Opinion Sport
11H26 - jeudi 7 mars 2024

Luis Enrique, une intelligence au 3ème degré.

 
La victoire du Paris Saint Germain en 1/8ème de finale de la ligue des champions s’inscrit dans une série de grands coups stratégiques que seuls les entraîneurs supérieurement intelligents savent construire.

Luis Enrique, appartient à cette caste, le club parisien lui a d’ailleurs confié sa destinée Européenne, à une période clef de son histoire.

Décortiquons la machine de guerre élaborée par l’entraîneur Espagnol afin de chasser les vieux démons de son club, au moment d’aborder le match retour à San Sebastien, contre la Real Sociedad. Paris s’impose 2 à 0 au match aller. Une situation que les fameuses statistiques, nouvelles bases de travail des journalistes modernes, jugent positives pour la qualification en ¼ de finales… Sauf quand l’équipe concernée trimbale un virus tenace, « la remontada ». L’entraîneur du PSG sait pertinemment que si son adversaire, prend l’ascendant d’entrée au match retour, tout l’édifice parisien risquerait de s’écrouler, dans un stade propice aux plus déconcertants scénarios.

La théorie que je choisis de vous livrer, s’appuie sur ces heures de discussions dans les avions, au retour de grandes compétition ou autour d’une table amicale pour prolonger les digressions sur l’intelligence stratégique. Des réflexions livrées par mes deux maîtres, Olivier Krumbholz, géniteur de l’hégémonie mondiale de l’équipe de France sur le handball féminin et Cyrille Guimard, visionnaire et inventeur d’un cyclisme moderne, qui offrit à la France ses deux derniers vainqueurs de la Grande boucle, Bernard Hinault et Laurent Fignon.

Quand Krumbohlz se sépare froidement de ses cadres vedettes pour responsabiliser une nouvelle génération prête à prendre le pouvoir juste avant une compétition, il instaure un contexte affectif exacerbé qui déclenche l’émotion nécessaire à la victoire de son équipe. Il manipule ses joueuses, ses adversaires, déroutés par la situation, les médias concentrés sur la « tragédie » humaine des anciennes gloires qui du coup, occulte les éléments de pression autour des nouvelles titulaires.

Guimard, lui s’amuse avec le peloton pour remporter son premier Tour de France comme directeur sportif, en 1976,  avec le dernier belge de l’histoire à avoir inscrit son nom au palmarès, Lucien Van Impe. Porteur du maillot jaune dans un premier temps, Guimard oblige Van Impe à se faire distancer pour que le précieux maillot jaune revienne à l’équipe adverse, famfaronnante, zélée, qui se met à brûler toute son énergie en portant le poids de la course. Notre sacré Van Impe, essuie quant à lui les foudres de sa charismatique épouse, qui s’épanche dans la presse pour hurler son sentiment d’injustice. Jusqu’à l’ultime étape de vérité où le maillot jaune revient sur les épaules du Belge, qui écrase le collectif adverse épuisé par tant de parades. De cette situation déroutante, naît une victoire supérieurement intelligente, qui là encore s’appuie sur la manipulation du sportif concerné, de l’adversaire et des médias.

L’utilisation de l’adversaire et de l’environnement apparaît clairement dans cet inégalable livre « L’art de la guerre » de Sun Tzu. Aude à l’intelligence humaine que tant de stratèges conservent dans leur bibliothèque.

Luis Enrique n’a pas agit autrement pour préparer son plan avant ce match qualifié de « plus important de la saison » pour le Paris Saint Germain.

Nous sommes au lendemain de la victoire 2 à 0, au match aller contre la Real Sociedad. Allez savoir pourquoi, Kylian Mbappé choisit ce moment pour annoncer son départ du PSG la saison prochaine ! Qui osera penser une seule seconde que cette annonce ne relève pas d’une stratégie soupesée ?

Les matches du PSG s’enchaînent, ils servent évidemment à préparer le si crucial match retour. Paris a assuré son titre national et peut se permettre des expérimentations. Reste à savoir comment expérimenter sans laisser l’adversaire Basque s’apercevoir des contours du plan qui se trame ? 

En faisant diversion bien sûr ! Tous les regards se focalisent sur les remplacements inédits de Mbappé, en plein match face à Rennes puis à Monaco. Luis Enrique argue qu’il s’agit de préparer son équipe pour la saison prochaine, quand Kylian sera parti. La presse s’empare de l’incohérence, de cette « grave erreur de communication ». Luis Henrique n’entraînera peut-être plus le PSG, certains autres joueurs quitteront le navire…. Bref une stupidité !

Honnêtement, qui peut imaginer que l’entraîneur espagnol fonctionne de manière si maladroite ? Krumbholz et Guimard avaient reçu de telles critiques sur leurs incohérences. Ils mettaient tout simplement en place une stratégie qui brouille les pistes. Luis Enrique aussi !

Le plan pour le match retour à San Sebastien s’avère, après coup, être le suivant. Les Basques, aveuglés par l’opportunité de réaliser eux aussi la « Remontada » (Le PSG se crée toujours des crises au mauvais moment cf La Une de « l’Equipe »), envisagent d’enflammer  le début de la rencontre pour créer le choc émotionnel susceptible de déconstruire l’édifice parisien. Marquer d’entrée soulèverait le public, paralyserait les parisiens, le scénario idéal… Luis Enrique le sait et doit proposer une tactique inédite, qui déstabiliserait la Real Sociedad, incapable de s’adapter d’entrée, au moment justement où elle doit renverser la tendance. Cette stratégie tactique nécessite évidemment une préparation, qu’il convient de  masquer pour réussir l’effet de surprise.

« Utilisons cet environnement que nous avons mis en place, au vue et au su des observateurs effarés par tant d’incohérences » doit se dire l’entraîneur parisien!

Mbappé n’est plus au cœur du projet parisien pour son entraîneur ? Parfait, cette philosophie permet de justifier des choix par une autre argumentation de celle de la préparation tactique du match retour. Il réintègre des joueurs cantonnés au rôle de remplaçants qui  jouent habituellement au centre de l’attaque, comme Mbappé depuis quelques semaines. Enrique repositionne Mbappé à gauche, là où il a remporté la coupe du monde. Non pas par choix pensent les observateurs, mais par volonté de le sanctionner. Génial Le Real n’a rien vu !

Il se trouve que le plan d’action de l’entraîneur s’appuie sur le repositionnement de Mbappé à gauche et sur  l’utilisation de l’autre international français, Ousmane Dembélé, dans un rôle de milieu de terrain pour densifier ce secteur qui montre d’inquiétants signes de faiblesse depuis le début de saison. Certes Dembélé a déjà évolué dans ce registre mais il lui faut reprendre quelques repères. C’est ce qui se passe en deuxième mi-temps à Monaco. Personne ne s’intéresse à ce positionnement car Mbappé et Enrique proposent une pièce de théâtre captivante, aveuglante. Kylian est remplacé à la mi-temps, il retrouve ses amis monégasques et sa mère en tribune. Un attitude qui occupent les médias pendant une semaine complète. Sauf que l’entraîneur du PSG a pu mettre en place sa stratégie en toute discrétion. Le sourire complice lors de la poignée de main échangée par l’entraîneur de la Real Sociedad battu  2 à 1 avec son homologue parisien, montre bien l’admiration qu’il voue au coup de maître proposé par Luis Enrique.

Mbappé pendant ce temps là, sur joue le faciès du joueur star échaudé par ses remplacements des derniers jours, Luis Enrique déclare que Mbappé reste le meilleur joueur du monde, tour en rappelant qu’il doit préparer l’équipe pour la saison prochaine… Finalement les deux hommes (qui s’enlacent sans ostentation à la fin du match) se plaisent à jouer cette pièce de théâtre qui doit se conclure par l’objectif suprême, remporter la première League des champions de l’histoire du club avec son joueur le plus emblématique de son histoire.

Souvent l’analyse sportive s’appuie sur le rapport de force entre deux sujets. Cette dualité accapare l’attention du commun des acteurs qui gravitent dans son environnement. Un troisième degré de lecture s’impose pour ceux qui veulent atteindre les sommets. Que dois-je faire de cette dualité ? Quel contexte vais-je créer à partir de ce rapport de force pour déstabiliser, piéger, dérouter un adversaire ?

Luis Enrique a produit un plan d’attaque qui aura utilisé tous les éléments  qu’il pouvait manipuler, pour gagner. Maintenant la suite du chemin s’annonce passionnante, face à d’autres entraîneurs habitués à ce troisième degré de lecture, qui auront saisi la stratégie parisienne. Or « On peut tromper 1 fois mille personnes mais pas mille fois une personne ». Faites nous rêver les super intelligents !

 

Frédéric BRINDELLE

Journaliste

Christian Jeanpierre, vous êtes plutôt foot ou rugby ?

Revivez cette interview prémonitoire du journaliste Christian Jeanpierre, effectuée le 18 septembre 2019 lors de l’arrivée de Fabien Galthier à la tête de Bleus et à l’occasion de la précédente Coupe du…
Michel Taube