Une génération perdue de la République se forme, s’aguerrit et grandit sur TikTok.
Le cas de Jawad Bendaoud, logeur de terroristes devenu une star des réseaux sociaux, est emblématique.
Le 13 novembre 2015, alors que la France est en train de subir l’un des plus violents attentats islamistes de son histoire, un homme accusé d’avoir hébergé les terroristes du Bataclan apparaît sur les chaînes de télévisions.
« On m’a dit d’héberger deux personnes pendant 3 jours et j’ai rendu service ». Jawad Bendaoud vient d’être arrêté et la séquence fait le tour du monde et devient virale. Ce délinquant notoire déjà condamné pour trafic de stupéfiants et violence ayant entraîné la mort était pourtant inconnu du renseignement antiterroriste.
Immédiatement mis en examen pour « recel de malfaiteurs terroristes », la ligne de défense du « logeur » ne bougera pas : il avait des doutes sur ceux qu’il logeait, imaginant qu’il s’agissait de voyous, mais pas de terroristes. À l’issue d’un long épisode judiciaire fait d’appels du parquet comme de l’accusé, de relaxe, de recours… Bendaoud a été condamné à 4 ans de prison et au versement de dommages et intérêts aux victimes et à leurs proches.
En mai 2022, l’homme désormais en liberté réfléchit à reprendre une vie professionnelle et à l’idée de se lancer sur les réseaux sociaux, de devenir influenceur. Il crée un compte Tiktok sur lequel il publie du contenu « humoristique », pour booster ses audiences. Ill rémunère d’autres créateurs de contenu notamment sur Snapchat qui, contre quelques centaines d’euros, acceptent de relayer ses vidéos en taguant le compte de celui qui se fait désormais nommer « le logeur ».
La machine lancée avec des abonnés et des spectateurs récurrents, il publie régulièrement des vidéos où il conte ses histoires, ses passages en prison, ses histoires d’amour. Il fait également des blagues… Le tout parsemé d’un ADN anti-police et de polices beaufs et vulgaires.
En complément de la rémunération générée par les vues de ses vidéos, Jawad se produit en live sur Tiktok avec des invités d’autres créateurs de contenus de la plateforme. Plusieurs fois par semaine, ils font un show composé de boutades et d’anecdotes et réalisent des mini-défis proposés par les viewers qui contre leurs réalisations font des dons allant généralement de 0,01€ à 10€.
En France, héberger des terroristes et en tirer une notoriété peut donc vous rapporter gros en vous lançant sur les réseaux sociaux. L’apologie du terrorisme est fort heureusement interdite sur les plateformes mais le contenu des complices des terroristes est autorisé.
Sur Tik Tok, le fait d’avoir logé des terroristes est donc un fait de gloire et peut booster votre audience et vos revenus.
C’est le drame des réseaux sociaux : les internautes, les jeunes, les salauds complices passifs et souvent anonymes des terroristes, des machos, des haineux, des complotistes forment cette zone grise qui mine la République à petit feu.
Michel Taube et Radouan Kourak