a donné un nouveau souffle à la majorité présidentielle. Mais c’est sur sa capacité à prendre de grandes décisions pour les paysans que se jouera la première phase de son mandat à Matignon, celle qui le conduira jusqu’au verdict des élections européennes…

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication