Le suspense est insoutenable… pour quelques secrétaires d’Etat éconduits mais cantonnés à la gestion des affaires courantes, et pour les près de 300 collaborateurs des précédents ministres qui sont restés sur le carreau. Sans savoir quel serait leur avenir.
Malgré la crise, les crises, le politique est aux abonnés absents depuis près d’un mois dans des secteurs aussi stratégiques que le logement, les transports, le numérique, le soutien aux petits commerçants et artisans, le handicap, la consommation. Pour le plus grand plaisir des administrations centrales, seules à la barre pour piloter des pans entiers des politiques publiques.
Cette absence de gouvernail politique pendant 4 semaines prouve une chose et confirme un sentiment que nous avions exprimé à de nombreuses reprises pendant la crise Covid : les Français, notamment les acteurs économiques, s’organisent de plus en plus indépendamment du politique. Dans un pays ultra-jacobin, dopé aux subventions et aux aides publiques multiples, cette absence de ministres techniques a peut-être finalement du bon.
Ceci dit, face au séisme annoncé dans l’immobilier, à la crise agricole, à la santé qui oscille entre déserts médicaux et hôpital en grande souffrance, aux sommets inflationnistes dans l’énergie et la consommation, il est urgent que des ministres délégués et secrétaires d’Etat soient nommés pour tenter de peser un tant soit peu sur le cours des choses. Nous sommes en France tout de même…
Peu importe au fond le nombre de membres du gouvernement. Seule compte l’efficacité. Or, c’est une évidence, de super portefeuilles ministériels, comme ceux de Mesdames Oudéa-Castera et Catherine Vautrin, rendent impossible leur disponibilité à tous les enjeux et les acteurs qu’ils ont à gérer. Une fois de plus, la main libre est laissée aux administrations centrales.
Quant au casting, il suffirait donc d’avoir l’oreille du président pour être nommé ministre : c’est ce qu’espère François Bayrou, pilier de la macronie et faiseur du roi. Le nouveau monde d’Emmanuel Macron, c’est aussi comme pour l’écologie, celui de la politique circulaire. Attendons-nous à quelques recyclages spectaculaires, à commencer, donc, par le plus probable, celui du maire de Pau, pas franchement débordé par son activité de Commissaire au Plan et libéré (provisoirement en cas d’appel du parquet ?) des inquiétudes judiciaires qui ont rattrapé le Modem.
Casting de rêve
Quels autres éléphants du PS ou dignitaires de la droite saurait-il attirer ? Du PS, inutile vu leur état de marginalisation entre la macronie, les Insoumis et les (faux) Verts.
Dans sa stratégie de dépassement ou d’explosion des centres, le chef de l’Etat pourrait se donner une cible de choix : le Sénat !
La cèdera-t-elles aux sirènes macroniennes, dont le principal tort jusqu’à présent pourrait être finalement d’avoir ignoré son talent ?
Les noms de Dominique Estrosi-Sassone, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Françoise Gatel (sénatrice UC, membre de l’UDI, aux collectivités locales), François-Noel Buffet, président de la commission des lois du Sénat, Christine Lavarde (sénatrice LR) circulent avec insistance.
Des femmes des gouvernements Borne commençaient à émerger et il faut espérer qu’elles continueront à œuvrer : Sabrina Agresti-Roubache, Olivia Grégoire, Sarah El Haïry.
Espérons aussi que des politiques reconnus pour leurs compétences pointues dans des domaines stratégiques entreront au gouvernement : Philippe Latombe au numérique, Jean-Philippe Dugoin-Clément au logement, même si le maire de Dunkerque Patrice Vergriete s’était bien emparé du dossier…
Enfin, les noms de Rachel Khan, essayiste très engagée pour la laïcité, Bruno Milienne (député MODEM), Naïma Moutchou (vice-présidente de l’Assemblée nationale, membre d’Horizons) circulent abondamment.
On peut enfin imaginer qu’Emmanuel Macron souhaitera envoyer le signal que l’heure est toujours à la construction d’un nouveau monde et après les disruptifs Gabriel Attal et Rachida Dati, il saurait sortir du chapeau quelques noms (encore plus) inattendus : convaincra-t-il un Tony Parker ou un Zinédine Zidane d’entrer en politique au Ministère des Sports ? Ce dernier aiderait le président Macron à coacher Kylian Mbappé avant qu’il se décide à partir vers le Real de Madrid. Le monde entier serait impressionné ! Et pourquoi pas Clara Morgane à la relance de la natalité ? Taylor Swift au soft power ?
On le voit, contrairement à la rumeur médisante qui prétend que « la macronie n’a pas de banc de touche », les possibilités sont nombreuses.
Reste l’ultime coup de génie. Aller chercher l’inspiration chez nos amis d’outre-Quiévrain et ne nommer personne. Après tout, entre 2019 et 2020, la Belgique est restée 21 mois sans gouvernement. Il se dit que ce fut la période la plus heureuse de son histoire.
Michel Taube et Radouan Kourak